Lola biche à mort. Cette fois, chatte échaudée craignant la main putassière, elle garde sa dextre devant le décolleté de mon bénouze, prête à faire jouer le flagrant délit si une nouvelle gerce s’aventurait dans ma zone sud. Mais on me laisse ma virginité. Tiens, au fait, je n’ai pas aperçu Mandoline, non plus que son mec.
Fin du gala !
Ovations. La foule se retire sans précipitance excessive.
Ted attend que nous soyons dans le hall pour se tourner vers moi.
— Alors ? il murmure, c’est bon, oui, on peut vivre sa vie ?
— Yes, Sir. Mais ne t’en prends qu’à toi d’avoir paumé votre après-midi, une autre fois, ça t’évitera peut-être de faire des blagues.
Il hoche la tête.
— O.K.
Il se fond dans la populace en cramponnant sa Pâquerette par la tige.
— Tu viens ? me dit Lola.
— Si on éclusait une bibine au bar ? Je suis déshydraté comme un baril de morue.
— Tu boiras а l’hôtel, il est à cinq minutes.
Je la connais. Elle a hâte de retrouver son coup de bitoune, la jolie. C’est la détente d’après l’excitation du spectacle. Le même refrain, toujours : Amour, tu me bourres ! Mais moi, je ne sais pourquoi, j’ai besoin de m’attarder dans le Palais du Festival. Concerto pour flic et enquête. Un côté malcontent en moi, tarabustant. Il empiète sur ma joie de vivre.
— Écoute, on n’est pas aux pièces, ma chérie. Nous avons toute la nuit pour refaire connaissance. Tu sais que le désir s’accroît quand l’effet se recule ?
Elfe sourit, vaincue.
— Comme tu voudras.
Et bon, on se faufile entre des bouffeurs de frites belges, des écluseurs de décis romands, des déconneurs français. Un bout de table, près d’une colonne. Ça nous suffit. Le brouhaha décrescende un peu. La musique adoucit les mœurs et amollit les muscles (je te cause de celle d’aujourd’hui).
Lola, songeuse, repasse par la pensée ses chères vedettes. Que tiens, regarde là-bas, avec sa veste élimée, son mégot de cigare et son large feutre taupé, c’est bien Zigomar, le Condor des Andes, non ? II est avec sa partenaire Centurione 10, celle qui est loquée en garçon de café, avec un nœud pap’ à même le cou et un pantalon fendu de côté, pour laisser apprécier la longueur des jambes et le pommelé de ses noix.
— Je vais lui demander un autographe ! hulule Lofa en se précipitant si tant violemment qu’elle me virgule son martini-gin sur le grimpant.
Bordel de connasse ! Non mais, qu’est-ce qui m’arrive de consacrer des instants de ma vie à cette espèce de midinette aphrodisiée !
Me voilà en partance pour les goguenuches, histoire de me désinistrer un peu le falzar. Juste comme j’en ressors, je vois radiner deux infirmiers qui trimbalent un brancard provisoirement vide. Ils sont guidés par un monsieur, le gendarme d’ici, un grand, very bioutifoule dans son uniforme verdâtre et sous son kibour à liséré rouge.
Tu me connais ? Mouche à merde, l’Antonio. Une charogne en perspective et j’accours ! Je leur file le train des équipages.
Dans la salle encore allumée, sous le renfoncement de la tribune, il y a un rassemblement de quelques personnes parmi lesquelles des perdreaux. Ces messieurs et dames sont penchés sur le corps d’un homme extrêmement mort. Un type d’une quarantaine d’années, d’une élégance désinvolte. Il est vachement crayeux de teint, le défunt. Les personnes présentes s’entre-expliquent pour s’entre-révéler qu’il a dû périr d’une crise cardiaque. La chaleur, la compression, l’atmosphère survoltée. Un gars fragilos du battant, il résiste pas. Il gît, les yeux fermés, la bouche entrouverte, un bras replié sous lui.
Deux trois gusmen racontent aux poulardins de service, qu’ils se trouvaient près de lui. A un moment, il s’est laissé glisser à terre. Mais ça n’avait rien d’exceptionnel, vu que plusieurs personnes vannées en ont fait autant ; simplement, on essayait de ne pas lui marcher dessus. C’est quand le monde a commencé d’évacuer la salle qu’ils ont pu l’apercevoir et comprendre que ça ne jouait plus pour sa pomme.
On charge le mort sur le brancard et, fouette cocher, on l’emporte. Circulez, y a plus rien à voir ! Juste un agent inscrit les blazes des témoins pour son rapport. Je vais rejoindre Lola. Elle est assise à la table du Condor des Andes et ne s’intéresse pas davantage à ma personne qu’au traité de Westphalie, et pourtant c’est important le traité de Westphalie. On ne parle que de ça dans notre famille depuis 1648.
J’attends un moment devant son martini-gin renversé et mon demi de bière plein. Mais fume ! J’écluse ma binoche, essuie la moustache blanche qui m’en résulte et adresse un grand geste comminatoire à Lola, laquelle feint de ne pas le voir.
Le coup de sang ! Espèce de basse morue ! Je trace la route jusqu’à l’hôtel. Une douche. Une heure s’écoule. Nobody ! Je fais ma valoche à la diable et descends pagado la chambre. Je leur explique que la bergère qui m’accompagnait passera prendre ses bagages et que si elle ne venait pas, au bout d’un an et un jour, la direction de l’hôtel serait autorisée à donner ses effets aux putes du pays, si comme je l’espère, il y en a.
Une belle plombe plus tard, je suis à Genève où mes amis de l’Intercontinental veulent bien me louer une chambre.
Le lendemain aux z’aubes, je rends la voiture cabossée et je prends l’avion pour Paris.
L’hôtesse est assez attrayante pour un vol d’une heure. Elle commence à se taper un peu, mais il lui subsiste des trucs intéressants. Certes, elles sont plusieurs à bord, mais c’est celle-là qui m’a en charge. Et en charge de revanche, si j’en crois son œil fripon souligné de deux petites rides (le chèque barré de l’âge !). Elle me chuchote qu’elle serait heureuse de m’offrir une coupe de champagne. Je lui murmure que la seule coupe qui m’intéresserait serait celle de ses lèvres. Son nombril se cabre à cette déclaration. Elle va voir ailleurs si j’y suis, mais comme je n’y suis pas, elle décide de revenir vers moi.
Bon, si c’est un coup de trique qu’elle cherche, elle risque de le trouver. Les petits scouts de France, tu connais leur devise, non ?
J’aime les gerces en uniforme. Ça leur confère une espèce de mystère. M’est arrivé, si je te disais, pas plus tard que la semaine dernière, de m’embourber une contractuelle à Paris. Une boulotte à l’air salingue. Le regard brasero, les doudounes bombardeuses. Elle m’amendait sauvagement, la gueuse, parce que je stationnais devant une porte cashère rue des Rosiers.
J’arrive alors qu’elle tartinait ses pages d’écriture.
« — Te fatigue pas, ma poule, tu fais des lignes pour la peau. »
Et je lui produis ma brème.
Elle sourcille pas et me déclare :
« — Rien à cirer ! Cette tire est en infraction, je sanctionne. »
Le mors aux chaules, illico, tu penses !
« — Et si je te filais une bite dans le train, tu la sanctionnerais aussi ? » je lui demande.
Ce bond.
« — Pardon ? » elle éclate.
Relève les yeux de sur son putain de carnet à souches. Et de ce fait me voit enfin, dans toute ma splendeur.
Je lui montre mes lèvres écartées avec, entre, ma langue qui frétille gardon.
« — T’imagines le même mouvement sur ton mignon clito, la mère ? Juste comme préambule, pour dire de faire les présentations ? »
Elle avait changé d’attitude. Le vrai coup de bronzage ! Nettement, je lui court-jutais le glandulaire. C’est inexplicable.
« — Ça ne doit pas être triste », est-elle convenue, vaincue en bloc.