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La nappe fut arrachée de la table !

Une avalanche de spaghetti, de couverts,’ d’assiettes sales et de sauce tomate s’abattit sur l’inspecteur de police Bulldog Grafferty.

Jane Lologiggida se leva à moitié, une main appuyée contre sa poitrine. Elle était très pâle.

Heller se leva et s’exclama :

— Oh, mon Dieu !

Il se précipita pour aider Grafferty, écrasant les débris de verre avec ses pointes. Il regarda par terre et, d’un petit coup de pied, envoya la capsule et l’étiquette au loin.

Il aida l’inspecteur à se lever. Puis il saisit une serviette à carreaux sur une table voisine et entreprit de nettoyer le visage de Grafferty.

Il s’y prenait comme un sagouin ! Il étalait des spaghetti sur tout le faciès de l’inspecteur, dans ses cheveux, sur la tunique de son uniforme.

Jane Lologiggida était debout à présent, appuyée contre la paroi de son box.

Heller attrapa Grafferty par le coude et l’entraîna vers la table de la star.

Les photographes n’en perdaient pas une miette !

Euh, Miss Lologiggida, dit Heller, l’inspecteur Grafferty tenait absolument à vous faire savoir combien il était navré d’avoir perturbé votre repas. La nappe s’est prise dans sa ceinture. N’est-ce pas que vous êtes désolé, inspecteur ?

Grafferty commençait tout juste à reprendre ses esprits. Il regarda fixement la star, avant de crier brusquement :

— Oh, mon Dieu ! C’est Jane Lologiggida !

Il vit qu’il traînait toujours derrière lui la nappe et les assiettes sales, arracha le coin de nappe de sa ceinture et, sous les flashes des photographes, sortit du restaurant en courant.

Jane Lologiggida partit dans une crise de fou rire. Elle était pliée en deux.

Johnny Matinee arriva telle une fusée.

— Bon sang ! Dommage que je n’aie pas été mêlé à ce gag. Ça va faire la une des journaux !

L’attaché de presse de Johnny Matinee était en grande conversation avec les trois photographes et le gérant du restaurant.

Il s’approcha d’Heller et lui dit :

— Écoute, môme, cette histoire ne t’apportera rien. Ça t’embête si Johnny fait la une à ta place ? Nous ferons un collage sur les clichés qu’ils viennent de prendre.

— A votre aise.

Ils placèrent Johnny Matinee devant Jane Lologiggida, à l’endroit où Heller s’était tenu, et lui firent prendre la même pose. Les appareils photo et les flashes crépitèrent.

Heller regagna sa table. Les gens continuaient à hurler de rire dans le restaurant. Quelqu’un se mit à applaudir tardivement. Heller se tourna et salua profondément tout en désignant Johnny Matinee, Les gens parurent trouver cela encore plus drôle car les rires redoublèrent.

Bang-Bang se tenait les côtes.

— Oh, sangue di Cristo ! Ce (bip) de Grafferty ne remettra pas de sitôt les pieds dans un endroit appartenant aux Corleone. Et grâce à toi, le restaurant va avoir pour un million de dollars de publicité gratuite.

— Et Grafferty ne fera pas le rapprochement entre la bouteille de scotch et l’explosion de l’entrepôt, ajouta tranquillement Heller en s’asseyant.

Bang-Bang le dévisagea.

— Hé, je n’avais pas pensé à ça !

Cherubino arriva avec une nouvelle bouteille de bière sans alcool, le visage fendu d’un large sourire.

— Il est bien ce môme que tu nous as amené, Bang-Bang. Je suis content qu’il fasse partie de la famille et pas d’un autre gang. Peut-être que tu n’es pas aussi bête que je croyais ! ajouta-t-il en s’éloignant.

Bang-Bang regardait pensivement Heller.

— Tu sais quoi, môme ? dit-il enfin. Je vais accepter ta proposition. Je vais ravaler mes scrupules et m’engager dans l’armée pour toi. (Il réfléchit un peu avant de reprendre :) Je ne fais pas ça pour échapper à la prison, mais parce qu’on ne s’ennuie pas quand on est avec toi !

Mais j’étais loin d’être aussi impressionné qu’eux. Le coup de la nappe était une vieille blague que nous avions l’habitude de faire aux nouvelles recrues particulièrement stupides de l’Académie. Et n’importe quel spatial sait mettre fin à une situation explosive dans un bar. Non, tout ce qu’il faisait, c’était utiliser à son avantage la technologie voltarienne – laquelle est cent fois plus évoluée que la terrienne. Néanmoins, il était beaucoup trop sournois, beaucoup trop malin. Et il faisait beaucoup trop de progrès !

Où Diable était le rapport journalier de Raht et Terb ? Ah, on pouvait dire qu’Heller roulait son monde : il avait réussi à faire croire à tous ces (bips) qu’il était quelqu’un. C’était insupportable. Tous ces (bips) d’applaudissements !

Dix-neuvième partie

1

Le lendemain matin, de bonne heure, Heller et Bang-Bang descendirent du métro à la station Empire. Ils étaient frais et dispos. Heller portait un pantalon gris, une chemise grise et un pull blanc qu’il avait négligemment noué autour du cou par les manches. Bien entendu, il avait coiffé son inévitable casquette rouge et chaussé ses sempiternelles souliers à pointes. Il transportait deux sacs à dos bourrés à craquer dont j’aurais bien aimé connaître le contenu.

La tenue de Bang-Bang était aux antipodes de celle d’Heller. Il était vêtu d’un pantalon et d’une chemise en jean et portait une casquette kaki barrée de quatre lettres imprimées à l’encre noire : USMC.

Ils remontèrent l’allée centrale de la fac. Devant eux, des étudiants chargés de livres se dirigeaient vers les salles de cours.

Mais je vis à mon grand étonnement qu’Heller et Bang-Bang ne paraissaient pas avoir l’intention d’aller en classe. Heller avançait à grandes enjambées et Bang-Bang était obligé de courir pour rester à sa hauteur. Ils prirent une allée qui bifurquait vers le nord, passèrent devant la bibliothèque, contournèrent plusieurs bâtiments et arrivèrent non loin de la 120e Rue, à un endroit où il y avait une grande pelouse et un arbre unique. Heller se dirigea vers l’arbre.

— Très bien, dit-il. Voici notre poste de commandement. Synchronisons nos montres.

— D’accord, fit Bang-Bang.

— Tiens, voici l’emploi du temps que nous avons mis au point hier soir. Il donne les heures auxquelles tu dois poser les engins.

— Bien.

— N’oublie pas que les détails sont ceux d’une bombe à retardement.

— Exact !

Que Diables mijotaient-ils ? Est-ce qu’Heller essayait de se libérer de la promesse qu’il avait faite à Babe en faisant sauter l’université ?

— Tu les poses de façon qu’ils soient invisibles.

— Exact.

— Et que se passe-t-il quand un secteur n’a plus besoin d’être miné ?

— Les engins sont discrètement récupérés. Il s’agit d’une opération secrète. Il faut éviter de s’exposer à une contre-attaque de l’ennemi.

— Exact, fit Heller. Attends une seconde… Que signifient les lettres « USMC » sur ta casquette ?

— (Bip) ! United States Marine Corps, évidemment !

— Donne-la-moi.

— Tu me laisserais essuyer le feu de l’ennemi sans rien pour me remonter le moral ?

Heller ne répondit pas et la lui ôta. Puis il enleva sa casquette de base-ball et en coiffa Bang-Bang. Bien entendu, elle était beaucoup trop grande pour le petit Sicilien. Heller acheva la substitution en calant sur son crâne la casquette de Bang-Bang. Il m’était impossible de voir quelle tête ça lui faisait, mais ça devait être du plus haut comique.

— Je n’y vois plus rien, protesta Bang-Bang. Comment veux-tu que je pose ces engins secr…