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Elle se redressa avec une rage soudaine.

— Ne me parle pas de toubibs ! Ni d’hôpital ! Ils me tueraient !

Il recula.

Réveillée par cet afflux d’énergie, elle prit sa valise et l’ouvrit. Elle en sortit une seringue et se laissa retomber sur le bord du lit. Avec des gestes tremblants, elle démonta la seringue et glissa le petit doigt dans le cylindre. Elle essaya de gratter, mais il n’y avait plus rien à gratter. Puis elle suça l’aiguille et se la piqua dans le bras.

— Oh, dit-elle avec un frisson, je n’ai fait que ça hier toute la journée. Il n’y a pas le plus petit grain.

Elle lança le tout sur le plancher.

— C’est quoi, cette chose, cette dose dont vous avez tellement besoin ?

— Tu débarques ou quoi ? Mais du cheval, du boy, de l’héro, de la horse, du jus, de la blanche, de la poudre, de la naphtaline ! Et si je n’en trouve pas, je crèverai !

Elle porta la main à sa poitrine.

— Oh, mon pauvre palpitant !

L’effort avait été trop grand. Elle s’affaissa. Heller lui souleva les pieds et la remit au lit. Puis il ramassa la seringue, renifla avec curiosité le cylindre vide et replaça le tout dans la valise de la fille.

Elle dormait. Je connaissais le cycle du manque. Elle venait d’entrer dans la seconde phase : elle avait sombré dans un sommeil profond.

Heller la contempla un instant. Puis il inspecta la chambre. L’air conditionné était en marche et il ne le toucha pas. Sur la télé, un écriteau annonçait :

Pas après minuit, S.V.P

Il respecta l’avertissement.

Puis il se déshabilla et examina ses pieds. Ses chaussures trop petites avaient provoqué des ampoules. Il ouvrit un sac et en sortit une petite trousse médicale. Aha ! Elle était voltarienne ! Encore une violation du Code ! Mais je vis qu’il s’agissait en fait d’une simple boîte blanche qui contenait des flacons d’onguents sans marque distinctive. Mais j’inscrivis néanmoins.

Il enduisit les ampoules d’onguent et remit la trousse dans sa valise que, cette fois, il ouvrit toute grande ! Eh, mais ce n’étaient pas des cailloux qu’il y avait’ à l’intérieur, comme je l’avais cru ! Était-ce du matériel ? Je ne pouvais pas bien voir à contre-jour et il ne s’attarda pas. Je notai cependant qu’il y avait peut-être là une autre violation du Code. Ces deux valises pouvaient fort bien contenir de l’équipement voltarien ! Pas étonnant qu’elles soient aussi lourdes !

Heller regagna son lit et entreprit de se coucher. Puis il changea encore d’idée, se releva et sortit son petit calepin et son stylo.

Il écrivit : Pour qu’on vous écoute, il faut avoir un diplôme. Puis : La psychologie c’est bidon. Ça ne produit aucun résultat, ça ne change personne. C’est l’outil dont le gouvernement se sert pour contrôler la population.

J’écumais de rage ! Ce qu’il venait d’écrire, c’était une hérésie ! L’Association Internationale de Psychologie aurait sa peau ! Ils lui feraient griller le cerveau avec toutes leurs machines à électrochocs ! Quand il s’agit de leur monopole, ils sont terribles !

Heller écrivit ensuite : Quelqu’un, sur cette planète, vend une drogue qui tue les gens.

Tout le monde savait ça ! Je pouffai de rire. Ce pauvre idiot pensait avoir découvert quelque chose de sensationnel ! Mais les docteurs distribuent la drogue. Les psychologues aussi. Et le gouvernement maintient les prix. Et c’est comme ça que la Mafia, Rockecenter et des tas de gens se remplissent les poches. Pourquoi pas d’ailleurs ? Après tout, la population, ce n’est que de la racaille.

Heller fit alors quelque chose de particulier que je notai soigneusement. Il inscrivit un petit V au bout de chaque ligne qu’il venait d’écrire ! J’avais peut-être été minable en maths à l’Académie mais je reconnaissais quand même les symboles. Et ce signe était celui qu’on utilise dans les équations logiques ! Il signifie « Facteur pertinent à utiliser dans un théorème de déduction rationnelle ». Je le tenais ! Il venait d’employer un symbole Voltarien en clair. Comme ça. Une violation pure et simple du Code. J’ajoutai une mention toute spéciale !

S’ils n’arrivaient pas à l’avoir, moi, je l’aurais !

Il tripota un instant les boutons avant de comprendre comment on éteignait.

Mon écran devint sombre et, peu après, son souffle régulier m’apprit qu’il s’était endormi.

6

Pour moi, ç’avait été une longue journée. Je me levai. J’allais me servir un grand verre de sira bien frais lorsqu’il me vint brusquement une pensée – sans doute parce que je venais de le voir écrire.

Il m’avait donné une lettre ! Et je ne l’avais toujours pas lue !

C’est toujours un plaisir que de lire clandestinement le courrier des autres. Je n’avais pas encore assisté à son arrestation – qui ne saurait tarder cependant. Mais j’avais besoin d’une petite compensation.

Je pris la lettre dans ma tunique en me disant qu’il s’agissait probablement d’un petit mot d’amour plein de fadaises destiné à la comtesse Krak. Celle-là, elle serait heureuse d’apprendre que, cette nuit, Heller dormait dans une chambre secrète en compagnie d’une prostituée affligée d’une maladie !

Je pris l’enveloppe et la plaçai sous la lumière. Elle était du vert officiel !

Mes cheveux se dressèrent instantanément sur ma tête !

Elle était adressée à :

Capitaine Tars Roke

Astrographe privé de Sa Majesté.

Cité du Palais, Voltar Confédération de Voltar

Officiel – Urgent

Longue vie à Leurs Majestés

Il était en contact avec Roke !

Surmontant le choc, je me concentrai. Quand cela avait-il commencé ? Je me souvins alors que le capitaine Tars Roke avait été présent à la soirée du départ. Et Heller lui avait adressé plusieurs fois la parole. Cela n’avait pas éveillé mes soupçons car j’avais été abominablement pris au piège en absorbant ce speed, cette méthédrine !

Je tentai de me calmer. Voyons : Lombar m’avait dit qu’Heller adresserait des rapports au Grand Conseil. J’étais censé les intercepter, apprendre à les falsifier avant de les expédier. Ce n’est qu’ainsi que je pourrais me débarrasser d’Heller et continuer d’expédier les rapports à sa place.

Bon, il n’y avait rien de grave. Je ne faisais que mon devoir. Ceci n’était que le premier rapport d’Heller. Il se servait seulement de moi pour rester en contact avec Roke. Stupidement. En fait, il n’avait pas d’autre moyen. Tout était très bien ainsi !

L’enveloppe était doublement scellée. Mais c’était sans importance. En utilisant des méthodes que j’avais apprises au sein de l’Appareil et avec les outils appropriés, je l’ouvris sans laisser de trace.

La feuille, à l’intérieur, était de grandes dimensions, mais c’est le cas pour tous les rapports officiels.

Après les salutations d’usage, je lus :

Ainsi que nous en sommes convenus, si vous cessez d’avoir d’authentiques nouvelles de moi chaque mois, ce n’est qu’alors que vous devrez aviser Sa Majesté d’avoir à mettre en place la deuxième alternative.

Et il continuait en disant que la mission prendrait un certain temps, que le remorqueur s’était bien comporté, qu’il était heureux que le capitaine Tars lui ait donné certains conseils sur les variations de polarité. Puis il rappelait une conférence que le capitaine Tars avait donnée à propos des noyaux planétaires en fusion considérés comme des générateurs. Le capitaine se rappelait-il Boffy Jope, cet étudiant qui disait que les planètes devraient tourner plus lentement afin que les gens aient plus de temps pour dormir ? Il concluait en disant qu’il pensait que tout se passerait bien mais qu’il fallait quand même garder un œil sur toute l’opération.