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Zalachenko avait besoin de lui. Il devait donc retourner à la maison et tordre le cou à cette Lisbeth Salander.

En même temps, Ronald Niedermann avait le sentiment que tout était terminé. Il avait ce sentiment depuis un certain temps maintenant. Les choses avaient commencé à aller de travers et continué à aller de travers depuis l'instant où Bjurman les avait contactés. Zalachenko s'était complètement transformé en entendant le nom de Lisbeth Salander. Toutes les règles de prudence et de réserve que Zalachenko prêchait depuis tant d'années avaient cessé d'exister.

Niedermann hésita.

Zalachenko avait besoin de soins médicaux.

Si elle ne l'avait pas déjà tué.

Cela signifiait des questions.

Il se mordit la lèvre inférieure.

Il était le partenaire de son père depuis de nombreuses années. Des années pleines de succès. Il avait mis de l'argent de côté et, de surcroît, il savait où Zalachenko avait caché sa propre fortune. Il avait les ressources et les compétences requises pour poursuivre leur activité. Le plus rationnel serait de partir sans regarder en arrière. Si Zalachenko lui avait inculqué quelque chose dans le cerveau, c'était bien cela : toujours conserver la capacité d'abandonner sans état d'âme une situation qui devenait ingérable. C'était la règle de base pour survivre. Ne lève pas un doigt pour une cause perdue.

Elle n'était pas surnaturelle. Mais elle signifiait de mauvaises nouvelles. Elle était sa demi-sœur.

Il l'avait sous-estimée.

Ronald Niedermann était tiraillé entre deux volontés. Une partie de lui voulait y retourner et lui tordre le cou. Une autre partie de lui voulait continuer à fuir dans la nuit.

Il avait son passeport et son portefeuille dans sa poche de derrière. Il n'avait pas envie de retourner à la ferme. Il n'y avait rien là-bas dont il avait besoin.

A part peut-être une voiture.

Il en était toujours à tergiverser quand il vit la lueur des phares d'une voiture s'approcher de l'autre côté d'une hauteur. Il tourna la tête. Il pouvait peut-être se trouver un autre moyen de transport. Tout ce qu'il lui fallait était une voiture pour pouvoir rejoindre Göteborg.

POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS SA VIE — du moins depuis qu'elle avait quitté la petite enfance —, Lisbeth Salander était incapable de prendre les rênes de sa situation. Au fil des ans, elle avait été mêlée à des bagarres, elle avait été victime de mauvais traitements, l'objet d'un internement d'office par l'Etat et d'abus de la part de personnes privées. Son corps et son âme avaient reçu bien plus de gnons qu'un être humain ne devrait en recevoir.

Mais chaque fois elle avait su se révolter. Elle avait refusé de répondre aux questions de Teleborian et quand elle avait été victime d'une violence physique, elle avait su s'échapper et se retirer.

Elle pouvait vivre avec un nez cassé.

Mais elle ne pouvait pas vivre avec un trou dans le crâne.

Cette fois-ci elle n'allait pas pouvoir se traîner jusqu'à son lit, tirer la couverture sur sa tête et dormir pendant deux jours pour ensuite se relever et retourner à son quotidien comme si de rien n'était.

Elle était si sérieusement blessée qu'elle ne pouvait pas démêler la situation elle-même. Elle était si fatiguée que son corps n'obéissait pas à ses commandements.

Il faut que je dorme un moment, pensa-t-elle. Et soudain elle fut certaine que si elle lâchait prise et fermait les yeux, elle n'allait probablement jamais se réveiller. Elle analysa cette conclusion et constata peu à peu que cela lui était égal. Au contraire. Cette pensée l'attirait même. Pouvoir me reposer. Ne pas avoir à me réveiller.

Ses dernières pensées furent pour Miriam Wu.

Pardonne-moi, Mimmi.

Elle tenait toujours le pistolet de Benny Nieminen avec le cran de sûreté défait dans sa main quand elle ferma les yeux.

MIKAEL BLOMKVIST vit Ronald Niedermann de loin à la lumière des phares et le reconnut immédiatement. Il était difficile de louper un géant blond de plus de deux mètres bâti comme un Terminator. Niedermann agita les bras. Mikael passa en codes et freina. Il tendit la main vers le sac d'ordinateur et sortit de la poche extérieure le Colt 1911 Government qu'il avait trouvé dans le bureau de Lisbeth Salander. Il s'arrêta à cinq bons mètres de Niedermann et coupa le moteur avant d'ouvrir la portière.

— Merci de vous être arrêté, dit Niedermann hors d'haleine. Il avait couru. Je suis en panne. Est-ce que vous pouvez m'emmener en ville ?

Il avait une voix étrangement fluette.

— Bien sûr que je peux vous déposer en ville, dit Mikael Blomkvist. Il pointa l'arme sur Niedermann. Couche-toi par terre.

Ça n'arrêtait pas, toutes les épreuves qu'on faisait subir à Ronald Niedermann cette nuit. Il regarda Mikael d'un œil sceptique.

Niedermann n'avait aucune peur du pistolet ni de l'individu qui le tenait. En revanche il avait du respect pour les armes. Il avait vécu avec des armes et de la violence toute sa vie. Il partait du principe que si quelqu'un pointait un pistolet sur lui, cette personne était désespérée et prête à l'utiliser. Il plissa les yeux et essaya de juger l'homme derrière le pistolet, mais les lumières de la voiture le transformaient en une silhouette sombre. Un flic ? On ne dirait pas. Les flics s'identifient d'habitude. En tout cas, c'est ce qu'ils font dans les films.

Il fit une estimation de ses chances. Il savait que s'il se précipitait comme un sauvage, il pourrait s'emparer de l'arme. Mais l'homme semblait déterminé et il se tenait à l'abri de la portière. Niedermann prendrait une balle, peut-être deux. S'il bougeait rapidement, l'homme le raterait peut-être, ou ne toucherait pas un organe vital, mais même s'il survivait, les balles allaient compliquer sa fuite ou peut-être même la rendre impossible. Mieux valait attendre une meilleure occasion.

— COUCHE-TOI PAR TERRE MAINTENANT ! hurla Mikael.

Il dévia le canon de quelques centimètres et tira une balle par terre au bord de la route.

— La prochaine balle, c'est pour ton genou, dit Mikael d'une voix haute et autoritaire.

Ronald Niedermann se mit à genoux, aveuglé par les phares.

— Qui es-tu ? demanda-t-il.

Mikael glissa la main dans le vide-poches de la portière et prit la lampe de poche qu'il avait achetée dans la station-service. Il éclaira le visage de Niedermann.

— Les mains dans le dos, commanda-t-il. Ecarte les jambes.

Il attendit que Niedermann s'exécute, à contrecœur.

— Je sais qui tu es. Si tu fais une bêtise, je tire sans sommation. Je viserai le poumon sous l'omoplate. Tu pourras probablement m'avoir... mais ça te coûtera cher.

Il posa la lampe torche par terre, enleva sa ceinture qu'il noua en une boucle comme il avait appris chez les chasseurs légers à Kiruna, quand il avait fait son service militaire vingt ans plus tôt. Il se mit entre les jambes du géant blond et enfila la boucle autour de ses bras en serrant au-dessus des coudes. Ainsi l'immense Niedermann était pratiquement sans défense.