Mikael hocha la tête.
— Mais elle est violente, sans hésitation, dit Palmgren à voix basse. Si on la provoque ou la menace, elle peut riposter avec une extrême violence.
Mikael hocha la tête encore une fois.
— La question est de savoir ce qu'on fait maintenant, dit Holger Palmgren.
— Maintenant, on va trouver Zalachenko, répondit Mikael.
A ce moment, le Dr Sivarnandan frappa à la porte.
— J'espère que je ne vous dérange pas. Mais si vous êtes intéressés par Lisbeth Salander, vous devriez allumer la télé et regarder Rapport.
29
MERCREDI 6 AVRIL — JEUDI 7 AVRIL
LISBETH SALANDER TREMBLAIT DE RAGE. Le matin, elle était allée tranquillement à la maison de campagne de Bjurman. Elle n'avait pas allumé son ordinateur depuis la veille au soir, et au cours de la journée elle avait été trop occupée pour écouter les informations. Elle était préparée à ce que le bazar à Stallarholmen occasionne certains titres, mais elle fut absolument prise de court par la tempête qui s'abattit sur elle dans les informations à la télé.
Miriam Wu était à l'hôpital de Söder, fracassée par un géant blond qui l'avait enlevée devant son domicile dans Lundagatan. Son état était considéré comme sérieux.
Paolo Roberto l'avait sauvée. Comment il s'était retrouvé dans un entrepôt à Nykvarn était incompréhensible. Il était interviewé à sa sortie de l'hôpital mais il ne voulait pas faire de commentaires. A voir son visage, on pouvait penser qu'il sortait de dix rounds les mains attachées dans le dos.
Les restes de deux personnes avaient été retrouvés enterrés dans une forêt dans la zone où Miriam Wu avait été emmenée. La police indiquait qu'en fin de journée avait été trouvé un troisième endroit où on allait procéder à des fouilles. Il y avait peut-être d'autres tombes encore sur le terrain.
Ensuite, la chasse à Lisbeth Salander.
Le filet se resserrait autour d'elle. Au cours de la journée, la police l'avait localisée dans un village de vacances pas loin de Stallarholmen. Elle était armée et dangereuse. Elle avait tiré sur un Hell's Angel, peut-être deux. L'agression avait eu lieu à la maison de campagne de Nils Bjurman. La police pensait qu'elle avait réussi à passer à travers les mailles et qu'elle avait quitté la zone.
Le chef de l'enquête préliminaire, Richard Ekström, tint une conférence de presse. Il répondit évasivement. Non, il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si Lisbeth Salander avait des liens avec les Hell's Angels. Non, il ne pouvait pas confirmer que Lisbeth Salander avait été vue à l'entrepôt de Nykvarn. Non, rien n'indiquait que ceci soit un règlement de compte entre gangsters. Non, il n'était pas établi que Lisbeth Salander soit la seule coupable des meurtres d'Enskede — la police n'avait jamais affirmé qu'elle était la meurtrière, disait Ekström, elle l'avait uniquement recherchée pour l'entendre dans cette affaire.
Lisbeth Salander fronça les sourcils. Quelque chose s'était apparemment passé au sein de l'enquête de police.
ELLE FILA SUR LE NET et lut tout d'abord les pages des journaux, puis elle entra successivement dans le disque dur du procureur Ekström, dans celui de Dragan Armanskij et celui de Mikael Blomkvist.
La boîte aux lettres d'Ekström contenait plusieurs courriers intéressants, surtout un mémo envoyé par l'inspecteur Jan Bublanski à 17 h 22. Le mémo était court et très critique sur la manière d'Ekström de mener l'enquête préliminaire. Le mail se terminait par ce qu'il fallait sans doute considérer comme un ultimatum. Bublanski procédait par points. Il exigeait (a) que l'inspectrice criminelle Sonja Modig soit immédiatement réintégrée dans son équipe, (b) qu'on modifie l'orientation de l'enquête pour obtenir des coupables alternatifs des meurtres d'Enskede et (c) qu'une véritable enquête soit lancée sur le mystérieux individu connu sous le nom de Zala.
[Les accusations contre Lisbeth Salander se fondent sur un seul et lourd indice — ses empreintes digitales sur l'arme du crime. Cela est bel et bien une preuve, et tu le sais bien, qu'elle a manipulé l'arme, mais pas une preuve qu'elle s'en est servie et encore moins qu'elle l'a dirigée contre les victimes.
Nous nous trouvons actuellement dans la situation où nous savons que d'autres acteurs sont mêlés à ce drame, que la police de Södertälje a trouvé deux corps enterrés et qu'elle va fouiller un troisième endroit. L'entrepôt appartient à un cousin de Carl-Magnus Lundin. Il me semble évident que Lisbeth Salander, malgré sa violence et quel que soit son profil psychologique, n'a rien à voir avec tout ceci.]
Bublanski terminait en constatant que si ses exigences n'étaient pas satisfaites, il se sentirait obligé de quitter l'enquête, et il ne le ferait pas sans bruit. Ekström avait répondu à Bublanski qu'il fasse pour le mieux.
Dans le disque dur de Dragan Armanskij, Lisbeth trouva d'autres infos, mais qui la laissèrent quelque peu perplexe. Un court échange de mails avec le service de la comptabilité de Milton établissait que Niklas Eriksson quittait l'entreprise avec effet immédiat. Ses indemnités de congé ainsi que trois mois d'indemnités de départ seraient versés. Un mail adressé au gardien stipulait que dès son entrée dans l'immeuble, Eriksson serait obligatoirement escorté jusqu'à son bureau pour récupérer ses affaires personnelles, puis serait congédié. Un mail à la section technique stipulait que le passe d'Eriksson devait lui être réclamé.
Mais le plus intéressant était un échange de mails entre Dragan Armanskij et Frank Alenius, l'avocat de Milton Security. Dragan demandait comment Lisbeth Salander pourrait être le mieux représentée au cas où elle serait arrêtée. Alenius commençait par répondre qu'il n'y avait aucune raison pour Milton de s'engager dans la défense d'une ancienne employée coupable de meurtres — le fait pour l'entreprise d'être mêlée à une telle histoire pouvant apparaître comme franchement négatif. Armanskij répondait avec colère que l'affirmation selon laquelle Lisbeth Salander aurait commis des meurtres restait à prouver et qu'il était maintenant question de soutenir une ancienne employée que personnellement Dragan Armanskij estimait innocente.
Lisbeth ouvrit le disque dur de Mikael Blomkvist et constata qu'il n'avait rien écrit, il n'était même pas entré dans son ordinateur depuis tôt la veille. Il n'y avait rien de nouveau.
STEVE BOHMAN POSA LE DOSSIER sur la table de conférence dans le bureau de Dragan Armanskij. Il s'assit lourdement. Fräklund prit le dossier, l'ouvrit et commença à lire. Dragan Armanskij était devant la fenêtre, il contemplait la vieille ville.
— J'imagine que ce sont les dernières informations que je puisse livrer. Je suis viré de l'enquête à partir d'aujourd'hui, dit Bohman.
— Ce n'est pas ta faute, dit Fräklund.
— Non, ce n'est pas ta faute, répéta Armanskij en s'asseyant.