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Il sortit du bâtiment et s’adossa contre un mur. Il prit l’enregistreur qu’il venait de récupérer, vérifia qu’il avait bien fonctionné, retira la cassette, y inscrivit la date et le sujet du cours et, au moyen d’un élastique, y attacha le cliché du tableau noir. Puis il mit le tout dans un boîtier à cassettes portant l’étiquette Chimie avancée, il vérifia les piles du magnétophone, introduisit une cassette vierge de cent vingt minutes et remit l’appareil dans son sac.

L’infâme crapule ! Bang-Bang et lui enregistraient tous les cours ! Il avait décidé de sécher l’université complètement !

Oh, je savais ce qu’il allait faire. Il allait trafiquer un magnétophone à cassettes pour accélérer le play-back, comme il l’avait fait sur Voltar lorsqu’il avait dû apprendre l’américain. Puis il écouterait la bande en une minute, zip, et le tour serait joué. Peut-être même qu’il stockerait les cassettes et qu’il terminerait toute une année de cours en une heure !

Quelle malhonnêteté ! Est-ce qu’il ne savait pas que le FBI arrêtait les gens qui faisaient des enregistrements illégaux ? Attendez, non… N’était-ce pas plutôt les gens qui reproduisaient et vendaient des œuvres déposées ? Je ne me souvenais plus… J’étais en état de choc. Il allait décrocher son diplôme malgré le plan brillant de Miss Simmons !

Durant un bref instant, je retrouvai l’espoir. Il y aurait des interrogations écrites, des travaux pratiques. Mais je ne tardai pas à sombrer à nouveau dans la mélancolie : Heller avait sans doute tout prévu !

Cet (enbipé) était en train de déjouer tous les complots ourdis contre lui ! Ma main me démangeait : je brûlais d’envie de saisir un éclateur. J’avais intérêt à drôlement m’activer, et plutôt quatre fois qu’une, si je voulais mettre fin à ses agissements.

2

Heller se mit à courir, avec ses sacs à dos et tout. Il s’engagea dans la 120e Rue et se dirigea vers l’est. Puis il prit Broadway, direction le sud, la 114e Rue en direction de l’ouest et, finalement, mit le cap sur le nord en remontant Amsterdam. Il venait de faire le tour de l’université. A l’évidence, il essayait de tuer le temps. J’avais espéré un moment qu’il se ferait remarquer et qu’un flic l’arrêterait sous un prétexte quelconque, mais je ne tardai pas à déchanter : il y avait des tas d’étudiants qui faisaient du jogging ou de gens pressés qui couraient.

A quinze heures quarante-cinq, il alla récupérer son magnétophone et en installa un autre. Puis il revint au « poste de commandement » et fouilla les alentours du regard, guettant le retour de Bang-Bang.

— Où es-tu, Bang-Bang ? Marmonna-t-il. Les manœuvres devraient être terminées à l’heure qu’il est.

Il attendit. Toujours pas de Bang-Bang.

Il fit encore un peu de jogging sur l’allée centrale de Morningside Park et alla récupérer le dernier magnétophone de la journée, avant de retourner au poste de commandement.

Bang-Bang n’était toujours pas arrivé. Heller jeta un coup d’œil à sa montre voltarienne : dix-sept heures dix.

Il se trouva un coin d’ombre, déploya à nouveau son drap-caméléon, sortit son repose-dos autogonflable qui se remplit d’air et s’assit confortablement. Mais il n’étudia aucun manuel scolaire et passa son temps à guetter l’arrivée de Bang-Bang. Les ombres s’allongèrent. Il jetait de fréquents coups d’œil à sa montre. Une demi-heure s’écoula.

Quelque chose approchait !

La chose remontait une allée et se dirigeait vers Heller. C’était une espèce de montagne de bagages qui se déplaçait sur des jambes.

La montagne arriva en titubant, bascula et s’effondra sur le gazon. Il y eut comme une avalanche et, brusquement, je vis Bang-Bang, debout au milieu des débris. L’effort qu’il venait de fournir l’avait épuisé et il était hors d’haleine. Il se laissa tomber sur le drap.

— Le combat a été long et sanglant, haleta le petit Sicilien. Je vais te raconter par le menu la bataille que se sont livrée les marines et l’armée de terre. (Il attendit d’avoir repris son souffle et poursuivit :) Tu t’es présenté à l’heure pour te faire incorporer et le ROTC n’a pas failli à sa réputation en faisant de cette simple formalité une opération extrêmement complexe. Tu as signé le formulaire de ton nom : « J. Terrance Wister. » Ensuite tu t’es présenté devant le premier d’une longue série d’obstacles.

« Comme tu étais nouveau, tu as passé un examen physique et tu seras sans doute horrifié d’apprendre que tu souffres d’un début de cirrhose du foie dû à une absorption excessive de breuvages alcoolisés. Heureusement que c’est toi qu’ils ont examiné et pas moi, car il me reste encore seize cartons de scotch. Tu as été déclaré apte au service, à condition d’arrêter de boire.

« Ensuite tu t’es présenté devant l’obstacle suivant. Les uniformes et l’équipement. C’est tout ça. (Il indiqua avec un geste de mépris une pile de vêtements.) Le caporal a affirmé qu’ils étaient à ma taille, mais j’ai constaté que j’allais immédiatement devoir les envoyer chez un tailleur pour qu’il effectue des retouches. Je refuse que tu ressembles à un clodo. Je veux bien qu’il s’agisse de l’armée, mais il y a certaines choses qu’un marine ne saurait tolérer ! Bref, tu as réussi à franchir cet obstacle.

« L’obstacle suivant n’a pas été de la tarte. Tu sais ce qu’ils ont fait, ces (enbipés) ? Ils ont essayé de me refiler une carabine M-1 défectueuse ! Or, comme tu le sais, un marine peut se faire sucrer un mois de paye si on découvre que son arme ne marche pas ! Et tu sais pas la meilleure, môme ? Ils avaient scié le percuteur ! Ils ont eu beau discuter, j’ai entièrement démonté le truc ! Ils m’ont dit que les recrues du ROTC n’étaient pas autorisées à avoir un percuteur, que quelqu’un pourrait mettre une vraie balle dans la chambre et que le coup pourrait accidentellement partir durant une inspection du matériel. Tu verrais le savon que je leur ai passé ! Je leur ai dit que c’est justement d’avoir une arme hors d’état qui est dangereux ! L’ennemi charge et tu ne peux pas tirer ! Et j’ai ajouté : “Et si vous voulez tirer dans le dos d’un colonel, vous allez faire comment, hein ?” Là, ils n’ont plus rien dit. Ensuite, ils n’arrivaient pas à remonter le fusil. J’ai refusé de le faire en disant qu’il fallait l’envoyer à l’armurerie pour le faire réparer. Finalement, un capitaine de l’armée de terre est intervenu et il m’a dit qu’il allait demander par écrit que tu sois autorisé à utiliser un M-1 opérationnel. Donc, tu auras ton flingue un peu plus tard et tu as passé cet obstacle en beauté. Ça te va jusqu’ici, môme ?

— Tu as agi de façon très sensée. Déjà que ce n’est pas un cadeau d’avoir à se servir d’une arme chimique, si en plus elle ne marche pas… Dis-moi, elle est horrible, cette armée !

— Oh oui ! Des biffins à la gomme !… Ensuite, tu t’es retrouvé devant un obstacle de taille – un peu comme si tu devais traverser un marécage sans aucune corde au-dessus de toi pour t’accrocher. Il a fallu que je prenne une décision à ta place et j’espère que j’ai pris la bonne.

« Un lieutenant de l’armée de terre qui portait des lunettes a remarqué que tu étais en dernière année et que durant ton entraînement militaire à Saint Lee, tu n’avais jamais opté pour une branche spécifique. Je n’ai pas voulu me mouiller, mais il a dit que tu étais obligé de te spécialiser dans une branche autrement on ne te donnerait pas ton diplôme. Après quoi, il t’a tendu une longue liste.