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Marc était sceptique sur la capacité à établir une sorte de connexion mentale avec la victime, mais il était convaincu que la déduction et la rationalité ne prenaient leur pleine mesure que si elles intégraient des paramètres psychologiques. De ce point de vue, la conversation qu’ils avaient eue avec Alan Bridges — de son vrai nom Alan Kowalkowski — avait été particulièrement éclairante. Elle lui avait donné de la matière pour « entrer dans la tête » de Florence.

Raphaël avait raison. Florence avait bien envoyé à Alan un fichier audio par mail : une conversation qu’elle venait d’enregistrer avec son téléphone entre Joyce Carlyle et son assassin. Elle l’avait fait juste après avoir appelé le numéro d’urgence pour signaler l’agression de la mère de Claire. Elle l’avait fait sous le coup de l’émotion, dans un état de stress maximal. Et surtout, elle l’avait fait sur un ordinateur qui ne lui appartenait pas puisque la femme d’Alan avait vandalisé son bureau et son matériel le jour précédent. Un ordinateur auquel elle n’était pas habituée et une messagerie dans laquelle elle n’avait pas ses contacts.

En fermant les yeux, Marc pouvait presque voir Florence : l’urgence, la peur, la transpiration, ses doigts qui couraient sur le clavier au moment de rentrer l’adresse d’Alan. Entre deux pages de son carnet, Marc avait retrouvé la carte de visite que le rédacteur en chef du #WinterSun leur avait remise et sur laquelle il avait calligraphié son adresse personnelle : alan.kowalkowski@ att.net.

Sauf que ce n’était pas exactement cette adresse que Florence avait entrée dans la précipitation. Telle était l’hypothèse de Marc : Florence avait tapé alan.kowalkowsky@att.net.

Un y à la place du i. Kowalkowsky à la place de Kowalkowski. Pourquoi ? Parce que c’était sans doute la première orthographe qui lui était venue à l’esprit. D’abord, l’erreur était fréquente sur ce type de terminaison. Et puis elle vivait à New York depuis longtemps et les Américains avaient tendance à préférer le y pour certains noms d’origine russe. Les Américains écrivaient Tchaïkovsky, Dostoyevsky, Stanislavsky là où les francophones optaient pour Tchaïkovski, Dostoïevski et Stanislavski. Sauf que Kowalkowski était sans doute un nom d’origine polonaise. Pas russe.

4.

— Vous savez qui est l’assassin de Joyce ?

La Perlman’s Knish Bakery était plongée dans la moiteur, le silence et les odeurs d’oignon, de menthe et de ciboulette.

— Non, me répondit le flic, visage impassible.

Je reformulai ma question :

— Détective Baresi, vous n’avez pas attendu que je vous le demande pour consulter le fichier, n’est-ce pas ?

Il soupira.

— C’est pour ça que j’étais en retard, admit-il. May m’a raconté votre histoire et je dois bien avouer qu’elle m’a troublé.

Il détourna les yeux et laissa le silence s’installer. Je ne tenais plus en place sur ma chaise. J’allais enfin savoir.

— Tout le travail avait été fait il y a dix ans par le labo, expliqua-t-il en agitant devant mes yeux le document où était codifié le profil génétique. Je n’avais qu’à me connecter au serveur du CODIS et à entrer les données.

— Et cette fois ça a matché ! devinai-je.

Un nouveau SMS d’Alan s’afficha sur mon écran, mais je l’ignorai. Baresi sortit de la poche de sa chemise une feuille pliée en quatre.

— Voici notre suspect.

Je dépliai la feuille pour découvrir la photo d’un homme au visage large et carré. Une coupe en brosse surmontait sa tête de bouledogue. Il me rappela vaguement Ernest Borgnine dans Les Douze Salopards.

— Il s’appelle Blunt Liebowitz, précisa Baresi. Né le 13 avril 1964 à Astoria dans le Queens. Il s’engage dans l’armée de terre en 1986 et y restera jusqu’en 2002 sans jamais dépasser le grade de lieutenant. Il participe notamment à la première guerre en Irak et aux opérations américaines en Somalie.

— Et depuis son départ de l’armée ?

— Je n’ai pas creusé, mais, lorsqu’il s’est fait arrêter il y a quatre ans, il a mentionné être à la tête d’une petite entreprise de sécurité privée.

— Son nom n’est jamais apparu dans l’enquête sur Joyce Carlyle.

— Non, ni de près ni de loin.

— Pourquoi est-il dans le fichier ?

— Une peccadille. La police de la route l’a arrêté à Los Angeles en 2012 pour conduite en état d’ivresse. Le ton est monté et Liebowitz a menacé l’agent qui le contrôlait. Il a passé une nuit en cellule, mais est ressorti libre du commissariat.

— Pas d’autre condamnation ?

— Aucune à ma connaissance.

Baresi posa un billet sur la table et s’essuya la bouche avant de se lever et de me mettre en garde :

– Écoutez-moi bien. Vous avez sans doute vos raisons pour ressortir cette vieille enquête du placard, mais je ne veux pas les connaître. Je vous ai donné des infos parce que je dois un service à May. À présent, cette affaire ne me concerne plus. Démerdez-vous tout seul et n’essayez pas de me recontacter, compris ?

Sans attendre ma réponse, il fit volte-face et traversa la salle. Je l’interpellai :

– Ça ne vous intéresse donc pas de connaître la vérité ?

Il me répondit sans se retourner :

— Je la connais déjà la vérité. Et si vous n’étiez pas aveugle, vous auriez compris qu’elle est devant vos yeux !

Tandis qu’il passait la porte, je méditai un instant sur ses paroles. Qu’entendait-il exactement par : « La vérité est devant vos yeux » ?

Je baissai la tête, relisant attentivement toutes les informations qu’il m’avait fournies à propos de ce Blunt Liebowitz. J’enrageais d’être pris pour un imbécile par ce type aussi suffisant que désagréable.

Puis, soudain, mon regard se posa sur le journal plié sur ma table. Et je compris.

Comme tous les autres journaux, le New York Times consacrait sa une à la convention républicaine. Sur la photo qui occupait la plus grande partie de la première page, on voyait Tad Copeland, le candidat du parti, en train de fendre la foule avec son épouse. À l’arrière-plan sur le cliché, muni d’une oreillette, on apercevait celui qui devait être le garde du corps de Copeland.

Il s’agissait de Blunt Liebowitz.

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Biopic

WikipédiA

[Extrait]

TAD COPELAND

Pour les articles homonymes, voir Copeland (homonymie).

Thaddeus David « Tad » Copeland, né le 20 mars 1960 à Lancaster, Pennsylvanie, est un homme politique américain, membre du Parti républicain. Il est maire de Philadelphie de 2000 à 2004 et gouverneur de Pennsylvanie depuis janvier 2005.

Études et carrière professionnelle

Issu d’une famille modeste (son père est garagiste et sa mère assistante sociale), Tad Copeland est diplômé en droit de la Temple Law School de Philadelphie en 1985.

Après ses études, il travaille pour le célèbre cabinet d’avocats Wise & Ivory. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, Carolyn Ivory, la fille de Daniel Ivory, l’un des cofondateurs du cabinet. Après son mariage en 1988, Tad Copeland quitte le cabinet de son beau-père et devient professeur de droit constitutionnel, d’abord à la Cornell Law School d’Ithaca, puis à Philadelphie à la prestigieuse université de Pennsylvanie.

Parallèlement à son activité de professeur, il crée Take Back Your (TBY), une organisation à but non lucratif œuvrant à faire avancer la cause des minorités dans le quartier Northeast de Philadelphie.