Il monta l'escalier, en lisant les plaques sur les portes à chaque étage. Aucun nom ne fit écho dans sa tête. Puis il arriva au dernier étage et lut V. Kulla sur la porte.
Mikael se tapa la main sur le front. Villa Villerkulla, la maison de Fifi Brindacier ! Il sourit tout à coup. A quel autre endroit Super Blomkvist aurait-il pu trouver Lisbeth Salander ? Il se dit que ce choix ne pouvait quand même pas lui être destiné personnellement.
Il mit le doigt sur la sonnette et attendit une minute. Puis il sortit le trousseau de clés et ouvrit la serrure de sécurité et la serrure ordinaire sous la poignée.
Au moment où il ouvrait la porte, la sirène d'alarme se mit à hurler.
LE PORTABLE DE LISBETH SALANDER sonna alors qu'elle se trouvait sur l'E20 à hauteur de Glanshammar près d'Örebro. Elle freina immédiatement et s'engagea sur une aire de stationnement d'urgence. Elle sortit son Palm de la poche et le brancha sur le portable.
Quinze secondes plus tôt, quelqu'un avait ouvert la porte de son appartement. L'alarme n'était pas connectée à une société de surveillance. Sa seule fonction était de l'avertir personnellement de toute intrusion ou tentative d'effraction. Au bout de trente secondes, l'alarme se déclenchait et l'intrus aurait la désagréable surprise de se faire arroser par le contenu d'une bombe de peinture installée dans ce qui ressemblait à une boîte de dérivation derrière la porte. Elle sourit, tout excitée, et compta les secondes.
MIKAEL FIXA AVEC FRUSTRATION l'écran d'affichage de l'alarme à côté de la porte. Il n'avait franchement pas envisagé que l'appartement puisse être mis sous alarme. Il vit un compteur digital afficher les secondes. A Millenium, l'alarme se déclenchait si personne ne pianotait le bon code de quatre chiffres dans les trente secondes, puis débarquaient quelques malabars d'une société de sécurité.
Sa première impulsion fut de refermer la porte et de quitter rapidement les lieux. Mais il resta comme figé.
Quatre chiffres. Taper le bon code par hasard était totalement impossible.
25-24-23-22...
Foutue Fifi Brinda...
19-18...
Quel code est-ce que tu as bien pu mettre ?
15-14-13...
Il sentit la panique l’envahir.
10-9-8...
Puis il leva la main et entra par pur désespoir le seul numéro qui lui venait à l'esprit. 9277. Les chiffres qui correspondaient aux lettres WASP sur les touches d'un portable.
A la grande surprise de Mikael, le compte à rebours s'arrêta à six secondes de la fin. Puis la sirène piailla une dernière fois avant que le compteur se remette à zéro et qu'une lumière verte s'allume.
LISBETH ÉCARQUILLA LES YEUX. Elle crut avoir mal vu et secoua même l'ordinateur de poche, chose totalement irrationnelle, elle le savait. Le compte à rebours s'était arrêté six secondes avant que la bombe de peinture se déclenche. Et l'instant d'après, le compteur se remettait à zéro.
Impossible.
Personne d'autre qu'elle ne connaissait le code. Aucune société de sécurité n'étant connectée à l'alarme, personne ne pouvait la déconnecter.
Comment ?
Elle n'arrivait pas à comprendre comment c'était possible. La police ? Non. Zala ? Exclu.
Elle composa un numéro sur son portable et attendit que la caméra de surveillance se connecte et envoie des images de faible résolution vers le portable. La caméra était dissimulée dans ce qui ressemblait à un détecteur de fumée au plafond et elle prenait une image par seconde. Elle joua toute la séquence depuis le début — l'instant zéro où la porte avait été ouverte et l'alarme activée. Puis un sourire en coin s'installa lentement sur son visage quand elle vit Mikael Blomkvist qui pendant presque trente secondes exécutait une pantomime saccadée avant d'enrer le code et de s'appuyer ensuite contre le chambranle avec l'air de quelqu'un qui vient d'échapper à une crise cardiaque.
Ce Foutu Super Blomkvist l’avait trouvée !
Il avait les clés qu'elle avait perdues dans Lundagatan. Il était assez futé pour se souvenir que Wasp était son pseudonyme sur le Net. Et s'il avait trouvé l'appartement, il avait peut-être aussi découvert qu'il était la propriété de Wasp Enterprises. Puis elle le vit se déplacer d'un mouvement saccadé dans le vestibule et disparaître rapidement du champ de l'objectif.
Merde. Comment j'ai pu être aussi prévisible ? Et pourquoi j'ai laissé... maintenant tous mes secrets sont étalés devant les yeux fouineurs de Super Blomkvist.
Après une brève pause de réflexion, elle décida que cela n'avait plus d'importance. Elle avait effacé le disque dur. C'était ça, l'important. C'était peut-être même un avantage que ce soit justement Mikael Blomkvist qui ait trouvé sa planque. Il connaissait déjà plus de ses secrets qu'aucun autre être humain. Le premier de la classe ferait ce qu'il fallait. Il n'allait pas la vendre, se dit-elle. Elle passa la première et continua pensivement sa route vers Göteborg.
MALOU ERIKSSON TOMBA SUR PAOLO ROBERTO dans la cage d'escalier de la rédaction de Millenium quand elle arriva au boulot à 8 h 30. Elle le reconnut tout de suite, se présenta et le fit entrer à la rédaction. Il boitait sérieusement. Elle sentit l'odeur de café et constata qu'Erika Berger était déjà là.
— Salut Berger. Merci de recevoir comme ça en catastrophe, dit Paolo.
Impressionnée, Erika étudia sa collection de bleus et de bosses sur le visage avant de se pencher et de lui planter une bise sur la joue.
— Tu as vraiment une sale gueule, dit-elle.
— Ce n'est pas la première fois que je me casse le nez. Qu'est-ce que tu as fait de Blomkvist ?
— Il est parti quelque part jouer au détective. Comme d'habitude, il est injoignable. A part un mail étrange cette nuit, je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis hier matin. Merci d'avoir... bref, merci.
Elle montra son visage.
Paolo Roberto rit.
— Tu veux du café ? Tu as dit que tu avais quelque chose à raconter. Malou, tu viens avec nous ?
Ils s'installèrent dans les fauteuils confortables du bureau d'Erika.
— C'est ce grand connard blond avec qui je me suis battu. J'ai dit à Mikael que sa boxe ne vaut pas un clou. Mais ce qui était bizarre, c'est qu'il se mettait tout le temps en position de défense avec les poings et il tournait toujours en rond comme s'il était un boxeur habitué. J'ai eu l'impression qu'il avait quand même reçu une sorte d'entraînement.
— Mikael m'a dit ça hier au téléphone, dit Malou.
— Je n'arrivais pas à me défaire de cette image et hier après-midi, en rentrant chez moi, je me suis mis à l'ordi et j'ai envoyé quelques mails à des clubs de boxe un peu partout en Europe. J'ai raconté ce qui s'était passé et j'ai laissé une description détaillée de ce gars.