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ces princes glorieux l’un à l’autre, en louant

le céleste aliment qui les nourrit là-haut.

Ces démonstrations une fois terminées,

chacun d’eux, sans parler, s’arrêta coram me [346],

si fulgurants tous deux, qu’ils m’avaient ébloui.

Béatrice lui dit, souriant de bonheur:

«Ô magnifique esprit, qui décrivis jadis

la magnanimité de notre basilique [347],

fais que dans ces hauteurs on parle d’espérance:

tu peux le faire bien, toi qui la représentes,

lorsque Jésus aux trois montre sa préférence.» [348]

«Lève donc le regard et prends de I’as6urance,

car ce qui vient ici du monde des mortels

doit mûrir tout d’abord au feu de nos rayons!»

Cet encouragement me vint du second feu:

ce qui me fit lever mon regard vers ces cimes

dont le poids excessif me l’avait fait baisser.

«Puisque notre Empereur, par sa grâce, t’octroie

de pouvoir rencontrer, avant que tu ne meures,

dans son salon secret, chacun de ses ministres,

afin qu’ayant connu l’éclat de cette cour,

tu puisses ranimer, en toi-même et dans d’autres,

l’espérance qui fait, là-bas, aimer le bien,

dis-moi donc ce qu’elle est, et comment ton esprit

s’en arme; et dis aussi d’où tu l’as obtenue!»

Ainsi continuait la seconde clarté.

Mais la dame pieuse, elle, qui dirigea

pour un aussi haut vol les plumes de mon aile,

devança ma réponse en parlant comme suit:

«Elle n’a pas de fils plus riche en espérance,

l’Église militante, ainsi qu’il est écrit

au soleil qui vêt d’or toute la sainte troupe [349];

aussi l’a-t-on laissé venir depuis Égypte

jusqu’à Jérusalem [350], pour tout voir et connaître,

avant que soit prescrit le temps de sa milice.

Quant aux deux autres points, qu’on ne demande pas

pour apprendre de lui, mais afin qu’il rapporte

combien cette vertu te produit de plaisir,

je le laisse parler: il n’a point à combattre

ni chercher à briller: c’est à lui de répondre;

que la grâce de Dieu l’assiste en ce moment!»

Le meilleur écolier répond à son docteur,

aussi rapidement sur ce qu’il sait très bien,

afin que son savoir brille plus aisément,

que je dis: «L’espérance est l’attente certaine

de la gloire future, et se produit en nous

par la grâce divine et le mérite ancien.

La lumière m’en vient de nombreuses étoiles;

mais qui l’a tout d’abord dans mon cœur distillée,

du suprême Seigneur fut le suprême chantre [351].

Parmi ses chants sacrés, il dit aussi: «Qu’en toi

mettent l’espoir tous ceux qui connaissant ton nom!»

Et comment l’ignorer, avec la foi que j’ai?

Tu m’abreuvas toi-même, après ce doux breuvage,

du lait de ton épître [352], et tant que j’en déborde

et je verse à mon tour de votre source aux autres.»

Pans le noyau vivant de ce grand incendie,

pendant que je parlais, tremblait une clarté

qui semblait un éclair intense et frémissant.

Il me dit à la fin: «L’amour dont je m’embrase

pour la sainte vertu qui m’accompagne ici,

jusqu’à gagner la palme et au sortir du champ [353],

exige d’en parler avec toi, qui tant l’aimes:

et c’est avec plaisir que je voudrais entendre

dire ce que promet pour toi cette espérance.»

«Les Écritures, dis-je, anciennes et nouvelles,

nous démontrent le but, qui peut me l’enseigner,

des âmes qui de Dieu deviennent les amies.

C’est ainsi qu’Isaïe avait dit que chacune

aurait dans sa patrie un double vêtement [354]:

et sa seule patrie est cette douce vie.

Ton frère, d’autre part, nous a manifesté

plus clairement encor sa révélation,

alors qu’il écrivait au sujet des étoles.» [355]

À peine avais-je dit ces dernières paroles,

lorsque Sperent in te [356] retentit sur nos têtes,

et dans chaque carole il fut repris en chœur.

Un éclat s’alluma soudainement entre elles

tel que, si le Cancer possédait ce bijou,

l’hiver serait un mois qui n’aurait qu’un seul jour [357].

Comme se lève et va pour entrer dans la danse,

sans arrière-penser, la vierge souriante,

rien que pour faire honneur à la jeune épousée,

telle je vis alors la splendeur éclatante

se joindre aux autres deux qui tournaient en musique

ainsi qu’il convenait à leur amour ardent.

Elle entra dans le chant ainsi que dans la ronde;

et ma dame sur eux reposait son regard

et semblait une épouse immobile et muette.

«Voici venir celui qui coucha sur le sein

de notre Pélican [358]: qui, du haut de la croix,

avait été choisi pour un office insigne.»

Ainsi parla ma dame; et cependant ses yeux

restaient toujours rivés avec attention,

avant d’avoir parlé comme après ces propos.

Pareil à qui prétend, en fixant le soleil,

regarder une éclipse à l’œil nu, tant soit peu,

et qui, voulant trop voir, cesse d’être voyant,

tel me fit devenir cette dernière flamme,

jusqu’à ce qu’elle dît: «Pourquoi donc t’aveugler

à chercher un objet qui n’a pas lieu chez nous? [359]

Sur la terre, mon corps, avec celui des autres,

est terre et le sera, tant qu’ici notre nombre

n’aura point égalé le décret éternel [360].

Seules les deux clartés qui viennent de monter

restent au cloître heureux avec leur double étole [361]:

tu peux en apporter la nouvelle à ton monde.»

Au son de cette voix, la guirlande enflammée

cessa de tournoyer, et la douce harmonie

que formait l’unisson de ces trois voix prit fin,

comme, pour éviter le risque ou la fatigue,

les rames qui tantôt venaient frapper les ondes

se posent à la fois, sur un coup de sifflet.

Et quel trouble soudain s’empara de l’esprit,

lorsque, m’étant tourné pour revoir Béatrice,

je ne pus plus la voir, quoique je fusse alors

toujours aussi près d’elle, au séjour des heureux.

CHANT XXVI

Tandis que je craignais d’avoir perdu la vue,

l’éclat éblouissant qui me l’avait éteinte [362]

laissa monter un souffle et semblant m’appeler