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L’un des Hispano-Américains subit le même sort et se retrouva sans visage.

Les talons d’un homme. Il essayait de s’enfuir.

Heller s’élança et bondit en avant, les deux jambes à l’horizontale. Ses pieds vinrent frapper le dos de l’autre qui fut propulsé en avant et tomba face contre terre dans un tas de feuilles mortes. Heller effectua un rétablissement et, les pieds en « V », atterrit à la verticale sur sa tête, lui arrachant la peau du crâne, les oreilles et les joues.

Brusquement il n’y eut plus un bruit. Un silence pesant enveloppait le vallon.

Heller alla examiner chacun des hommes. Cinq étaient morts, amas sanglants de chair. Le sixième avait la poitrine ouverte et l’on voyait palpiter les veines et les artères.

L’homme reprit conscience. Il poussa un long hurlement et s’effondra. Il fut encore agité de quelques spasmes et expira.

Heller remonta la pente. Joe et Pete étaient morts, et bien morts.

Il retourna dans le vallon et examina la scène. C’était un vrai charnier. Il y avait du sang partout et des feuilles mortes se dissolvaient dans ce qui semblait être de la boue rougeâtre.

J’étais terrifié. Je n’avais jamais eu le moindre soupçon quant à la raison véritable pour laquelle il portait des pointes. Mais je la connaissais, à présent. Comme il opérait dans un monde primitif où la détention d’armes est illégale, il s’était choisi un moyen de défense efficace auquel personne ne penserait. Vous vous rendez compte, si je n’avais pas fait cette découverte ! Il me serait peut-être tombé dessus un jour sans que je me doute de rien ! Oh, je me tiendrais à bonne distance d’Heller si jamais je me trouvais obligé de lui adresser la parole. Il était dangereux !

Miss Simmons gisait à l’endroit où ils l’avaient abandonnée lorsqu’ils avaient entendu le premier coup de feu. Ses vêtements étaient en lambeaux.

Elle était appuyée sur un coude et fixait Heller avec des yeux ronds.

Heller alla vers elle et essaya de l’étendre sur le dos. Il dut bouger sa jambe car elle poussa un hurlement de douleur et s’évanouit.

Il examina la jambe. La cheville était fracturée à plusieurs endroits et un morceau d’os saillait.

Il sortit un couteau de sa musette, ramassa une branche cassée et confectionna rapidement une attelle. Puis il enveloppa la cheville dans des kleenex qu’il avait trouvés dans le sac à main de la jeune femme et fixa l’attelle avec du ruban adhésif d’ingénieur.

Il essaya de mettre un peu d’ordre dans ses haillons et réussit à lui mettre sa veste. Elle n’avait toujours pas repris connaissance. Il trouva ses lunettes et les déposa dans son sac à main. Puis il lui attacha le sac autour du cou.

Il inspecta le sol alentour. Ses pointes avaient laissé des traces partout.

Il regarda ses chaussures et vit qu’elles étaient couvertes de sang, de chair et de bouts d’os.

Il fit le tour des cadavres et ôta les chaussures de l’un d’eux. Puis il retira ses souliers de base-ball et en chaussa le cadavre avant d’enfiler la paire qu’il venait de prélever.

C’était mauvais signe. De toute évidence, il avait déjà commencé à lire les manuels G-2. Ce qui signifiait que j’allais avoir encore plus de travail – exactement comme je l’avais prévu !

Il se mit à chercher le bâton de Miss Simmons et, après avoir fouillé les environs pendant quelques instants, finit par le trouver. Puis il examina à nouveau la scène – une scène particulièrement sinistre, je peux vous l’assurer, avec le ciel qui s’emplissait de nuages noirs et le vent qui faisait frémir les cheveux et les vêtements des morts.

Il souleva Miss Simmons dans ses bras et regarda une dernière fois autour de lui pour s’assurer qu’il n’avait rien oublié. Puis il tourna la tête en direction de la colline et observa l’endroit où gisait l’homme au fusil, à demi dissimulé par un arbre.

— Pourquoi ne m’avez-vous pas écouté ? Je ne suis pas ici pour punir.

Son regard se posa sur Miss Simmons. Elle était toujours évanouie. Puis il leva la tête vers le ciel agité et dit en voltarien :

— Cette planète est-elle donc habitée par des gens sans foi ni loi ? Sans Dieux ? Quelque idée étrange leur aurait-elle empoisonné l’esprit et les aurait-elle persuadés qu’ils n’ont pas d’âme ? Qu’il n’y a rien après la mort ?

Ça, c’était du Heller tout craché. Stupide et mélodramatique. Ce qu’il avait de mieux à faire, c’était de jeter Miss Simmons par terre et de lui enfoncer dans le cœur l’un des crans d’arrêt qui traînaient à proximité. Ça se voyait qu’il n’avait pas été formé par l’Appareil. Tout compte fait, peut-être que sa connaissance des techniques G-2 ne me causerait pas autant de problèmes que ça.

Oui, il était d’une stupidité sans nom. Il explorait le ciel du regard pour essayer de s’orienter. Il se mit en route et, d’un pas rapide, se dirigea tout d’abord vers le sud, puis vers l’est, et coupa à travers des buissons et des bosquets, en prenant bien soin de ne pas secouer le corps inanimé de Miss Simmons.

Il déboucha dans un parc et se retrouva bientôt dans la rue. Après avoir marché un bon bout de temps, il avisa une station de métro : Van Cortlandt Park Station.

Il acheta deux jetons. L’employé ne lui adressa même pas un regard. Heller franchit le tourniquet.

Il monta dans une rame qui démarra en rugissant. Il n’y avait presque personne dans le wagon. Un garde de la sécurité passa devant lui. Il vit son pantalon maculé de sang, ainsi que les vêtements déchirés et la cheville éclissée de la jeune femme. Pensez-vous qu’il s’arrêta ? Non. Il poursuivit tranquillement son chemin.

Heller descendit à Empire Station, la jeune femme dans les bras, et se mit à marcher d’un pas alerte tout en prenant soin de ne pas faire de mouvements brusques. Il remontait l’allée centrale de l’université, à présent. Il obliqua vers le sud, s’engagea dans Amsterdam Avenue et s’arrêta bientôt devant une porte portant l’inscription : Service Médical de l’Université d’Empire.

Il n’y avait pas de lumières.

Il traversa l’avenue et pénétra dans la salle d’attente du service des urgences d’un hôpital. Il attendit un peu. Une infirmière qui passait par là l’aperçut et vint vers lui.

— Un accident, hein ? dit-elle. Ne bougez pas d’ici.

Et elle sortit. Elle revint peu après avec un brancard à roulettes et donna de petites tapes dessus.

Heller y déposa Miss Simmons.

L’infirmière jeta une couverture sur la jeune femme et passa une sangle autour de sa poitrine. Elle serra fort.

Puis elle entraîna Heller vers un comptoir d’où elle sortit quelques formulaires.

— Nom ?

— Elle s’appelle Miss Simmons, dit Heller. Elle enseigne à l’Université. Vous trouverez sans doute ses papiers dans son sac à main. Je ne suis qu’un étudiant.

L’infirmière alla chercher le sac à main de Miss Simmons et en sortit sa carte de sécurité sociale et d’autres documents.

Un jeune interne arriva, regarda Miss Simmons et dit :

— Choc. Elle est en état de choc.

— Cheville cassée, fit Heller. Fractures multiples.

— Vous avez une entaille au bras, remarqua le jeune interne. (Il souleva la manche de la veste d’Heller.) Il faut la panser. On dirait une entaille faite par un couteau. Vous êtes étudiant ?

— Oui.

— On va vous mettre un pansement.

Miss Simmons revint à elle et se mit à hurler.

Une autre infirmière arriva avec un plateau et une seringue hypodermique. L’interne saisit le bras de Miss Simmons et l’infirmière l’entoura d’un ruban de caoutchouc. Miss Simmons se débattait sauvagement et l’infirmière n’arrivait pas à tenir lé bras suffisamment longtemps pour y enfoncer l’aiguille.