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Charlotte Brown, Samuel Padalin et Ron Gulliver avaient déjà regagné leur domicile la veille.

Dans la chambre 312, Steven Bergdorf bouclait sa valise, sous le regard de sa femme, Tracy. Elle était arrivée la veille. Elle avait confié ses enfants à une amie et était venue en bus jusque dans les Hamptons pour soutenir son mari. Elle était prête à lui pardonner ses écarts. Elle voulait juste que tout rentre dans l’ordre.

— Tu es sûr que tu peux partir ? demanda-t-elle.

— Oui, oui. La police dit que je dois simplement rester dans l’État de New York. La ville de New York est dans l’État de New York, non ?

— Effectivement, acquiesça Tracy.

— Alors, tout va bien. En route. J’ai hâte de retrouver notre chez-nous.

Steven attrapa sa valise et la tira derrière lui.

— Ta valise semble lourde, dit Tracy, je vais appeler un bagagiste, il va la mettre directement dans la voiture.

— Surtout pas ! s’écria Steven.

— Pourquoi pas ?

— Je peux tirer ma valise tout seul.

— Comme tu veux.

Ils sortirent de la chambre. Dans le couloir, Tracy Bergdorf enlaça soudain son mari.

— J’ai eu si peur, murmura-t-elle. Je t’aime.

— Moi aussi, je t’aime, Tracy, ma chérie. Tu m’as terriblement manqué.

— Je te pardonne tout ! dit alors Tracy.

— De quoi parles-tu ? demanda Steven.

— Cette fille qui était avec toi. Celle dont parle l’article dans le New York Times.

— Oh, mon Dieu, tu n’y as pas réellement cru ? Tracy, enfin, il n’y a jamais eu de fille, ce sont des inventions.

— Vraiment ?

— Mais évidemment ! Comme tu sais, j’ai dû virer Ostrovksi. Pour se venger de moi, il a raconté des bobards au New York Times.

— Quel sale type ! s’agaça Tracy.

— À qui le dis-tu ? C’est affreux ce que les gens sont mesquins.

Tracy enlaça encore son mari. Elle était tellement soulagée que tout cela ne soit pas vrai.

— On pourrait passer une nuit ici, suggéra-t-elle. Les chambres sont bradées. Ça nous permettrait de nous retrouver un peu.

— Je veux rentrer, dit Steven, voir mes enfants, mes petits poussins chéris.

— Tu as raison. Tu veux déjeuner ?

— Non, je préfère y aller directement.

Ils s’engouffrèrent dans l’ascenseur et traversèrent le lobby de l’hôtel, où régnait la cohue des départs précipités. Steven se dirigea d’un pas décidé vers la sortie, évitant de croiser le regard des employés de la réception. Il partait sans régler la note. Il devait s’enfuir, vite, sans qu’on lui pose des questions sur Alice. Surtout pas devant sa femme.

La voiture attendait sur le parking. Steven avait refusé de donner la clé au voiturier.

— Puis-je vous aider ? demanda un employé en voulant prendre sa valise.

— Surtout pas, refusa Steven en accélérant le pas, suivi par sa femme.

Il ouvrit la voiture et jeta sa valise sur la banquette arrière.

— Mets plutôt ta valise dans le coffre, lui suggéra sa femme.

— Souhaitez-vous que je mette votre valise dans le coffre ? demanda l’employé qui les avait escortés.

— Surtout pas, répéta Steven en s’installant au volant. Au revoir, et merci pour tout.

Sa femme s’installa sur le siège passager, il fit démarrer la voiture et ils s’en allèrent. Lorsqu’ils franchirent les limites de la ville, Steven poussa un soupir de soulagement. Jusqu’alors, personne n’avait rien remarqué. Et le cadavre d’Alice, dans le coffre, ne dégageait pas encore d’odeur. Il l’avait soigneusement emballé avec du film alimentaire et il se félicita de cette initiative.

Tracy alluma la radio. Elle se sentait sereine, heureuse. Bientôt, elle s’endormit.

Il faisait une chaleur terrible dehors. J’espère qu’elle ne va pas cuire, là-dedans, songea Steven, accroché au volant. Tout s’était passé si vite, il n’avait pas eu le temps de beaucoup réfléchir. Après avoir tué Alice et dissimulé son cadavre dans les buissons, il avait trotté jusqu’au Palace du Lac récupérer sa voiture avant de retourner sur les lieux du crime. Il avait soulevé avec peine le corps d’Alice et l’avait jeté dans le coffre. Sa chemise était couverte de sang. Mais qu’importe, personne ne l’avait vu. C’était la débandade à Orphea, tous les policiers étaient occupés au centre-ville. Il avait ensuite roulé jusqu’à un supermarché ouvert jour et nuit, y avait acheté des quantités industrielles de film alimentaire puis il avait trouvé un coin isolé, à l’orée d’une forêt. Il avait alors soigneusement emballé tout le corps déjà froid et raide. Il savait qu’il ne pouvait pas s’en débarrasser à Orphea. Il devait le transporter ailleurs et éviter que les odeurs ne le trahissent. Il espérait que son stratagème lui permettrait de gagner un peu de temps.

De retour au Palace du Lac avec Alice dans le coffre, il avait passé un vieux pull oublié dans sa voiture pour masquer sa chemise et rejoindre sa chambre sans qu’on puisse soupçonner quoi que ce soit. Il avait alors pris une longue douche et mis des vêtements propres similaires à ceux qu’il portait déjà ce soir-là. Il avait finalement dormi un peu. Avant de se réveiller en sursaut. Il devait se débarrasser des affaires d’Alice. Il avait alors ramassé sa valise à elle, l’avait remplie de tous ses effets, et était reparti de l’hôtel, espérant qu’on ne remarquerait pas ses allées et venues. Mais il régnait une telle effervescence que personne n’avait rien vu. Il avait repris sa voiture, et était allé disséminer les affaires d’Alice dans diverses poubelles des villes voisines, y compris ses vêtements, avant d’abandonner finalement la valise vide au bord de la route. Il avait senti son cœur exploser dans sa poitrine, son estomac se nouer : qu’un policier, remarquant son étrange manège, l’arrête et lui fasse ouvrir le coffre de la voiture, et il était cuit !

Finalement, à 5 heures du matin, il était dans sa suite du Palace du Lac, nettoyée de toute trace d’Alice. Il avait dormi une demi-heure, jusqu’à ce que des coups sur la porte le réveillent. C’était la police. Il avait eu envie de se jeter par la fenêtre. Il était pris ! Il avait ouvert, en caleçon, tremblant de tout son corps. Devant lui se tenaient deux policiers en uniforme.

— Monsieur Steven Bergdorf ? avait demandé l’un d’eux.

— C’est moi-même.

— On est vraiment désolé de venir à une heure pareille, mais le capitaine Rosenberg nous envoie chercher tous les membres de la troupe de théâtre. Il voudrait vous interroger à propos de ce qui s’est passé hier soir au Grand Théâtre.

— Je vous accompagne volontiers, avait répondu Steven, en s’efforçant de rester calme.

À la police qui lui avait demandé s’il avait vu Alice, il avait dit l’avoir perdue de vue en sortant du théâtre. Depuis, on ne lui avait plus posé de questions.

Pendant tout le trajet jusqu’à New York, il réfléchit à ce qu’il allait faire d’Alice. Lorsqu’il vit la silhouette des gratte-ciel de Manhattan apparaître, il avait déjà échafaudé tout un plan. Tout allait s’arranger. Personne ne retrouverait jamais Alice. Il suffisait qu’il puisse rejoindre le parc national de Yellowstone.

À quelques miles de là, face à Central Park, à l’hôpital Mount Sinai, Jerry et Cynthia Eden veillaient leur fille, placée dans une unité de soins intensifs. Le médecin passa les réconforter.