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— Je crois que nous avons là une occasion de tout réparer, Derek.

— Il n’y a rien que l’on puisse réparer, Jesse. Tu es le bienvenu à l’intérieur pour une part de pizza si tu le veux. Mais le sujet de l’enquête est clos.

Il poussa la porte de sa maison.

— Je t’envie, Derek ! lui dis-je alors.

Il se retourna :

— Tu m’envies ? Mais de quoi pourrais-tu bien m’envier ?

— D’aimer et d’être aimé.

Il hocha la tête, dépité :

— Jesse, ça fait vingt ans que Natasha est partie. Il y a longtemps que tu aurais dû refaire ta vie. Parfois, j’ai l’impression que c’est comme si tu t’attendais à ce qu’elle revienne.

— Chaque jour, Derek. Chaque jour, je me dis qu’elle va réapparaître. Chaque fois que je passe la porte de ma maison j’ai l’espoir de l’y retrouver.

Il soupira.

— Je ne sais pas quoi te dire. Je suis désolé. Tu devrais voir quelqu’un. Tu dois aller de l’avant dans ta vie, Jesse.

Il rentra à l’intérieur, je retournai à ma voiture. Alors que j’étais sur le point de démarrer, je vis Darla sortir de la maison et accourir vers moi d’un pas nerveux. Elle semblait en colère et j’en connaissais la raison. Je baissai ma vitre et elle s’écria :

— Ne lui fais pas ça, Jesse ! Ne viens pas réveiller les fantômes du passé.

— Écoute, Darla…

— Non, Jesse. Toi, écoute-moi ! Derek ne mérite pas que tu lui fasses ça ! Fous-lui la paix avec ce dossier ! Ne lui fais pas ça ! Tu n’es pas le bienvenu ici si c’est pour remuer le passé. Dois-je te rappeler ce qui est arrivé il y a vingt ans ?

— Non, Darla, tu n’as pas besoin ! Personne n’a besoin de me le rappeler. Je me le rappelle tous les jours. Tous les putains de jours, Darla, tu m’entends ? Tous les putains de matins à mon lever et tous les soirs en m’endormant.

Elle me lança un regard triste et je compris qu’elle regrettait d’avoir abordé ce sujet.

— Je suis désolée, Jesse. Viens dîner, il reste de la pizza et j’ai fait un tiramisu.

— Non, merci. Je vais rentrer.

Je démarrai.

De retour chez moi, je me servis un verre et ressortis un classeur que je n’avais pas touché depuis bien longtemps. À l’intérieur, des articles en vrac datant de 1994. Je les parcourus longuement. L’un d’eux retint mon attention.

LA POLICE CÉLÈBRE UN HÉROS

Le sergent Derek Scott a été décoré hier lors d’une cérémonie au centre régional de la police d’État pour son courage après avoir sauvé la vie de son coéquipier, l’inspecteur Jesse Rosenberg, au cours de l’arrestation d’un dangereux meurtrier, coupable d’avoir assassiné quatre personnes dans les Hamptons durant l’été.

La sonnette de la porte d’entrée m’arracha à mes réflexions. Je regardai l’heure : qui pouvait venir si tard ? J’attrapai mon arme, laissée sur la table devant moi, et m’approchai sans bruit de la porte, méfiant. Je jetai un coup d’œil par le judas : c’était Derek.

Je lui ouvris et le dévisageai un instant, en silence. Il remarqua mon arme.

— Tu penses vraiment que c’est sérieux, hein ? me dit-il.

J’acquiesçai. Il ajouta :

— Montre-moi ce que tu as, Jesse.

Je ressortis toutes les pièces dont je disposais et les étalai sur la table de la salle à manger. Derek étudia les photos des caméras de surveillance, le briquet, la note, l’argent liquide et les relevés de carte de crédit.

— Il est évident que Stephanie dépensait plus qu’elle ne gagnait, expliquai-je à Derek. Son seul billet pour Los Angeles lui a coûté 900 dollars. Elle avait forcément une autre source de revenus. Il faut trouver laquelle.

Derek se plongea dans les dépenses de Stephanie. J’aperçus dans son regard une lueur pétillante que je n’avais pas vue depuis bien longtemps. Après avoir longuement épluché les dépenses de la carte de crédit, il attrapa un stylo et entoura un prélèvement automatique mensuel de 60 dollars depuis le mois de novembre.

— Les débits sont faits au nom d’une société appelée SVMA, me dit-il. Est-ce que ce nom t’évoque quelque chose ?

— Non, rien, lui répondis-je.

Il attrapa mon ordinateur portable posé sur la table et interrogea Internet.

— Il s’agit d’un garde-meuble en libre-service à Orphea, m’annonça-t-il en tournant l’écran vers moi.

— Un garde-meuble ? m’étonnai-je en me remémorant ma discussion avec Trudy Mailer. Selon sa mère, Stephanie n’avait que quelques affaires à New York, qu’elle avait emportées directement dans son appartement d’Orphea. Alors pourquoi louer un garde-meuble depuis le mois de novembre ?

Le garde-meuble était ouvert 24 heures sur 24 et nous décidâmes de nous y rendre immédiatement. Le vigile de permanence, après que je lui eus présenté ma plaque, consulta son registre et nous indiqua le numéro du local loué par Stephanie.

Nous traversâmes un dédale de portes et de stores baissés et arrivâmes face à un rideau métallique, fermé par un cadenas. J’avais apporté une pince à métaux et je vins sans difficulté à bout du verrou. Je fis coulisser le rideau tandis que Derek éclairait la pièce au moyen d’une lampe de poche.

Ce que nous y découvrîmes nous laissa stupéfaits.

DEREK SCOTT

Début août 1994. Une semaine s’était écoulée depuis le quadruple meurtre.

Jesse et moi consacrions toutes nos ressources à l’enquête, y travaillant jour et nuit, sans nous préoccuper de sommeil, de congés ou d’heures supplémentaires.

Nous avions pris nos quartiers dans l’appartement de Jesse et Natasha, beaucoup plus accueillant que le bureau froid du centre de la police d’État. Nous nous étions installés dans le salon, dans lequel nous avions disposé deux lits de camp, allant et venant à notre gré. Natasha était aux petits soins pour nous. Il lui arrivait de se lever au milieu de la nuit pour nous faire à manger. Elle disait que c’était une bonne façon de tester les plats qu’elle mettrait à la carte de son restaurant.

— Jesse, disais-je la bouche pleine et me délectant de ce que Natasha nous avait préparé, assure-toi que tu épouses cette femme. Elle est absolument fantastique.

— C’est prévu, me répondit un soir Jesse.

— Pour quand ? m’exclamai-je, enjoué.

Il sourit :

— Prochainement. Tu veux voir la bague ?

— Et comment !

Il disparut un instant pour revenir avec un écrin contenant un diamant magnifique.

— Mon Dieu, Jesse, elle est magnifique !

— Elle est à ma grand-mère, m’expliqua-t-il avant de la ranger précipitamment dans sa poche car Natasha arrivait.

*

Les analyses balistiques étaient formelles : une seule arme avait été utilisée, un pistolet de marque Beretta. Il n’y avait qu’une seule personne impliquée dans les meurtres. Les experts considéraient qu’il s’agissait vraisemblablement d’un homme, non seulement pour la violence du crime, mais parce que la porte de la maison avait été défoncée d’un solide coup de pied. Celle-ci n’était d’ailleurs même pas fermée à clé.