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[67] En d'autres termes, le Styx n'est pas le fleuve infernal décrit ci-dessus, mais aussi le marais circulaire qui forme le cercle cinquième de l'Enfer, réservé aux colériques. Ceux-ci plongent, totalement ou en partie, dans le marais. La correspondance entre le péché et la peine semble moins évidente que dans les cas précédents.

[68] Nous traduisons par indolence le mot accidia dont se sert Dante, et qui n'a pas été expliqué de manière satisfaisante. Cette accidia, quelle que soit sa signification exacte, concerne-t-elle seulement les pécheurs qui plongent entièrement dans le marais, ou bien comprend-elle aussi ceux qui n'y sont plongés qu'à demi? On admet plus volontiers la première interprétation; et l'on entend par «indolence» la colère contenue, qui ne fait pas explosion et qui empoisonne lentement l'âme (Todeschini, Torraca), tandis que les pécheurs qui sortent de l'eau sont les violents ceux dont la colère se traduit par des actes. D'autres pensent qu'il faut admettre que accidia signifie «paresse», Ce qui serait plus normal; et que le Styx abrite non seulement les colériques, mais aussi les paresseux, les orgueilleux et les envieux. Compte tenu des luxurieux (cercle II), des gourmands (cercle III) et des avares (cercle IV), tous les sept péchés capitaux seraient donc punis dans cette première partie de l'Enfer (Scartazzini).

[69] Cette expression a intrigué les anciens commentateurs. Boccace, dans la Vie de Dante, raconte que le poète avait déjà écrit les sept premiers chants de son poème, lorsqu'il se vit exiler de Florence, sans avoir pu retrouver sa maison et son manuscrit. Celui-ci fut retrouvé par hasard, quelques années plus tard, par Dino Frescobaldi, qui le fit remettre au marquis Malaspina, protecteur de Dante; et c'est à la prière de Malaspina que le poète reprit l'ouvrage interrompu. C'est donc à cet endroit que Dante reprit son poème, ce qui explique cet effort de soudure. La critique moderne ne croit pas à cette explication; et déjà Gelli, I, 472, en avait fourni une autre. Le poète parle ainsi, parce que c'est pour la première fois qu'un chant nouveau continue directement la matière déjà commencée au chant antérieur: auparavant, chaque chant avait terminé en même temps que l'épisode qui formait son sujet.

[70] La tour de Dite, dont le nom sera mentionné plus loin.

[71] Ce système de signalisation par des feux de vigie annonce l'arrivée des deux poètes. C'est à ce signal que s se met en mouvement.

[72] D'après la mythologie, Phlégias était père de Coronis, qui eut d'Apollon un fils, Esculape. Irrité par la conduite du dieu, qui avait séduit sa fille, Phlégias avait mis le feu au temple de Delphes: c'est à ce titre qu'il sert de nocher aux colériques.

[73] L'âme est celle de Filippo Argenti, qui ne nous est connu que par Dante et par Boccace, qui en fait le personnage d'une nouvelle du Décaméron, IX, 8, et ajoute qu'il était «grand de taille, brun et robuste et terriblement fort, et colérique plus que nul autre, même pour des raisons infimes». La dureté de Dante à son égard semble bien cacher quelque ressentiment personnel; mais on ne saurait dire quel est le fondement de la tradition qui veut qu'Argenti ait donné au poète un soufflet en public.

[74] L'entonnoir que forme l'Enfer est coupé, entre le cinquième et le sixième cercle, par une ceinture de murailles, qui sépare l'Enfer en deux sections distinctes. La partie supérieure de cet entonnoir, comprenant les cinq premiers cercles, est réservée aux âmes qui ont péché par intempérance. Les quatre cercles derniers, qui forment la pointe de l'entonnoir, contiennent les âmes de ceux qui ont péché par malice: ils forment la cité de Dite, dont il est question ici, et dont le nom vient de Dis, surnom latin de Pluton, dieu de l'Enfer.

[75] Les mêmes démons avaient prétendu s'opposer au Christ, lorsqu'il descendit aux Enfers, pour racheter les âmes des justes de l'Ancien Testament; et le Christ brisa la porte de l'Enfer, qui reste depuis lors largement ouverte.

[76] Erichto est une magicienne mentionnée par Lucain dans sa Pharsale: elle fit revivre un mort, pour prédire à Pompée l'issue de la bataille de Pharsale. Les sorts qui obligèrent Virgile à voyager aux Enfers sont une invention poétique de Dante, pour expliquer la connaissance qu'avait le poète du chemin qu'ils suivaient maintenant tous les deux. Le cercle de Judas ou Giudecca est la dernière zone du neuvième cercle de l'Enfer.

[77] Thésée était descendu aux Enfers pour aider son ami Pirithoüs, amoureux de Proserpine. Celui-ci fut dévoré par Cerbère, et Thésée, prisonnier, resta aux Enfers jusqu'à ce qu'il fût délivré par Hercule.

[78] La Méduse était l'une des trois Gorgones, filles de Phorcys. Minerve lui avait donné un visage si terrible, que ceux qui la regardaient se transformaient en pierres.

[79] Cette doctrine cachée est d'autant plus difficile à éclaircir, que nous ne savons si le poète fait allusion à ce qui précède immédiatement (Virgile qui met ses mains sur les yeux de Dante), à tout l'épisode antérieur (le voyageur qui se voit refuser l'entrée de Dite), ou bien à ce qui suit (l'arrivée de l'ange qui ouvrira ces portes). Les explications des commentateurs sont aussi variées qu'incertaines. Le poète a voulu dire peut-être que, descendu aux Enfers pour connaître par lui-même toutes les causes de la perdition des âmes, il a découvert qu'il existe des péchés qu'il ne faut pas connaître, au risque de se pétrifier, ou s'endurcir dans le péché au point de compromettre ses chances de salut. Pour fuir leur danger, la volonté et la raison réunies suffisent à peine. Mais ce n'est là qu'une des interprétations possibles de ce passage.

[80] Un ange. On a prétendu parfois que cet envoyé du ciel était Énée: ce qui n'est pas possible, Énée se trouvant au limbe, comme on a pu le voir au chant IV.

[81] A cause d'Hercule, qui l'avait enchaîné et traîné hors de la porte, lorsque Cerbère avait voulu s'opposer à son entrée, malgré le décret du Destin.

[82] Au-delà des murs de Dite, les deux voyageurs se trouvent au sixième cercle de l'Enfer, réservé aux hérésiarques. C'est un vaste cimetière, couvert de sarcophages chauffés à blanc, et dans lesquels gisent les âmes des pécheurs.

[83] Allusion aux cimetières antiques des Aliscamps, longue route bordée de sarcophages romains près d'Arles, et de Pola, en Istrie.

[84] Les hérésiarques sont placés là d'après leur genre d'erreur, les adeptes de la même hérésie se trouvant donc ensemble.

[85] Comme nous l'avons déjà dit, les deux poètes font le tour de l'Enfer en suivant une route qui va de gauche à droite, dans le sens de l'avance d'une vis; ils parcourent les 360 degrés du cercle en même temps que les neuf étages de l'Enfer, ce qui veut dire qu'ils ne font qu'un tour complet de l'entonnoir, ou encore, que sur chaque palier ils avancent de 40 degrés ou d'un neuvième de cercle. Le sens de la marche à gauche est indiqué partout avec précision, à deux exceptions près: celle-ci, et celle qui les mène à côté de Géryon (Enfer, XVII, 31). Ces exceptions ne sauraient être dues au hasard; mais l'intention qui les a dictées n'est pas claire. On a prétendu que le tour à droite avant d'arriver chez les hérétiques, indique que «les premiers pas vers l'erreur religieuse ne sont pas forcément fautifs, puisque le premier motif de l'hérésie est la soif de savoir» (Scartazzini); ou que ce retour en arrière a pour but de compenser l'«assez long détour» signalé plus haut (Enfer, VIII, 79); et que, dans l'autre cas, Géryon symbolisant la fraude, la marche à droite symbolise l'honnêteté et la sincérité. La réalité n'est peut-être pas aussi compliquée. Puisque les deux poètes avancent vers leur gauche (sens que l'on obtient en regardant du haut de l'entonnoir vers le fond), cela signifie qu'ils ont le centre de l'Enfer à leur droite; chaque cercle suivant est au-dessous d'eux et à droite, sous le niveau du palier et de la route qu'ils suivent. Pour descendre au cercle suivant, ils coupent donc vers leur droite: et c'est ce qu'ils semblent faire dans les deux cas mentionnés ici. Cf. aussi la note 175.