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— Gardez cette combinaison, dit-il. Quand la gravité change très vite, le sang afflue dans les jambes. Vous serez également protégé des étincelles électromagnétiques.

Il se mit à fixer les lanières qui me maintiendraient sur le lit. Oui, il s’y était très bien pris pour m’immobiliser.

— La poignée de dégagement rapide est là, près de votre main, ajouta-t-il.

Puis il se mit à farfouiller dans la pièce, touchant un peu tout. Je savais qu’il cherchait quelque chose pour me torturer. Est-ce qu’il ne voyait pas que mes nerfs étaient tellement tendus que j’étais déjà à la torture ?

Mais, apparemment, il ne faisait que rassembler mes effets et mes affaires. Il prit mon bracelet d’officier et l’examina. Je me dis qu’il songeait sans doute à s’en servir pour m’étrangler. Mais il dut y renoncer car il s’en alla rejoindre la pile de mes affaires.

Puis il s’intéressa à ce qui restait d’une tablette orange dont les miettes s’étaient répandues sur la table et il s’empara du flacon à l’étiquette « I.G. Barben ». À l’évidence, il espérait qu’il s’agissait là d’un poison mortel qu’il pourrait glisser dans une boisson. Il ignorait que c’étaient des amphétamines et que j’en avais pris pour supporter cette épouvantable fête de départ, quelques heures auparavant.

— C’est donc ça que vous aviez absorbé, dit-il. Moi, je m’en abstiendrais à votre place ! Je vous conseille de laisser tomber ça, quoi que ça puisse être. Vous êtes dans un sale état.

Il examina quelques autres objets fixés à la paroi puis regarda à nouveau autour de lui, extrêmement déçu de ne rien avoir trouvé qui pût lui servir d’instrument de torture.

Il prit un petit pupitre qu’il posa à portée de ma main.

— Si vous vous sentez vraiment mal, vous appuyez sur ce bouton-là, le blanc. C’est moi qui répondrai. Le rouge, c’est pour appeler le capitaine. Je vais leur dire que vous n’êtes pas bien et quelqu’un gardera l’œil sur vous.

C’est alors qu’il aperçut l’enveloppe que j’avais laissée tomber dans la coursive et il la ramassa. Je savais à présent ce dont il s’agissait : il avait reçu des instructions secrètes pour me liquider.

Il la posa sur ma poitrine et la glissa sous une lanière.

— On dirait un ordre. Et il a la couleur « urgent ». Si j’étais vous, je le lirais.

Puis il referma la porte et disparut. Je savais bien qu’il allait retrouver tout droit le capitaine pour conspirer avec lui sur le meilleur moyen d’en finir avec moi. Mais je n’y voyais pas d’inconvénient. Mes nerfs étaient tendus à tel point que ce serait un acte de miséricorde de me tuer. Mais pas avec les amphétamines, non ! Par tous les Dieux ! Ce serait bien trop cruel !

2

Pendant tout le reste de cette journée affreuse, abominable, la pire de toute mon existence, je restai tremblant. J’avais l’impression que mes nerfs allaient claquer et me cingler la peau.

Je tremblai jusqu’au moment où je fus trop épuisé, pourtant j’avais encore des frissons convulsifs.

J’étais incapable de penser. Toute mon attention était concentrée sur les Enfers qui me cernaient, des Enfers atrocement matériels.

Progressivement, ils avaient accéléré jusqu’à la limite de la vitesse de la lumière. Quand ils lancèrent les moteurs Y avait-Y aura, je le sus aussitôt. Il y eut des appels dans les coursives et des claquements.

L’annonce lumineuse clignota sur la paroi :

ATTACHEZ VOS CEINTURES GRAVIFIQUES !

Puis :

NE BOUGEZ PLUS ! NOUS PASSONS EN PROPULSION TEMPORELLE !

Ne plus bouger ! Si seulement j’avais pu m’immobiliser complètement ! Si seulement je réussissais à maîtriser ces tremblements et ces spasmes ! Une autre annonce apparut en rouge :

SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES DÉRÉGLÉS

J’étais tordu par le poids.

Puis un éclair aveuglant parut traverser tout le vaisseau. Nous venions de franchir la barrière luminique des trois cent mille kilomètres/seconde.

Une annonce violette :

SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES EN COURS DE RÉGLAGE

En vert :

SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES RÉGLÉS SUR AUTOMATIQUE

Puis, enfin, en orange :

ACCÉLÉRATION RÉGLÉE ET COMPENSÉE

VOUS POUVEZ DÉTACHER VOS CEINTURES

VOUS POUVEZ VOUS DÉPLACER LIBREMENT TOUT EST EN ORDRE

Pour me déplacer librement, je n’avais pas besoin d’une autorisation ! Quant à être en ordre, rien ne l’était ! Je tremblais toujours comme une feuille, sanglé sur mon lit !

On était en propulsion temporelle. Le vaisseau, cette redoutable bombe qu’ils osaient appeler un vaisseau, pouvait exploser à tout instant. Mais de temps en temps, il me venait à l’idée que ce ne serait pas si mal que ça, après tout. Je ne pouvais plus supporter ces tremblements. J’étais totalement épuisé, mais pourtant, je ne sais comment, mes nerfs et tous mes muscles arrivaient encore à trouver le moyen de vibrer.

L’horloge stellaire, sur la paroi, avait un cadran central réglé sur l’heure de Voltar. Lentement, douloureusement, les minutes et les heures passaient. Le temps me semblait presque immobile.

Finalement, après ce qui me parut deux cents ans, elle indiqua qu’il était minuit. J’avais pris cette terrible pilule seize heures auparavant. Et je tremblais toujours.

Un des Antimancos, un ingénieur, entra et me tendit une boîte avec un tube. J’aspirai. Je n’aurais jamais cru qu’on pouvait avoir la bouche aussi sèche.

Et puis je regrettai aussitôt d’avoir bu. Parce que j’allais peut-être m’en tirer, alors que la dernière chose que je souhaitais, c’était de continuer à vivre !

Je ne voulais qu’une chose, désespérément : dormir. J’étais complètement épuisé. Mais je n’y arrivais pas.

Le temps de Voltar continuait de s’écouler lentement, très lentement. J’étais de plus en plus déprimé.

Et c’est alors, ce qui me semblait difficile à imaginer, que mon état empira encore ! Mon cœur se mit à palpiter. J’eus un étourdissement et toute la pièce prit une inclinaison bizarre. Tout d’abord, je me dis qu’ils exécutaient peut-être une manœuvre risquée, mais je découvris que cela ne venait que de moi.

Un épouvantable mal de tête éclata sous mon crâne.

La propulsion à distorsion est bien plus douce que la propulsion temporelle. Les moteurs Y avait-Y aura avaient des petits ratés et, à chaque secousse, j’avais la certitude que mon crâne allait se casser en deux.

Le cadran quasi immobile qui indiquait l’heure de Voltar marquait midi, le lendemain du jour du départ, quand je commençai enfin à me rétablir. Je ne me sentais pas bien, pas du tout. Mais ce n’était plus aussi atroce.

De temps en temps, régulièrement, l’ingénieur antimanco était venu s’enquérir de mon état. Son visage triangulaire, basané, typique de sa planète, était totalement dépourvu d’expression. J’aurais aussi bien pu être un élément de moteur qui exigeait un réglage régulier. Mais il m’apportait chaque fois de l’eau ainsi qu’un peu de nourriture.

Trente-six heures et demie après notre départ – peu après minuit, heure de Voltar –, juste à l’instant où je décidais que j’allais tenter de m’asseoir, les annonces lumineuses apparurent sur la paroi. La première était d’un rouge éclatant :