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— Et vous y êtes allé.

— Oui, elle m’a reconnu. J’ai dit que j’allais tout lui expliquer, que j’allais lui montrer quelque chose de très important. Elle est montée dans ma voiture.

— Vous vouliez la conduire sur l’îlot du lac des Castors et la tuer ?

— Oui, personne ne l’aurait retrouvée là-bas. Mais elle a compris ce que je m’apprêtais à faire alors que nous arrivions au lac des Cerfs. Je ne sais pas comment elle a su. L’instinct sans doute. Elle s’est éjectée de la voiture, elle a couru à travers la forêt, je l’ai poursuivie et je l’ai rattrapée sur la berge. Je l’ai noyée. J’ai poussé le corps dans l’eau, il a coulé à pic. Je suis retourné à ma voiture. Un automobiliste est passé sur la route à ce moment-là. J’ai paniqué, je me suis enfui. Elle avait laissé son sac à main dans la voiture. Il y avait ses clés. Je suis allé chez elle pour fouiller son appartement.

— Vous vouliez mettre la main sur son enquête, comprit Derek. Mais vous n’avez rien trouvé. Alors vous vous êtes envoyé un message à vous-même avec le téléphone de Stephanie pour faire croire qu’elle s’était absentée et gagner du temps. Puis vous avez simulé le cambriolage du journal pour prendre son ordinateur, ce qui n’a été découvert que quelques jours plus tard.

— Oui, acquiesça Michael. Ce soir-là, je me suis débarrassé de son sac à main et de son téléphone. J’ai gardé ses clés qui pourraient m’être utiles. Ensuite, quand vous avez débarqué à Orphea trois jours plus tard, Jesse, j’ai paniqué. Ce soir-là, je suis retourné à l’appartement de Stephanie, je l’ai fouillé de fond en comble. Mais voilà que vous êtes arrivé, alors que je pensais que vous aviez quitté la ville. Je n’ai pas eu d’autre choix que de vous agresser avec une bombe lacrymogène pour m’enfuir.

— Et ensuite, vous vous êtes arrangé pour être au plus près de la pièce et de l’enquête, dit Derek.

— Oui. Et j’ai été obligé de tuer Cody. Je savais qu’il vous avait parlé du livre de Bergdorf. C’était justement dans un exemplaire de ce livre que le maire Gordon avait inscrit le nom de Meghan. J’ai commencé à imaginer que tout le monde savait ce que j’avais fait en 1994.

— Et puis, vous avez tué Costico aussi, car il risquait de nous conduire à vous.

— Oui. Quand Miranda m’a dit que vous l’aviez interrogée, j’ai pensé que vous iriez parler à Costico. Je ne savais pas s’il se souviendrait de mon nom, mais je ne pouvais pas prendre de risques. Je l’ai suivi du Club jusque chez lui, pour connaître son adresse. J’ai sonné, je l’ai menacé avec mon arme. J’ai attendu la nuit, avant de l’obliger à me conduire jusqu’au lac des Castors, et à ramer jusqu’à l’îlot. Puis je lui ai tiré dessus et je l’ai enterré là-bas.

— Et ensuite il y a eu la première de la pièce de théâtre, dit Derek. Vous pensiez que Kirk Harvey connaissait votre identité ?

— Je voulais parer à toute éventualité. J’ai introduit une arme dans le Grand Théâtre la veille de la première. Avant la fouille. Puis j’ai assisté à la représentation, caché sur la passerelle au-dessus de la scène, prêt à tirer sur les acteurs.

— Vous avez tiré sur Dakota, en pensant qu’elle allait révéler votre nom.

— Je suis devenu paranoïaque. Je n’étais plus moi-même.

— Et moi ? demanda Anna.

— Samedi soir, quand nous sommes allés chez moi, je voulais vraiment voir mes filles. Je t’ai vue sortir de la salle de bains et regarder cette photo. J’ai aussitôt deviné que tu avais compris quelque chose. Après avoir réussi à m’échapper au lac des Castors j’ai laissé ta voiture dans la forêt. Je me suis frappé le crâne avec une pierre et je me suis lié les mains avec un bout de corde que j’avais trouvé.

— Alors vous avez fait tout ça pour protéger votre secret ? dis-je.

Michael me fixa dans les yeux.

— Quand vous avez tué une fois, vous pouvez tuer deux fois. Et quand vous avez tué deux fois, vous pouvez tuer l’humanité tout entière. Il n’y a plus de limites.

*

— Vous aviez raison depuis le début, nous dit McKenna en sortant de la salle d’interrogatoire. Ted Tennenbaum était bien coupable. Mais il n’était pas le seul coupable. Bravo !

— Merci, major, répondis-je.

— Jesse, pouvons-nous espérer que vous restiez un peu plus longtemps dans la police ? demanda le major. J’ai fait libérer votre bureau. Quant à toi, Derek, si tu veux revenir à la brigade criminelle, une place t’y attend.

Derek et moi promîmes d’y réfléchir.

Alors que nous quittions le centre régional de la police d’État, Derek nous proposa, à Anna et moi :

— Vous voulez venir dîner chez moi ce soir ? Darla fait du rôti. On pourrait célébrer la fin de notre enquête.

— C’est gentil, dit Anna, mais j’ai promis à ma copine Lauren de dîner avec elle.

— Dommage, regretta Derek. Et, toi Jesse ?

Je souris :

— Moi, j’ai un rancard ce soir.

— Vraiment ? s’étonna Derek.

— Avec qui ? exigea de savoir Anna.

— Je vous en parlerai une autre fois.

— Petit cachottier, s’amusa Derek.

Je les saluai et montai dans ma voiture pour rentrer chez moi.

*

Ce soir-là, je me rendis dans un petit restaurant français de Sag Harbor que j’aimais particulièrement. Je l’attendis dehors, avec des fleurs. Puis je la vis arriver. Anna. Elle était radieuse. Elle m’enlaça. D’un geste plein de tendresse, je posai la main sur le pansement qu’elle avait sur le visage. Elle me sourit et nous nous embrassâmes longuement. Puis elle me demanda :

— Tu crois que Derek se doute de quelque chose ?

— Je ne pense pas, répondis-je, amusé.

Et je l’embrassai encore.

2016.

Deux ans après les évènements

À l’automne 2016, un petit théâtre de New York joua une pièce intitulée La Nuit noire de Stephanie Mailer. Écrite par Meta Ostrovski et mise en scène par Kirk Harvey, la pièce ne connut absolument aucun succès. Ostrovski en fut enchanté. « Ce qui n’a pas de succès est forcément très bon, parole de critique », assura-t-il à Harvey, qui se réjouit de cette bonne nouvelle. Les deux hommes sont actuellement en tournée à travers le pays et sont très contents d’eux-mêmes.

Steven Bergdorf, durant l’année qui suivit son funeste voyage à Yellowstone, resta poursuivi par l’image d’Alice. Il la voyait partout. Il croyait l’entendre. Elle surgissait dans le métro, dans son bureau, dans sa salle de bains.

Pour soulager sa conscience, il décida de tout avouer à sa femme. Ne sachant comment le lui annoncer, il écrivit sa confession. Il raconta tout dans les moindres détails, de l’hôtel Plaza jusqu’au parc national de Yellowstone.

Il termina le texte, un soir, chez lui, et se précipita vers sa femme pour qu’elle le lise. Mais celle-ci s’apprêtait à partir dîner avec des amies.