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— S’il vous plaît, me dit-il, ne tuez pas Melahat ! S’il vous plaît, Sultan Bey ! On s’est tous cotisés pour vous acheter de nouveaux vêtements. On en a même volé aux touristes. Ne tuez pas Melahat ! Sultan Bey, je vous en prie !

Pour un accueil, c’en était un ! Le sous-officier de la garde me dit :

— Je leur ai conseillé de se trouver un autre gardien.

Puis il s’approcha et me murmura à l’oreille :

— Merci pour le tuyau à propos de cet agent de la Couronne !

Ses hommes et lui repartirent en riant.

Je braquai mon arme sur le jardinier :

— Le jardin est en triste état. Va t’en occuper immédiatement.

Il fila comme une fusée, suivi par deux de ses aides, deux garçons. Je dirigeai alors mon arme sur le cuisinier.

— Toi, va me trouver quelque chose à manger et ensuite tu t’occuperas de l’office. Elle est infecte.

Lui aussi s’éclipsa.

Je menaçai ensuite la femme de chambre.

— Et toi… Va me faire la poussière ! Et vite !

Elle disparut à toute vitesse avec les deux filles qui la secondaient. C’est par Karagoz que je finis :

— Quant à toi, je pense que tes livres de comptes sont mal tenus. Je veux des chiffres exacts dès l’aube !

En quittant la pièce, j’éclatai de rire. Tout était tellement différent de Voltar, ici.

Ici, j’étais chez moi, et c’était tellement bon !

Ici, je représentais le pouvoir !

Ici, sur cette planète, je pouvais faire exécuter n’importe qui, y compris Heller lui-même !

9

Melahat m’avait suivi jusque dans ma chambre. Elle était vaste, pleine de placards. Elle me montra mes vêtements et attendit en se tordant les mains.

— Je vous en prie, me supplia-t-elle, je vous avais dit que cette fille n’était pas bien. Quand vous êtes parti en Amérique, elle s’est mise à courir avec n’importe qui. Elle disait que vous ne l’aviez pas payée et c’est comme ça qu’elle s’est enfuie avec tous vos vêtements.

— Il y en aura une autre ici dès demain.

— Oui, Sultan Bey.

— Tu l’installeras dans la pièce où on rangeait les outils.

— Très bien, Sultan Bey. Est-ce que ces vêtements vous . conviennent ?

— Ils ne m’iront pas, probablement.

— Oui, Sultan Bey.

Deux jeunes garçons surgirent avec mes bagages et repartirent en toute hâte.

— Rappelle à ce cuisinier de m’apporter à manger. Et maintenant, disparais !

— Oui, Sultan Bey.

Le cuisinier, accompagné d’un serveur, surgit peu après, avec un grand bol d’iskembe corbusi tout chaud. C’est une soupe consistante à base de tripes et d’œufs que l’on garde en permanence sur la cuisinière en cas de besoin. Il y avait aussi des lakerdas, qui sont des tranches de poisson séché. Ainsi qu’un grand pichet de sira bien frais (du jus de raisin fermenté) et un plateau de baklavas, une douceur faite de pâte de noix et de sirop.

— C’est tout ce que nous avons ce soir, bredouilla le cuisinier. Personne ne nous a prévenus de votre arrivée !

— Dès l’aube, va en ville et procure-toi de quoi faire décemment la cuisine ! Et tu ferais bien d’arrêter de détourner l’argent des achats !

Il blêmit sous cette accusation. Aussi ajoutai-je :

— Envoie-moi Karagoz !

Ce qui le troubla encore plus car c’est Karagoz qui tenait la comptabilité. Il se précipita hors de ma chambre, le serveur sur ses talons.

Je m’assis à table et mangeai. Tout cela était délicieux ! De quoi faire rêver les Dieux – la récompense ultime des mortels.

Karagoz entra.

— Vous m’avez dit que j’avais jusqu’à l’aube pour finir les comptes.

— Tu as volé tous les tapis et tu les as vendus !

— Oui, Sultan Bey.

Il savait bien que c’était moi qui avais vendu les tapis, mais il ne se serait jamais risqué à me contredire.

Je pris une bouchée de baklava. Quel délice ! Je la fis glisser avec une large lampée de sira.

— Bon, tu vas ajouter un ordre spécial de réquisition pour l’achat de tapis pour toute la maison. Les plus beaux. Des persans, même.

Qui pouvait dire si je n’allais pas à nouveau être à court d’argent et si je n’aurais pas à les revendre ? Mes récentes expériences sur Voltar m’avaient enseigné la prudence.

— Oui, Sultan Bey.

— Et toutes les commissions que tu pourras toucher seront pour moi.

— Oui, Sultan Bey.

— Et tu vas me réduire les dépenses pour la nourriture du personnel. De moitié. Ils sont trop gras !

— Oui, Sultan Bey.

— Ce sera tout, dis-je en levant mon verre de sira pour l’inviter à disparaître.

Il sortit à reculons.

Je restai un instant seul à seul avec moi-même, souriant.

Je savais comment m’y prendre avec les gens ! La psychologie est un outil merveilleux. Tout à fait ce qu’il me faut pour mon boulot !

Sur cette planète, je pouvais me tirer de n’importe quelle situation, je pouvais tout faire !

Ce qui me ramena à Heller.

Je me levai pour aller verrouiller ma porte. Ensuite, je pénétrai dans le placard de droite, je repoussai le panneau du fond. Il s’ouvrit et j’entrai dans ce qui était en réalité ma vraie chambre.

Elle était plus grande que la pièce que je venais de quitter. Et personne dans le personnel n’en connaissait l’existence. Elle avait été creusée dans la montagne. Une porte dérobée, tout au fond, permettait d’accéder directement à la base. Et une autre issue secrète ouvrait sur un passage qui s’achevait dans les baraquements du site archéologique.

J’ouvris un placard. J’avais bien fait marcher mes larbins. Parce que tous mes vêtements étaient ici, toutes sortes de costumes de toutes les nations.

Et, dans une commode, je retrouvai toutes mes trousses à maquillage intactes.

Je fis glisser un panneau secret derrière lequel était caché mon armement. J’avais fait installer un système anti-humidité et corrosion. Je rangeai le Colt .45 après l’avoir déchargé et pris un Beretta, avec lequel je me sens plus d’affinités. D’abord parce que c’est une arme plus discrète – pour laquelle je dispose d’un permis en bonne et due forme.

Cela fait, j’ouvris le coffre où je gardais mes passeports. La validité de quelques-uns avait expiré l’année d’avant et je pris bonne note de les faire renouveler. Puis je parcourus les autres documents d’identité : ils étaient parfaitement en ordre.

Une inspection rapide me permit de vérifier que tous mes bagages, attachés-cases, serviettes, et autres, étaient toujours là.

Parfait. Tout était prêt pour que je me mette au boulot.

Je regagnai la première chambre et me changeai en me faisant la remarque que, dans l’avenir immédiat, je devrais me montrer un peu plus prudent et éviter de me déplacer en public avec des bottes isolantes pour l’espace.

Je choisis une chemise sport décorée de poinsettias flamboyants, un pantalon noir et des chaussures souples. Je me contemplai dans le miroir : le gangster parfait.

A présent, il fallait m’occuper d’Heller. Je pris la boîte et retournai dans ma vraie chambre. Je sortis tout le bazar et le déployai sur la table. Apparemment, il n’avait pas souffert du voyage.

Je montai rapidement le tout, puis obéissant à une arrière-pensée, je pris le pichet de sira et un verre.