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***

Il faisait un temps clair.

Dans le ciel pur, le soleil allumait la féerie de ses rayons scintillants, des oiseaux chantaient. La brise avait des douceurs de caresse, des griseries de parfums. Teddy bientôt se releva.

Mais ce n’était plus à Fantômas, à ce père qui l’aimait et qu’elle ne pouvait aimer que Teddy songeait.

— Fandor, où est Fandor ? murmurait la jeune fille, ah, sur mon âme, je le retrouverai, je le sauverai.

29 – MONSIEUR JUVE, INGÉNIEUR

Exténué, Juve ne s’en rendait pas moins à Durban.

Le policier avait assisté à l’assassinat de Hans Elders par Fantômas.

Qui était Elders ? Quels étaient les liens qui l’unissaient au Maître du Crime ? Juve se réservait de faire toute la lumière à ce sujet dans la suite de son enquête.

Mais le policier se préoccupait surtout de retrouver son cher Fandor.

Comme Juve pénétrait dans l’intérieur de la ville, son attention fut attirée par le grand concours de population qui s’empressait autour des soldats.

Juve, instinctivement, se mêla aux rangs de la foule hurlante, et habile comme personne à se glisser dans les encombrements, à triompher des barrages les plus sévères, il réussit à rejoindre l’escouade de militaires qui, au pas cadencé, traversait la ville baïonnette au canon.

Que signifiait ce déploiement de force armée ?

À chaque instants les soldats devaient, à coups de crosse appliqués sur les tibias et les épaules, faire reculer les curieux.

— En prison ! À mort ! criait-on.

Les militaires encadraient un prisonnier chargé de chaînes et les menottes aux mains.

— Cela vous en donne du mal, pas vrai, interrogea-t-il, tout ce monde qui grouille autour de vous ?

— Oui, dit le sergent, ils sont bien embêtants, mais malgré tout, on les comprend, on les approuve.

— Ah ?

— Oui, fit le sergent, il n’y a pas comme ces étrangers pour savoir faire les mauvais coups.

Soudain, par suite d’un léger désordre dans les rangs des soldats, provoqué par les remous de la foule, Juve aperçut le visage du prisonnier.

L’homme que la force armée défendait contre la foule n’était autre que Jérôme Fandor.

Réprimant son émotion, Juve revint auprès du sergent et le questionna avec un air de parfaite indifférence :

— Mais qu’a-t-il fait, cet homme ? pourquoi l’emmène-t-on en prison ?

— Ah, c’est bien simple, expliqua le sous-officier, c’est lui, qui, voici quinze jours à peine, après avoir volé l’argent du noir Jupiter – vous savez bien, le grand champion de boxe –, l’a fait prendre pour l’assassin d’une vieille femme et a ameuté la foule contre lui. À la tête d’une bande d’énergumènes arrêtés depuis longtemps d’ailleurs, cet étranger a tué le noir, en plein théâtre, avec un raffinement de férocité inouïe.

— Et que va-t-on faire maintenant ?

Le sergent sourit :

— Oh, son affaire est claire, nous le conduisons à la prison… Dans deux ou trois jours il sera transféré à la Prison centrale de Pietermaritzburg, puis il sera jugé par la Cour suprême.

— Et condamné sans doute ?

— Sûrement condamné, et condamné à mort. Les populations sont très montées et les magistrats se montreront sévères, car il faut un exemple. De tous côtés on n’entend parler que de crimes, d’assassinats, de vols. Depuis qu’une bande d’étrangers rôde dans notre voisinage, le pays est complètement bouleversé.

***

— Monsieur…

— Monsieur ?

— Je voudrais parler, monsieur, à l’ingénieur en chef ?

— À quel ingénieur en chef, monsieur ? Il y en a plusieurs.

— Alors, monsieur, au chef des ingénieurs en chef.

— Il n’y en a pas, monsieur, chaque ingénieur en chef est chef suprême de son service.

— Celui que je désire voir est l’ingénieur en chef de la traction.

— Alors, monsieur, il faut vous adresser au deuxième étage, couloir B, 27e bureau.

— Je vous remercie, monsieur…

— Il n’y a pas de quoi, monsieur…

Cette conversation avait lieu entre un visiteur et un employé du Great Central Railway, la plus importante des compagnies de chemins de fer desservant le Natal, au siège de cette Société, à Pietermaritzburg, dans un grand bâtiment où étaient aménagés les bureaux.

Le visiteur, suivant ponctuellement les instructions qui lui étaient données, arriva au bureau 27, au fond du couloir B, au deuxième étage.

Il frappa à un guichet :

— M. l’ingénieur en chef de la traction ?

— M. Mullerstone, déclara l’employé, c’est ici, en effet.

— Bien, monsieur, puis-je le voir ?

— Non, monsieur, il est absent.

— Pour longtemps ?

— On ne sait jamais, monsieur, mais il est probable que M. l’Ingénieur en chef ne reprendra pas son service avant quelques jours, car on le dit souffrant.

— Je croyais, dit le visiteur, que M. Mullerstone devait se rendre demain à Durban, pour faire une inspection du dépôt des locomotives ?

L’employé, intrigué de voir son interlocuteur si au courant des services intérieurs de la Compagnie, prit un air aimable pour répondre.

Sans doute ce personnage était un inspecteur ou quelque fonctionnaire du Great Central, que ne connaissait pas l’employé du bureau.

— Vous savez bien, monsieur, que les instructions ne seront pas changées pour cela, les visites des ingénieurs ne sont jamais décommandées, même lorsque ces messieurs ne les font pas. Cela tient le personnel en éveil, car il redoute sans cesse d’être surpris à l’improviste. D’ailleurs, il se peut que M. Mullerstone soit assez bien portant pour se rendre à Durban dès demain.

— Je voudrais en acquérir la certitude, savoir exactement ce que fera M. l’inspecteur en chef ?

— Cela, monsieur, fit-il, je ne puis vous le dire, et je ne vois guère qu’un moyen pour vous renseigner. Si vous avez un titre ou une qualité qui vous autorise à vous présenter au domicile de M. l’ingénieur, faites-le donc, on pourra vous y renseigner mieux que personne ne peut le faire ici.

Quelques instants après, le visiteur qui s’était procuré l’adresse du haut fonctionnaire dans un annuaire que lui prêta un garçon de bureau obligeant, sauta dans une voiture et gagna le domicile de l’ingénieur en chef.

M. Mullerstone habitait dans la partie la plus élégante de la ville, une jolie propriété entourée d’un jardin.

Le visiteur sonna à la grille et entra après une longue conversation avec le valet de chambre, dont il délia la langue au moyen d’un généreux pourboire.

Le médecin sortait de la maison, et M. Mullerstone, selon le domestique, en avait encore pour une bonne semaine à garder la chambre.

Le visiteur se retira aussitôt, se fit conduire à la gare et prit le premier train en partance pour Durban.

***

Le lendemain matin, une animation exceptionnelle régnait au dépôt des locomotives de la gare de Durban où l’on attendait la visite de l’ingénieur en chef annoncée depuis une huitaine de jours.

Sa visite allait avoir, en effet, des conséquences intéressantes pour les employés de la Compagnie, car M. l’ingénieur en chef devait attribuer, à l’issue de sa visite, les notes trimestrielles du personnel de la traction, à la suite desquelles on déciderait les augmentations de traitement, les avancements au choix, les mises à la retraite.

Si grande était l’activité que nul ne s’apercevait de la présence d’un inconnu.

C’était un homme en complet noir, coiffé d’un chapeau mou. Il allait et venait, les mains dans les poches, sans rien dire, le regard aux aguets.

Or, cet inconnu n’était autre que le visiteur qui, la veille, était venu s’enquérir, avec tant de sollicitude, de la santé de l’ingénieur en chef de la traction.

Soudain, le personnage, s’étant rapproché d’une superbe locomotive du type « Pacific » qui faisait de l’eau à la pompe, s’approcha des hommes qui la montaient.