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Bang-Bang lut le document et dit :

— Ce n’est pas le vrai serment. La ligne suivante dit que tu promets, dès l’obtention de ton diplôme d’officier, de servir deux ans dans l’armée américaine en tant que sous-lieutenant. Hum… Oui… C’est juste le formulaire d’engagement qu’on donne aux étudiants qui entrent à l’École d’Entraînement des Officiers de Réserve. Ce n’est que lorsque tu en sortiras que tu devras vraiment prêter serment. On te dira de te mettre debout, de lever la main droite et de répéter à voix haute je ne sais plus quel texte. C’est ça, le vrai serment.

— Je ne peux pas signer cet engagement. Et lorsque j’aurai décroché mon diplôme, je ne pourrai pas non plus prêter serment.

— Je te comprends tout à fait. C’est rien qu’une bande de fripouilles.

Heller posa la feuille sur le côté et poursuivit son repas. Au bout de quelques instants, il dit :

— Bang-Bang je peux te trouver une place de chauffeur.

Le petit Sicilien était tout ouïe.

— Avec la sécu, retenues à la base et un fixe ?… Un job qui conviendra à l’officier des prisonniers sur parole ?…

— Absolument, répondit Heller. Mardi, j’aurai une entreprise tout ce qu’il y a de légal et elle peut t’engager comme chauffeur. Vingt-quatre heures avant ta date limite.

— Hé ! Ça veut dire que je ne retournerai pas en tôle !

— Il y a deux petites conditions.

Bang-Bang dressa à nouveau l’oreille. Il était sur ses gardes.

— En fait, tu ne conduiras pas beaucoup. Mais pendant la journée, tu auras un certain nombre de choses à faire. Elles n’ont rien de pénible et elles entrent dans tes attributions.

— Je flaire un piège, fit Bang-Bang d’un air méfiant.

— Non, non. Jamais je ne te demanderai de faire quelque chose d’illégal. En plus, ton lieu de travail est bourré de filles.

— Ça paraît intéressant… Mais je sais qu’il y a quand même un piège.

— Eh bien, euh, c’est trois fois rien. Tu as été marine et tout ça, et tu connais bien ce genre de choses, donc ça ne te demandera aucun effort. Ce que j’aimerais que tu fasses, en plus de tes autres fonctions, c’est que tu signes ce formulaire de mon nom – J. Terrance Wister – et que, trois fois par semaine, tu suives les classes d’entraînement et de manœuvres à ma place.

— NON ! lança Bang-Bang sur un ton catégorique.

— Ils ne m’ont jamais vu. Je sais parfaitement que nous ne nous ressemblons pas du tout, toi et moi, mais je connais bien ces gens : tout ce qu’ils veulent, c’est quelqu’un qui réponde « Présent ! » quand ils font l’appel et à qui ils peuvent donner des ordres.

— NON ! répéta Bang-Bang.

Et, bien entendu, il avait raison : c’était un Sicilien de petite taille qui mesurait trente centimètres de moins qu’Heller et qui était brun, et non pas blond.

— Si tu dis à tout le monde que tu te prénommes Terrance et si, de mon côté, je me fais appeler Jet ou Jerome, les étudiants penseront que nous sommes deux personnes différentes, mais les ordinateurs réagiront comme si nous étions une seule et même personne.

— NON !

— Tu m’amèneras les textes qu’ils te donneront à étudier et tu m’enseigneras les manœuvres. Comme ça, cette petite combine restera honnête et c’est moi qui réussirai l’examen.

— NON !

— Je te donnerai le salaire que tu voudras pour faire tout ça… et on ne te renverra pas en prison.

— C’est pas une histoire d’argent, môme. Deux cents dollars par semaine, ce serait formidable. Mais c’est pas une question de pognon. C’est tout simplement qu’il y a certaines choses qu’un homme ne peut pas faire, un point c’est tout !

— Lesquelles, par exemple ?

— Écoute, môme. J’ai fait partie des marines. Il y a un dicton : Si tu as été marine, tu le restes pour toujours. Les marines, môme, c’est les MARINES ! L’armée de terre, c’est ce qu’il peut y avoir de pire. C’est l’infanterie, môme. Les biffins ! Je ne sais pas si tu réalises, mais tu me demandes de balancer tous mes principes. Même faire semblant de m’engager dans l’armée de terre, c’est impossible. Je me sentirais tellement dégradé que je ne pourrais plus me regarder dans la glace ! J’ai ma fierté, môme. Et la fierté, c’est tout !

Ils mangeaient en silence.

Des bruits de voix confus retentirent au-dehors et Bang-Bang regarda en direction de l’entrée.

— Il a dû y avoir une générale, dit-il. C’est probablement les stars qui font tout ce boucan devant le restaurant. Regarde bien, môme. Si la pièce est bonne, les gens vont applaudir. Si elle ne vaut rien, ils tourneront le dos aux comédiens.

Johnny Matinee avait à moitié quitté son siège et scrutait l’entrée. Jane Lologiggida tendait son joli cou. Les trois photographes de Sardine’s, qui n’avaient cessé de mitrailler les clients pour étoffer leurs press-books, se tinrent prêts à immortaliser la grande scène qui allait suivre.

Le bruit augmenta. La porte s’ouvrit et la foule qui attendait devant le restaurant s’écarta.

Et qui croyez-vous qui entra ? L’inspecteur de police Bulldog Grafferty, vêtu d’un uniforme resplendissant !

Les clients se détournèrent en poussant un gémissement de déception.

— C’est Grafferty, susurra Bang-Bang. Quel toupet ! Venir dans un endroit qui appartient aux Corleone !… Il travaille pour Faustino !

Grafferty savait très bien où il allait : il se dirigeait directement vers la table de Bang-Bang !

Il s’arrêta à gauche d’Heller et dévisagea le petit Sicilien. De toute évidence, c’était lui qu’il était venu voir.

— Les flics en civil postés dans la rue t’ont vu entrer ici, Rimbombo. Je voulais juste jeter un dernier coup d’œil à ta face de rat avant que tu retournes en prison.

Heller ne regardait pas l’inspecteur. Il avait soulevé un coin de nappe et, à l’aide d’une fourchette, l’enfonçait dans la poche de la tunique de Grafferty ! Complètement débile !… Ça prouvait bien à quel point– il était futile.

— Tiens, c’est quoi ça ? rugit Grafferty en saisissant la bouteille de Johnnie Walker golden label. De l’alcool sans étiquette fiscale ! Je savais bien que je trouverais quelque chose en venant dans ce…

La voix d’Heller retentit soudain dans tout le restaurant, interrompant à la fois le speech de Grafferty et les conversations feutrées aux différentes tables.

— N’essayez pas d’arrêter mon ami pour avoir soi-disant incité un mineur à enfreindre la loi !

Grafferty reposa la bouteille et se tourna vers Heller.

— Qui es-tu, toi ?… J’ai l’impression de t’avoir vu quelque part.

De sa voix perçante d’officier de la Flotte, Heller contre-attaqua :

— Cette bière est légale !

— De la bière ? fit Grafferty. Un mineur qui boit de la bière ? Ho, ho, ho, Rimbombo ! Tu vas pas y couper, cette fois ! Et je vais m’arranger pour que les Corleone se voient retirer la licence de ce resto !

— Regardez ! ordonna Heller. C’est de la bière sans alcool ! Lisez l’étiquette !

Avec des gestes maladroits, précipités, il poussait la bouteille en direction de Grafferty. Elle bascula. Grafferty tendit la main pour la rattraper.

Elle heurta la bouteille de scotch !

Qui bascula à son tour !

Grafferty se jeta en avant pour l’empêcher de tomber par terre.

Elle éclata en mille morceaux sur le sol !

Grafferty se pencha un peu plus. Il parut trébucher sur quelque chose et tomba en avant.