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Puisque le clairsemé ne forme pas un trou,

il s’ensuit qu’il existe un point où son contraire

finit par l’empêcher de s’enfoncer plus loin

et repousse à son tour les rayons du soleil,

tout comme le cristal réfléchit les couleurs,

lorsqu’on l’a fait doubler d’une couche de plomb [23].

Tu pourrais répliquer que, si certains rayons

se montrent plus obscurs que ceux venant d’ailleurs,

c’est parce que leur source était plus reculée.

Si tu veux l’éprouver, la simple expérience

pourra facilement éliminer tes doutes,

elle, qui sert de source au fleuve de vos arts.

Ayant pris trois miroirs, à la même distance

de toi, places-en deux; et que ton œil retrouve

entre ces deux premiers le dernier, mais plus loin.

Puis tourne-toi vers eux et mets derrière toi

un flambeau, prenant soin que les miroirs reçoivent

et te rendent aussi tous les trois sa lueur.

L’image qui viendra de plus loin paraîtra

plus petite, sans doute, à l’égard des deux autres;

tu verras cependant qu’elle a le même éclat.

Or, comme sous le coup des rayons de chaleur

le terrain reste à nu, dégagé de la neige,

libre de sa couleur et de son froid premier,

telle reste à présent ta propre intelligence;

je m’en vais l’informer de si vives lumières,

qu’elles te paraîtront des gerbes d’étincelles.

Là-haut, au sein du ciel de la divine paix [24],

tourne autour de lui-même un corps dont la vertu

donne l’être et la vie à tout ce qu’il contient,

Le ciel qui vient ensuite et contient tant d’étoiles

répartit ce même être en diverses essences

différentes de lui, mais en lui contenues.

Les sphères d’au-dessous, chacune à sa manière,

disposent à leur tour ces germes différents

suivant leur origine et leur finalité.

Comme tu vois déjà, ces organes du monde

descendent de la sorte et changent de degré,

recevant de plus haut et agissant plus bas.

Observe maintenant comme je me dirige

par ce moyen au vrai que tu prétends connaître:

ensuite, tu sauras passer tout seul le gué.

Comme l’art du marteau dépend du forgeron,

le cours et la vertu de ces sphères célestes

s’inspirent à leur tour des moteurs bienheureux;

et le ciel qu’embellit la ronde des flambeaux

imite ainsi l’image et devient comme un sceau

de ce savoir profond qui le fait se mouvoir.

Et de même que l’âme, au fond de vos poussières,

par des membres divers et spécialisés

développe et produit des forces différentes,

l’intelligence aussi produit et développe

des dons multipliés par toutes les étoiles,

et reste en même temps une seule et la même.

Différentes vertus diversement s’allient

avec le corps céleste animé par leurs soins,

se fondant avec lui comme avec vous la vie.

Et la nature heureuse où se tient son principe

fait briller dans le corps la vertu composite,

comme luit le bonheur dans le regard vivant.

De là la différence entre un aspect et l’autre,

qui ne dépendent pas du plus dense ou plus rare:

ce principe formel est celui qui produit,

selon sa qualité, le clair ou le confus.»

CHANT III

Ce soleil dont l’amour brûlait jadis mon cœur

m’avait ainsi montré par le pour et le contre

le visage enchanteur des belles vérités;

et moi, pour confesser que j’étais convaincu

et tiré de l’erreur, ainsi qu’il convenait,

je redressai la tête et voulus lui parler;

mais une vision m’apparut, qui soudain

s’empara de l’esprit, d’une telle manière

que de me confesser je n’avais plus mémoire.

Comme dans le cristal transparent et poli

ou dans l’onde immobile et claire comme lui,

mais dont la profondeur ne cache point le fond,

le visage et les traits se laissent refléter

si confus et si flous, que sur un front de neige

on distinguerait mieux la blancheur d’une perle,

tels, prêts à me parler, j’aperçus des visages,

ce qui me fit tomber dans une erreur contraire

à l’erreur de cet homme amoureux des fontaines [25].

Vivement, aussitôt que je les aperçus,

croyant que leur image était un pur reflet,

je tournai le regard, voulant chercher sa source;

mais n’ayant rien trouvé, je reportai les yeux

droit dans ce même éclat qui brûlait, souriant,

dans le regard sacré de ma très douce guide.

«Ne sois pas étonné, si tu me vois sourire:

ton penser enfantin, dit-elle, en est la cause;

ton pied n’a pas trouvé le sol de vérité

et naturellement tu reviens les mains vides:

ceux que tu vois là-bas sont des substances vraies,

que l’on relègue ici pour manquement aux vœux [26].

Parle-leur, si tu veux, écoute-les, crois-les,

car la splendeur du vrai qui fait toute leur joie

les oblige à rester à jamais dans ses voies.»

Je dirigeai mes pas vers l’ombre qui semblait

avoir de me parler plus envie, et lui dis,

comme celui qu’émeut le désir de savoir:

«Esprit bien conformé, qui ressens aux rayons

de la vie éternelle une douceur si grande,

qu’on ne la conçoit pas sans l’avoir éprouvée,

tu me ferais plaisir, si tu voulais me dire

le nom que tu portais et votre sort d’ici.»

Elle, les yeux rieurs, répondit aussitôt:

«Ici la charité ne refuse la porte

à nul juste désir, obéissant à l’Autre,

qui veut que dans sa cour tout lui soit ressemblant.

J’ai vécu vierge et nonne au monde de là-bas;

et si ton souvenir se regarde en lui-même,

ma nouvelle beauté ne peut pas me cacher,

et tu reconnaîtras que je suis Piccarda

qui, placée en ces lieux avec les bienheureux,

demeure heureusement dans la plus lente sphère [27].

Ici, nos sentiments, qu’embrase seulement

le souci souverain de plaire au Saint-Esprit,

tirent tout leur bonheur de leur soumission;

et ce sort, que la terre admire avec envie,

nous est fait en ce lieu pour avoir négligé,

mal accompli parfois, ou déserté nos vœux.»

«Dans l’admirable aspect que je contemple en vous

brille je ne sais quoi de divin, répondis-je,