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Une fois dans notre carrée avec vue sur le lac, Lola retrouve ses instincts de femelle. Elle pense à la pointe et à toutes les jolies petites combinazione que je place autour pour faire plus joyce. J’ai droit à ses beaux bras autour de mon cou, à sa menteuse fouineuse qui me recompte les chailles et me contrôle les plombages.

Ensuite, c’est le décarpillage lent et audacieux, toujours enlacés. Pas commode de se déloquer mutuellement quand on a les groins soudés et le bas-ventre qui réclame la lonche en sourd-muet.

Je lui déboutonne sa veste de tailleur, elle me réciproque ça avec mon veston. Après, c’est le tour de son chemisier et de ma limouille. Puis jupe et bénouze se font la paire.

On s’attaque alors aux pièces maîtresses : soutien-loloches et slip.

Tout à couille, la v’là qu’arrête de me manœuvrer et qui s’écarte de moi. Elle tient un mouchoir blanc sur lequel des lignes ont été tracées au crayon bille.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? me demande-t-elle.

— J’en sais rien, lui réponds-je.

— Comment tu n’en sais rien ! C’était dans ton slip !

— Dans mon slip ?

— Des gens y ont accès sans que tu le saches ?

— Ce doit être la fille qui m’a taillé une pipe au casino pendant le charivari.

Elle bondit :

— Une fille t’a pompé le nœud !

— Je te l’ai dit, et je te l’ai même montrée ; seulement tu n’avais d’yeux et d’oreilles que pour tes guignolets.

Furax, elle me lance un coup de latte dans le tibia.

— Espèce de dégueulasse ! Te laisser sucer en plein concert ! Tu me dégoûtes !

— Écoute, poulette, fais-moi plaisir, n’appelle plus « concert » ces bombardements en piqué ! Une follingue s’en est pris à ma braguette ; j’ai trouvé la chose cocasse. Une pipe au milieu de deux mille branques et personne ne s’en aperçoit, pas même toi que je tenais par la taille, c’est riche à vivre, non ?

J’éclate de rire. Sa colère baisse un peu. Elle continue de bouder et de me traiter de salaud, mais le cœur n’y est plus. Je biche le mouchoir qu’elle a mis en boule dans sa main, le déplie, le lisse sur un coin de table pour dégager le message. Il est rédigé en anglais. Je lis :

Pendant la séance de demain, le casino sautera. Essayez donc d’empêcher ça.

Lola regarde les lignes à l’encre bleue. Mais elle ne comprend pas l’angliche. A preuve, elle grince :

— Cette foutue garce te file un rendez-vous, hein ?

Je hausse les épaules.

— D’une certaine façon, oui.

— Salope ! Je la crèverai !

Comme quoi en jalousie, il n’existe pas de femme bien élevée.

— C’est ça, dis-je, et je te porterai des oranges au parloir.

Une éblouissante troussée à bâton rompu lui fait oublier ses funestes projets.

Elle dort, comme jetée en travers du lit, avec juste un bout de drap chiffonné sur les mollets, abandonnée et belle dans une précaire innocence retrouvée. Son exquis fessier constitue le plus délicieux des oreillers. Je lui confie ma nuque pour terminer un brimborion de sommeil collé à mes paupières. Mais la cruelle réalité est déjà en moi, implacable comme une maladie grave.

Au bout de moins que ça, je me lève et passe me refaire dans la salle de bains. Par le fenestron, je peux admirer le lac couleur perle, avec des mouettes peu muettes chahutées par la brise de mai. De l’autre côté, c’est la France et ses montagnes aux sommets desquelles s’attarde la neige.

En prenant ma douche, je repense au mouchoir. Drôle de façon d’acheminer le courrier. T’imagines ton facteur qui commencerait par te turluter le gourdin avant de t’enquiller son paxif de lettres dans le kangourou ?

S’agit-il d’une blague ? Possible, voire probable, mais comme il ne faut rien négliger, je décide de transmettre le curieux message à mes collègues vaudois, sans leur préciser la manière dont il m’est parvenu.

Comme ma Lola d’amour continue d’en écraser, je me saboule princier et quitte la carrée pour aller prendre mon petit déje dans une brasserie proximiteuse.

J’attaque mon second croissant quand une moto stoppe devant l’établissement. Une Nagasaki flambant neuve, bleue et chromée. Deux Martiens en descendent. Un homme et une fille casqués, fringués de cuir. Ils placent leur bolide sur sa béquille, l’enchaînent et arrachent leurs casques. La gonzesse n’est autre que la petite délurée qui m’a taillé cet excellent calumet au casino, hier (le calumet de l’happé, si tu veux bien m’autoriser à ne pas rater ça !).

Le couple pénètre dans le grand bistacle. Je n’ai que le temps d’ouvrir le journal posé sur ma table et fixé, comme partout dans les troquets helvétiques, à un long manche de bois, ce qui en rend la lecture malaisée quand on n’a pas son brevet de pilote.

La pipeuse et son mec s’installent à une table éloignée de la mienne. Le garçon est un grand baraqué aux tifs longs et frisés, au teint basané, au regard clair. Le gars mégnace, fils unique, aîné et préféré de Félicie, échafaude un bigntz immédiat dans sa belle cervelle en forme de chair de noix géante, depuis longtemps retenue par la faculté de médecine de Paris qui me l’a achetée en viager.

Heureusement, ma dégusteuse me tourne le dos. Mine d’aryen, je me détable pour gagner le téléphone dans les coulisses de la brasserie. J’appelle mon hôtel, réclame ma chambre et la voix furax de Lola m’explose dans les cornets :

— C’est gai de se réveiller toute seule, sans trouver le moindre mot.

— Calmos, môme, n’oublie pas que je suis un poulet d’élite toujours sur la brèche.

— La brèche de mon cul, oui ! glapit Lola.

— C’est ma préférée ; tu en es où de ta toilette ?

— Je ne l’ai pas commencée.

— Laisse quimper, saute dans tes fringues, puis dans la bagnole que j’ai louée а Genève Cointrin et rends-moi un super-service.

— Où es-tu ?

— A deux pas, dans un grand café qui s’appelle Les Flots bleus. Devant l’établissement, tu vas voir une grosse moto bleue. Débrouille-toi pour l’emboutir.

— Quouaâ ?

— T’occupe pas, je suis assuré tous risques. Tu fais mine de vouloir te garer, tu manœuvres comme une gourde et t'emplâtres l’engin, O.K. ? Je veux que la péteuse dérouille. Le tout beau chtar bien saignant, tu piges ?

— Alors toi, y a que toi ! bégaie-t-elle.

— Je sais, dis-je, aussi il ne faut pas me laisser perdre. Le propriétaire de la moto est dans le bistrot ; il sortira en bramant. Fais-lui du charme et procédez aux constatations ; propose-lui d’appeler la police, ça m’étonnerait qu’il accepte.

— Il est beau gosse ?

— Pas mal quand on aime le genre loubard. Grouille-toi, il va sûrement pas se commander une raclette et un soufflé au Grand Marnier à cette heure matinale.

Je raccroche et regagne subrepticement ma place. Derrière le paravent du journal à manche, j’observe le couple. C’est gonflant qu’il débarque pile dans le café où j’écluse mon caoua, non ? Tu crois qu’ils surveillaient mon hôtel et qu’ils m’ont filoché jusqu’à la brasserie, toi ? Ben moi, pas ! Là, c’est le hasard, rien que le hasard, ce vieux pote à moi. Je te parie un plat de mes couilles aux giroles contre le dentier ébréché de ta grand-mère que ces retrouvailles matinales entre la fille et moi sont fortuites. Le bol ! Des ondes qui nous manipulent secrètement. Tu crois avoir ton libre arbitre, tu penses que tu décides, mais non : quelqu’un ou quelque chose prend les initiatives et tu ne fais que t’y conformer sans le vouloir.