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En fin d’après-midi, nous eûmes la surprise de voir le major McKenna débarquer chez Anna. Il nous rappela la menace qui planait sur Derek et moi depuis le début de la semaine :

— Si l’enquête n’est pas bouclée d’ici demain matin, je serai obligé de vous demander votre démission. C’est une volonté du gouverneur. Tout ça est allé trop loin.

— Tout indique que Michael Bird pourrait être notre homme, expliquai-je.

— Il ne faut pas simplement des indications, il faut des preuves ! tonna le major. Et des preuves solides ! Dois-je vous rappeler le fiasco de Ted Tennenbaum !

— On a retrouvé les clés…

— Oublie les clés, Jesse, m’interrompit McKenna. Elles ne constituent pas une preuve légale, et tu le sais très bien. Aucun tribunal n’en tiendra compte. Le procureur veut un dossier béton, personne ne veut prendre de risques. Si vous ne bouclez pas cette enquête, elle sera classée. Ce dossier est devenu pire que la peste. Si vous pensez que c’est Michael Bird le coupable, alors faites-le parler. Il vous faut des aveux à tout prix.

— Mais comment ? demandai-je.

— Il faut lui mettre la pression, conseilla le major. Trouvez sa corde sensible.

Derek nous dit alors :

— Si Miranda pensait que Michael avait tué Jeremiah Fold pour la libérer, c’est qu’il est prêt à tout pour protéger sa femme.

— Où veux-tu en venir ? lui demandai-je.

— Ce n’est pas à Michael qu’il faut s’en prendre, mais à Miranda. Et je crois que j’ai une idée.

JESSE ROSENBERG

Lundi 4 août 2014

9 jours après la première

À 7 heures du matin, nous débarquâmes dans la maison des Bird. Michael avait finalement pu rentrer chez lui la veille au soir.

C’est Miranda qui nous ouvrit la porte et Derek lui passa aussitôt les menottes.

— Miranda Bird, lui dis-je, vous êtes en état d’arrestation pour avoir menti à un officier de police et fait obstruction à l’avancée d’une enquête criminelle.

Michael accourut de la cuisine, suivi de ses enfants.

— Vous êtes fous ! s’écria-t-il en tentant de s’interposer.

Les enfants se mirent à pleurer. Je n’aimais pas agir de la sorte, mais nous n’avions plus le choix. Je rassurai les enfants tout en maintenant Michael à l’écart, pendant que Derek emmenait Miranda.

— La situation est sérieuse, expliquai-je à Michael sur le ton de la confession. Les mensonges de Miranda ont eu des conséquences graves. Le procureur est furieux. Elle n’échappera pas à une peine de prison ferme.

— Mais c’est un cauchemar ! s’écria Michael. Laissez-moi parler au procureur, il s’agit forcément d’un malentendu.

— Je regrette, Michael. Malheureusement, il n’y a rien que vous puissiez faire. Il faudra que vous soyez fort. Pour vos enfants.

Je sortis de la maison pour rejoindre Derek à notre voiture. Michael s’élança alors à notre suite.

— Libérez-la ! s’écria-t-il. Libérez ma femme, et j’avouerai tout.

— Qu’avez-vous à avouer ? lui demandai-je.

— Je vous le dirai si vous promettez de laisser ma femme tranquille.

— Marché conclu, lui répondis-je.

Derek défit les menottes qui entravaient les poignets de Miranda.

— Je veux un accord écrit du procureur, précisa Bird. Une garantie que Miranda ne risque rien.

— Je peux arranger ça, lui assurai-je.

Une heure plus tard, dans une salle d’interrogatoire du centre régional de la police d’État, Michael Bird relisait une lettre signée du procureur qui protégeait sa femme de toute poursuite pour nous avoir volontairement induits en erreur dans notre enquête. Il la signa et nous avoua, d’un ton presque soulagé :

— J’ai tué Meghan Padalin. Et la famille Gordon. Et Stephanie. Et Cody. Et Costico. Je les ai tous tués.

Il y eut un long silence. Vingt ans plus tard, nous obtenions enfin une confession. J’incitai Michael à nous en dire davantage.

— Pourquoi avez-vous fait ça ? lui demandai-je.

Il haussa les épaules.

— J’ai avoué, c’est tout ce qui compte, non ?

— Nous voulons comprendre. Vous n’avez pas le profil d’un tueur, Michael. Vous êtes un gentil père de famille. Comment un homme comme vous se retrouve-t-il à tuer sept personnes ?

Il eut un instant d’hésitation.

— Je ne sais même pas par où commencer, murmura-t-il.

— Commencez par le début, suggérai-je.

Il se plongea dans ses souvenirs et il dit :

— Tout a commencé un soir de la fin de l’année 1993.

* * *

Début décembre 1993

C’était la première fois que Michael Bird se rendait au Ridge’s Club. Ce n’était d’ailleurs pas du tout son genre de lieu de sortie. Mais l’un de ses amis avait lourdement insisté pour qu’il l’y accompagne. « Il y a une chanteuse à la voix extraordinaire », lui avait-il assuré. Mais sur place, ce n’est pas la chanteuse qui avait subjugué Michael, mais l’hôtesse, à l’entrée. C’était Miranda. Ce fut un coup de foudre immédiat. Michael était envoûté. Il se mit à aller régulièrement au Ridge’s Club, juste pour la voir. Il était fou amoureux.

Miranda avait d’abord repoussé les avances de Michael. Elle lui avait fait comprendre qu’il ne devait pas l’approcher. Il avait pensé à un jeu de séduction. Il n’avait pas vu le danger. Costico finit par le repérer et obligea Miranda à le piéger au motel. Elle commença par refuser. Mais une séance de bassine la força à accepter. Un soir de janvier, elle finit par donner rendez-vous à Michael au motel. Il l’y rejoignit le lendemain après-midi. Ils se déshabillèrent tous les deux, et là, Miranda, nue sur le lit, lui dit : « Je suis mineure, je suis encore au lycée, ça t’excite ? » Michael resta interdit : « Tu m’avais dit avoir 19 ans. Tu es folle de m’avoir menti. Je ne peux pas être dans cette chambre avec toi. » Il voulut se rhabiller mais il remarqua alors un gros type derrière le rideau : c’était Costico. Il y eut une bousculade, Michael parvint à s’enfuir de la chambre, nu, mais en ayant ramassé ses clés de voiture. Costico se lança à sa poursuite sur le parking, mais Michael eut le temps d’ouvrir la portière de sa voiture et de se saisir d’une bombe lacrymogène. Il neutralisa Costico et s’enfuit. Mais Costico le retrouva sans difficulté et il lui administra un tabassage en règle, chez lui, avant de le conduire de force, au milieu de la nuit, jusqu’au Ridge’s Club, qui avait déjà fermé. Michael se retrouva dans le bureau. Avec Jeremiah. Miranda était là aussi. Jeremiah expliqua à Michael qu’il devait travailler pour lui désormais. Qu’il était son larbin. Il lui dit : « Aussi longtemps que tu feras ce qu’on te dit, ta petite copine restera au sec. » À ce moment-là, Costico attrapa Miranda par les cheveux et la traîna jusqu’à la bassine. Il lui plongea la tête dans l’eau pendant de longues secondes, et il recommença jusqu’à ce que Michael promette de coopérer.