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Dakota gisait au sol, prise de convulsions, il y avait du sang partout. Jerry, Charlotte et Michael s’étaient précipités autour d’elle. Jerry hurlait. J’appuyai sur ses plaies pour freiner l’hémorragie, tandis que Derek s’époumonait à la radio : « On a un blessé par balles ! Envoyez des secours sur la scène ! »

Le flot de spectateurs se déversa dans la rue principale, déclenchant un gigantesque mouvement de panique que la police ne pouvait pas contenir. Les gens hurlaient. On parlait d’un attentat.

Steven courut avec Alice jusqu’à se retrouver dans un petit parc désert. Ils s’y arrêtèrent pour reprendre leur souffle.

— Mais que s’est-il passé ? demanda Alice, paniquée.

— Je n’en sais rien, répondit Steven.

Alice observa la rue. Il n’y avait personne. Tout était désert. Ils avaient couru longtemps. Steven comprit que c’était le moment ou jamais. Alice lui tournait le dos. Il ramassa une pierre par terre et asséna un coup d’une violence inouïe sur le crâne d’Alice, qui se brisa aussitôt. Elle s’écroula par terre. Morte.

Steven, terrifié par ce qu’il venait de faire, lâcha la pierre et recula, contemplant le corps inerte. Il eut envie de vomir. Il observa autour de lui, paniqué. Il n’y avait personne. On ne l’avait pas vu. Il traîna le corps d’Alice dans un fourré et s’enfuit à toutes jambes en direction du Palace du Lac.

De la rue principale, on entendait des cris et des sirènes. Des véhicules d’urgence affluaient.

C’était le chaos total.

C’était la Nuit noire.

ANNA KANNER

Vendredi 21 septembre 2012. Le jour où tout bascula.

Jusque-là, tout allait bien. Dans ma vie professionnelle et dans ma vie amoureuse avec Mark. J’étais inspectrice au commissariat du 55e district. Mark, avocat dans le cabinet de mon père, développait avec succès une clientèle d’affaires qui lui assurait d’importants revenus. Nous nous aimions. Nous étions un couple heureux. Au travail et à la maison. Des jeunes mariés heureux. J’avais même l’impression que nous étions plus heureux et épanouis que la plupart des autres couples que nous connaissions et auxquels je me comparais souvent.

Je crois que le premier écueil dans notre relation fut mon changement d’affectation au sein de la police. Ayant rapidement fait mes preuves sur le terrain, je fus proposée par mes supérieurs pour rejoindre en qualité de négociatrice une unité d’intervention en cas de prise d’otages. Je réussis brillamment les tests pour ce nouveau poste.

Mark ne comprit d’abord pas très bien ce qu’impliquait ma nouvelle affectation. Jusqu’à ce que je passe malgré moi à la télévision, lors d’une prise d’otages dans un supermarché du Queens au début de l’année 2012. On me vit à l’écran dans ma tenue noire, harnachée de mon gilet pare-balles, un casque balistique entre les mains. Les images firent le tour de la famille et de nos amis.

— Je croyais que tu étais négociatrice, dit Mark, effaré, après avoir regardé la séquence en boucle.

— C’est le cas, lui assurai-je.

— À voir ta tenue, on croirait que tu es plus dans l’action que dans la réflexion.

— Mark, c’est une unité qui gère des prises d’otages. On ne fait pas du yoga pour régler ce genre de problèmes.

Il resta silencieux un moment, tracassé. Se servit un verre, fuma quelques cigarettes, puis vint me prévenir :

— Je ne sais pas si je pourrai supporter que tu fasses ce boulot.

— Tu connaissais les risques de mon métier en m’épousant, lui rappelai-je.

— Non, quand je t’ai connue, tu étais inspectrice. Tu ne faisais pas ce genre d’idioties.

— Des idioties ? Mark, je sauve des vies.

Les tensions s’aggravèrent après qu’un détraqué abattit à bout portant deux policiers qui buvaient un café dans leur voiture, garée dans une rue de Brooklyn, la fenêtre ouverte.

Mark était inquiet. Quand je partais le matin, il me disait : « J’espère que je te retrouverai ce soir. » Les mois s’écoulèrent. Peu à peu, les allusions ne suffirent plus : Mark se montra plus insistant et en vint à me suggérer une reconversion professionnelle.

— Pourquoi tu ne viendrais pas travailler avec moi au cabinet d’avocats, Anna ? Tu pourrais m’aider sur les gros dossiers.

— T’aider ? Tu voudrais que je sois ton assistante ? Tu penses que je ne suis pas capable d’avoir mes propres dossiers ? Dois-je te rappeler que je suis avocate diplômée, comme toi ?

— Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. Mais je pense que tu devrais penser plus loin que ton futur immédiat, et envisager un travail à temps partiel.

— Partiel ? Pourquoi un temps partiel ?

— Anna, quand on aura des enfants, tu ne vas quand même pas passer tes journées loin d’eux ?

Mark avait des parents carriéristes qui s’étaient très peu occupés de lui lorsqu’il était enfant. Il en avait gardé une blessure qu’il réparait en travaillant d’arrache-pied dans l’idée de subvenir seul aux besoins du ménage et de permettre à sa femme de rester à la maison.

— Je ne serai jamais une femme au foyer, Mark. Ça aussi, tu le savais avant de m’épouser.

— Mais tu n’as plus besoin de travailler, Anna, je gagne suffisamment d’argent !

— J’aime mon métier, Mark. Je regrette que ça te déplaise tant.

— Promets-moi au moins d’y réfléchir.

— C’est non, Mark ! Mais ne t’inquiète pas, nous ne serons pas comme tes parents.

— Ne mêle pas mes parents à ça, Anna !

Lui pourtant y mêla mon père en se confiant à lui. Et ce dernier m’en parla un jour que nous nous retrouvions tous les deux. C’était ce fameux vendredi 21 septembre. Je me souviens que c’était une magnifique journée d’été indien : un soleil éclatant inondait New York, le thermomètre dépassait les vingt degrés Celsius. Je ne travaillais pas ce jour-là et je retrouvai mon père pour déjeuner sur la terrasse d’un petit restaurant italien que nous adorions tous les deux. L’établissement n’était pas proche du cabinet de mon père et je songeai que s’il m’y donnait rendez-vous un jour de semaine, c’est qu’il voulait me parler de quelque chose d’important.

Effectivement, à peine fûmes-nous installés à table qu’il me dit :

— Anna, ma chérie, je sais que tu as des problèmes de couple.

Je manquai de recracher l’eau que j’étais en train de boire.

— On peut savoir qui t’a raconté ça, papa ? demandai-je.

— Ton mari. Il a peur pour toi, tu sais.

— Je faisais déjà ce métier quand il m’a rencontrée, papa.

— Alors, tu vas tout sacrifier pour ton boulot de flic ?

— J’adore mon travail. Est-ce que quelqu’un peut respecter cela ?

— Tu risques ta peau tous les jours !

— Mais enfin, papa, je peux aussi bien mourir happée par un bus en sortant de ce restaurant.