Выбрать главу

— C'était idiot et sans doute très courageux, dit Freddy McBain en tournant les yeux vers George Bland. Vous avez vu son mari, Richard Forbes ?

— Non, répondit Lisbeth avec un regard neutre.

George Bland regarda Lisbeth et secoua la tête.

Ella Carmichael fixa Lisbeth Salander d'un regard sévère. Lisbeth le lui rendit sans la moindre expression dans les yeux.

Géraldine Forbes retrouva ses esprits vers 3 heures. Lisbeth Salander s'était alors endormie, la tête posée sur l'épaule de George Bland.

MIRACULEUSEMENT, LA GRENADE avait survécu à la nuit. Quand l'aube vint, la tempête s'était calmée et avait été remplacée par la pire des pluies que Lisbeth Salander ait jamais vues. Freddy McBain fit remonter les clients dans l'hôtel.

Le Keys serait obligé d'entreprendre de grosses réparations. La dévastation à l'hôtel, comme tout au long de la côte, était considérable. Le bar extérieur d'Ella Carmichael sous un auvent devant la piscine avait totalement disparu et une véranda était complètement démolie. Des volets avaient été arrachés sur toute la façade et une partie en saillie du toit s'était pliée. La réception était un chaos de matériaux divers. Mais, en gros, l'hôtel était toujours là.

Lisbeth emmena en vacillant George Bland dans sa chambre. Elle accrocha provisoirement une couverture devant l'ouverture de la fenêtre vide pour empêcher la pluie d'entrer. George Bland croisa son regard.

— Il y aura moins de choses à expliquer si nous n'avons pas vu son mari, dit Lisbeth avant qu'il ait eu le temps de poser des questions.

Il hocha la tête. Elle ôta ses vêtements, les laissa en un tas par terre et tapota le bord du lit à côté d'elle. Il hocha de nouveau la tête, se déshabilla et se glissa près d'elle. Ils s'endormirent presque instantanément.

Ils se réveillèrent vers midi, et le soleil brillait alors par des accrocs dans les nuages. Chaque muscle de son corps faisait souffrir Lisbeth et son genou avait enflé au point qu'elle avait du mal à plier la jambe. Elle sortit doucement du lit et se mit sous la douche en adressant un hochement de la tête au lézard vert de retour sur le mur sous le plafond. Elle enfila un short et un débardeur, et quitta la pièce en boitant sans réveiller George Bland.

Ella Carmichael s'agitait encore. Elle avait l'air fatiguée mais avait mis en route le bar dans le hall d'entrée. Clopin-clopant, Lisbeth alla s'asseoir à une table près du comptoir, commanda du café et demanda aussi un sandwich. Elle regarda par les fenêtres soufflées de l'entrée et vit une voiture de police garée là. Elle venait juste d'avoir son café lorsque Freddy McBain sortit de son bureau derrière le comptoir de la réception, un type en uniforme sur les talons. McBain la découvrit et dit quelque chose au policier avant de rejoindre la table de Lisbeth.

— Voici l'agent Fergusson. Il voudrait te poser quelques questions.

Lisbeth hocha poliment la tête. L'agent Fergusson avait l'air fatigué. Il sortit un bloc-notes et un stylo, et nota le nom de Lisbeth.

— Miss Salander, j'ai compris que vous-même et un ami avez trouvé Mrs Richard Forbes pendant l'ouragan cette nuit.

Lisbeth hocha la tête.

— Où avez-vous trouvé Mrs Forbes ?

— Sur la plage juste en bas du portail, répondit Lisbeth. Nous avons pratiquement trébuché sur elle.

Fergusson nota.

— A-t-elle dit quelque chose ?

Lisbeth secoua la tête.

— Elle avait perdu connaissance ?

Lisbeth hocha la tête d'un air entendu.

— Elle avait une vilaine plaie à la tête.

Lisbeth hocha encore la tête.

— Vous ne savez pas comment elle s'est fait cette blessure ?

Lisbeth secoua la tête. Fergusson avait l'air un peu irrité par son absence de répondant.

— Il y avait pas mal de débris qui volaient dans tous les sens, dit-elle, coopérative. J'ai failli prendre une planche sur la tête.

Fergusson hocha la tête avec sérieux.

— Vous êtes blessée à la jambe ?

Fergusson montra le bandage de Lisbeth. Elle hocha la tête.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je ne sais pas. Je n'ai vu la plaie qu'en arrivant dans la cave.

— Vous étiez avec un jeune homme.

Lisbeth hocha la tête.

— Son nom ?

— George Bland.

— Où habite-t-il ?

— Dans la remise derrière le Coconut, sur la route en direction de l'aéroport. Si la remise est encore là, je veux dire.

Lisbeth s'abstint de préciser qu'en ce moment, George Bland dormait dans son lit à l'étage.

— Avez-vous vu son mari, Richard Forbes ?

Lisbeth secoua la tête. L'agent Fergusson ne trouva apparemment plus rien à demander, et il referma son bloc-notes.

— Merci, Miss Salander. Je dois aller faire un rapport du décès.

— Elle est morte ?

— Mrs Forbes... ? Non, elle est à l'hôpital de Saint George's. Elle peut sans doute vous remercier, vous et votre ami, d'être en vie. Mais son mari est mort. On l'a trouvé sur le parking de l'aéroport il y a deux heures.

Plus de six cents mètres au sud !

— Il était très amoché, expliqua Fergusson.

— Je suis désolée, dit Lisbeth Salander sans faire preuve de choc manifeste.

Lorsque McBain et Fergusson furent partis, Ella Carmichael arriva et s'assit à la table de Lisbeth. Elle posa deux petits verres de rhum. Lisbeth l'interrogea du regard.

— Après une nuit comme ça, on a besoin d'un remontant. C'est ma tournée. Je t'offre le petit-déjeuner aussi.

Les deux femmes se regardèrent. Puis elles levèrent les verres et trinquèrent.

MATHILDA ALLAIT FAIRE L'OBJET d'études scientifiques pendant longtemps, et de discussions parmi les institutions météorologiques aux Antilles et aux Etats-Unis. Des tornades de l'envergure de Mathilda étaient pratiquement inconnues dans la région. On estimait même théoriquement impossible qu'elles se forment au-dessus de la mer. Pour finir, les experts se mirent d'accord pour dire qu'une configuration particulièrement étrange de fronts météorologiques avait créé une pseudo-tornade — en fait, ce n'était pas une véritable tornade, ça en avait seulement l'air. Des contradicteurs avancèrent des théories impliquant l'effet de serre et un déséquilibre écologique.

Lisbeth Salander ne prêta pas attention à la discussion théorique. Elle savait ce qu'elle avait vu et elle décida d'essayer d'éviter à tout jamais de se retrouver sur le chemin d'une des sœurs de Mathilda.

Plusieurs personnes avaient été blessées au cours de la nuit. Par miracle, il n'y avait qu'un mort à déplorer.

Personne n'arrivait à comprendre ce qui avait poussé Richard Forbes à partir dehors en plein ouragan, à part éventuellement l'imprudence qui semblait toujours coller aux touristes américains. Géraldine Forbes n'avait aucune explication à donner. Elle avait une grave commotion cérébrale et seulement des images éparses de ce qui s'était passé pendant la nuit.

En revanche, elle était inconsolable d'être veuve.