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— Rentre chez toi, Anna. Tu peux démissionner de la police si tu n’es pas contente.

Anna retourna chez elle, bouillonnant de rage. À peine eut-elle franchi la porte de sa maison qu’elle s’effondra dans le hall d’entrée, en pleurs. Elle resta longtemps assise à même le sol, blottie contre la commode, à sangloter. Elle ne savait plus quoi faire. Ni qui appeler. Lauren ? Elle lui dirait qu’elle l’avait prévenue que sa vie n’était pas à Orphea. Sa mère ? Elle lui infligerait une énième leçon de morale.

Quand finalement elle se fut calmée, son regard se posa sur le carton rempli des carnets de Meghan Padalin qu’elle avait emporté avec elle. Elle décida de se plonger dedans. Elle se servit un verre de vin, s’installa dans un fauteuil et entreprit sa lecture.

Elle commença directement par le milieu de l’année 1993 et suivit le cours des douze derniers mois de Meghan, jusqu’à juillet 1994.

Anna fut d’abord terrassée d’ennui par la description fastidieuse que Meghan Padalin faisait de sa vie. Elle comprenait ce que son mari avait pu ressentir s’il avait lu ces lignes.

Mais voilà qu’en date du 1er janvier 1994, Meghan mentionnait le gala du Nouvel an, à l’hôtel de la Rose du Nord, à Bridgehampton, où elle avait rencontré « un homme qui n’était pas de la région » et qui l’avait particulièrement subjuguée.

Puis Anna passa au mois de février 1994. Ce qu’elle y découvrit la laissa totalement stupéfaite.

MEGHAN PADALIN

Extraits de ses carnets

1er janvier 1994

Bonne année à moi. Hier nous sommes allés au gala du Nouvel an à l’hôtel de la Rose du Nord à Bridgehampton. J’ai fait une rencontre. Un homme qui n’est pas de la région. Je n’ai jamais ressenti rien de tel avant lui. Depuis hier, je ressens des picotements dans mon ventre.

25 février 1994

Aujourd’hui j’ai appelé à la mairie. Appel anonyme. J’ai parlé au maire-adjoint, Alan Brown. Je pense que c’est un type bien. Je lui ai dit que je savais tout à propos de Gordon. On verra bien ce qui se passe.

J’ai raconté ensuite à Felicity ce que j’avais fait. Elle a pris la mouche. Elle a dit que ça allait se retourner contre elle. Elle n’avait qu’à ne pas m’en parler, après tout. Le maire Gordon est une ordure, il faut que tout le monde le sache.

8 mars 1994

Je l’ai revu. Nous nous retrouvons chaque semaine désormais. Il me rend tellement heureuse.

1er avril 1994

J’ai vu le maire Gordon aujourd’hui. Il est venu à la librairie. On était seuls dans le magasin. Je lui ai tout déballé : que je savais tout, et qu’il était un criminel. C’est sorti d’un coup. Deux mois que je rumine ça. Il a nié évidemment. Il doit savoir ce qui s’est passé à cause de lui. Je voudrais avertir les journaux mais Felicity me l’a défendu.

2 avril 1994

Depuis hier, je me sens mieux. Felicity m’a crié dessus au téléphone. Je sais que j’ai eu raison de le faire.

3 avril 1994

Hier, en faisant mon jogging, je suis allée jusqu’à Penfield Crescent. Je suis tombée sur le maire qui rentrait chez lui. Je lui ai dit : « Honte à vous de ce que vous avez fait. » Je n’ai pas eu peur. Lui par contre semblait drôlement mal à l’aise. Je me sens comme l’œil qui poursuit Caïn. Tous les jours, j’irai l’attendre à son retour du travail et je lui rappellerai sa culpabilité.

7 avril 1994

Journée merveilleuse avec lui dans les Springs. Il me fascine. Je suis amoureuse. Samuel ne se doute absolument de rien. Tout va bien.

2 mai 1994

Bu un café avec Kate. Elle est la seule à savoir pour lui. Elle dit que je ne devrais par risquer mon mariage si c’est une passade. Ou alors me décider et quitter Samuel. Je ne sais pas si je suis assez courageuse pour me décider. La situation me convient bien.

25 juin 1994

Pas grand-chose à raconter. La librairie marche bien. Un nouveau restaurant est sur le point d’ouvrir sur la rue principale. Le Café Athéna. Ça a l’air sympathique. C’est Ted Tennenbaum qui l’ouvre. C’est un client de la librairie. Je l’aime bien.

1er juillet 1994

Le maire Gordon, qui ne met plus les pieds à la librairie depuis qu’il sait que je sais, est longuement venu aujourd’hui. Il m’a fait un cirque assez étrange. Il voulait un livre d’un auteur de la région, il a passé un long moment dans la pièce des auteurs. Je ne sais pas trop ce qu’il a fabriqué. Il y avait des clients, et je ne voyais pas bien. Finalement, il a acheté la pièce de Kirk Harvey, La Nuit noire. Après son départ, je suis allée jeter un coup d’œil dans la pièce des auteurs : j’ai remarqué que ce porc avait salement corné le livre de Bergdorf sur le festival. Je suis certaine qu’il veut vérifier si le stock qu’il nous a laissé se vend et contrôler ensuite qu’on lui reverse bien sa part. Il a peur qu’on le vole ? Alors que c’est lui le voleur.

18 juillet 1994

Kirk Harvey est venu à la librairie pour récupérer sa pièce. Je lui ai dit qu’on l’avait vendue. Je pensais qu’il serait content, mais il était furieux. Il voulait savoir qui l’avait achetée, je lui ai dit que c’était Gordon. Il n’a même pas voulu des 10 dollars qui lui revenaient.

20 juillet 1994

Kirk Harvey est revenu. Il dit que Gordon affirme que ce n’est pas lui qui a acheté sa pièce. Moi, je sais que c’est lui. Je l’ai répété à Kirk. Je l’ai même noté. Voir ma note du 1er juillet 1994.