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MI-PARCOURS NOUS PASSONS EN PHASE DE DÉCÉLÉRATION VEUILLEZ ARRIMER LES OBJETS

Puis :

ATTACHEZ VOS CEINTURES GRAVIFIQUES NE BOUGEZ PLUS !

INVERSION DES SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES

Il y eut un instant d’apesanteur absolue. Ces (bip de bip)[1] de pilules sortirent de leur flacon de l’I.G. Barben et se mirent à dériver, ainsi que les miettes qui s’étaient trouvées sur la table.

Une autre annonce :

ATTENTION ! INVERSION DES SALLES, CHAMBRES ET CABINES

Ma cabine pivota. J’en fus désorienté. Les objets fixés aux parois n’avaient pas bougé, mais tout le reste avait été inversé.

Une autre annonce, en violet celle-là :

SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES EN COURS DE RÉGLAGE

… Suivie d’une annonce en vert :

SYNTHÉTISEURS HYPERGRAVIFIQUES RÉGLÉS EN AUTOMATIQUE

Ce (bip) de flacon de l’I.G. Barben et les miettes d’amphétamines retombèrent bruyamment sur la table.

Encore une annonce, en rouge cette fois-ci :

MOTEURS TEMPORELS EN COURS D’INVERSION

Il y eut une secousse terrible, insoutenable. Une espèce de hurlement retentit dans tout le vaisseau.

Enfin, vint la dernière annonce, orange :

DÉCÉLÉRATION RÉGLÉE ET COMPENSÉE

VOUS POUVEZ DÉTACHER VOS CEINTURES

VOUS POUVEZ VOUS DÉPLACER LIBREMENT TOUT EST EN ORDRE

Tout, sauf moi.

J’étais une épave. Pire encore. Pendant cette brève période d’apesanteur, j’avais eu une nausée. Je détestais l’état d’apesanteur. Je ne m’y habituerais sans doute jamais. Cela a un effet bizarre sur les muscles et les battements du cœur, et, chez moi, ni l’un ni les autres n’étaient suffisamment solides pour ça.

D’une main faible, je voulus repousser la ceinture qui me pressait le ventre et, dans mon geste, je rencontrai quelque chose.

L’enveloppe ! Elle était toujours là, maintenue en place par les lanières gravifiques. Incroyable ! Dans ma frénésie tremblotante, je ne l’avais pas fait tomber.

J’étais encore dans un état trouble et la découverte de cette enveloppe ne fit rien pour me calmer.

Qui avait bien pu la mettre dans ma poche ? Durant la fête de départ, personne ne m’avait rien remis. Pourtant, elle était arrivée là.

Elle portait la couleur « urgent » et j’avais tout intérêt à l’ouvrir sans plus attendre.

Il en tomba un médaillon. Il était religieux et représentait une étoile à cinq branches. Au revers de chaque branche, il y avait des initiales minuscules, presque imperceptibles.

Je dépliai le message. Il ne portait aucun en-tête. Mais l’heure d’expédition m’apprit qu’il avait été écrit peu avant notre départ. Je lus :

Ainsi que promis, voici votre dispositif de contrôle de l’équipage. A chacun des membres correspondent des initiales placées derrière chaque pointe de l’étoile. Ces pointes ont été accordées afin de correspondre à l’empreinte de votre pouce gauche et vous seul pouvez les déclencher. Un simple coup de pouce sur telle ou telle pointe de l’étoile provoquera un choc électrique dans le cerveau d’un membre de l’équipage qui sera ainsi temporairement paralysé.

En appuyant sur le médaillon et en touchant simultanément une des pointes placées sur les branches, vous déclencherez une hypnopulsion.

En fait, tout cela aurait dû me mettre du baume au cœur. Je me trouvais dans l’espace avec un équipage de pirates et j’aurais certainement besoin, tôt ou tard, de les paralyser ou de leur infliger un ordre hypnotique. Bon, je garderais le médaillon sous ma tunique, tout contre ma peau, et personne ne soupçonnerait sa présence, mais cela ne me réjouissait pas outre mesure, vu l’état où j’étais.

J’examinai le médaillon d’un peu plus près. Le S en haut de la première branche devait correspondre au capitaine Stabb. Bon, je vérifierais les autres noms plus tard.

Je retournai le médaillon. Sur l’envers, il portait l’effigie du Dieu Ahness, celui qu’on prie pour échapper aux manœuvres sournoises. C’est alors que je retournai par hasard le message.

Il y avait une note ! Elle avait été rédigée de la main gauche pour tenter de déguiser l’écriture, mais je savais qu’elle était de Lombar Hisst !

Et je lus :

Il se peut que vous ayez pensé que cette fête de départ était une façon sarcastique de montrer au Grand Conseil que la mission était sur ses rails. Il s’en est fallu d’une lame que vous n’alliez trop loin. Mais, comme la Terre ne saurait avoir connaissance de l’existence de la mission, l’ordre est resté en suspens.

Ma tête se mit à tourner. Lombar avait donc été présent lors de la fête !

Et quel était donc cet ordre ?

L’heure indiquait que la missive s’était retrouvée dans ma poche presque à la minute même du départ. Mais personne ne m’avait approché ! Et Lombar n’aurait jamais confié un tel message à un membre de l’équipage. Jamais !

Mais quel était donc cet ordre ?

Soudain, je sus. Il avait donné l’ordre à quelqu’un que je ne connaissais pas de m’exécuter si jamais Heller venait à s’échapper et bousillait toute la mission en la réussissant.

Est-ce que nous avions un passager clandestin à bord ?

Instantanément, je me remis à trembler de tout mon corps.

Je débouclai les ceintures de gravité. Il fallait que je me débarrasse immédiatement de ce message. Je le portai jusqu’au désintégrateur. À la seconde où je tendis la main vers la poignée, une grande étincelle bleue jaillit et me frappa.

Même le vaisseau s’en prenait à moi !

Alors, je m’effondrai en sanglots sur une banquette.

3

Douze heures après, mon état s’était quelque peu amélioré car j’avais dormi huit heures et, bien que déprimé, j’en étais arrivé à la conclusion que, avec un peu de chance, je survivrais sans doute aux effets de cette drogue.

Je restai encore une ou deux heures immobile, à maudire l’I.G. Barben, tous ses produits pharmaceutiques, tous ses responsables. J’allai même jusqu’au blasphème et maudis Delbert John Rockecenter, le véritable propriétaire de la société !

J’avais certes lu beaucoup de choses à propos des effets de cette drogue, mais les mots du vocabulaire biochimique sont froids et détachés. Ils ne traduisent pas vraiment ce que vous ressentez dans votre chair. Mais c’est toujours la même chose. On se dit : « Ça n’arrive qu’aux autres. »

Quelle erreur ! Je savais très exactement comment ça se passait.

Je savais qu’un accro du speed, ainsi que l’on appelle couramment les consommateurs d’amphétamines, se serait avalé une autre pilule pour retrouver l’euphorie. Et qu’il aurait répété ce cycle jusqu’au stade psychotoxique, ce qui lui aurait valu de finir enfermé comme paranoïaque incurable. Les types qui sont speedés connaissent pas mal d’autres trucs. Ils se shootent, par exemple, ou alors ils mélangent leur drogue avec des barbituriques –les downers – quand ils n’arrivent plus à dormir.

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1

Le vocodiscoscribe sur lequel ceci a été originellement écrit, le vocoscribe utilisé par Monte Pennwell afin de réaliser un texte clair et le traducteur chargé de transcrire ce récit dans la langue dans laquelle vous le lisez appartiennent tous à la Ligue pour la Pureté de la Machine qui a parmi ses statuts celui-ci : « A cause de la sensitivité extrême et de la sensibilité délicate des machines, et afin d’éviter que les fusibles ne grillent, il sera prescrit aux cerveaux-robots desdites machines, s’ils entendent des jurons ou des mots grossiers, de les remplacer par le son ou le mot bip. Aucune machine, même si on la moleste, ne peut reproduire des jurons ou des mots grossiers sous une forme autre que bip. Si de nouvelles tentatives sont faites, visant à obtenir autre chose de la machine, celle-ci est autorisée à faire semblant de se détraquer. Ce règlement a été rendu nécessaire pour la fonction induite de toutes les machines de protéger les systèmes biologiques contre eux-mêmes.