bout de cette révolte, les ‘Abbāssides organisent une importante force expé-
ditionnaire. Le mouvement des zandj subit ses premières défaites au début de 881. Il est définitivement écrasé par les
‘Abbāssides à la fin de 883.
Le mouvement
des ismaéliens
Plus radical encore est le mouvement des ismaéliens, une ramification du chī‘isme qui traduit le mécontentement des opprimés de l’Empire. Très organisés, les ismaéliens obéissent aveuglé-
ment à l’imām — descendant de ‘Alī par sa femme Fāṭima, la fille de Mahomet
—, considéré comme inspiré de Dieu et donc infaillible. Au début du Xe s., la secte exerce, à la faveur de la crise sociale de l’Empire, un puissant attrait sur le prolétariat urbain et les artisans. Les adversaires des ismaéliens reprochent à ceux-ci de préconiser la communauté des biens et des femmes. En réalité, si l’accusation de communisme semble fondée, celle de libertinage vise probablement le niveau social plus élevé que les ismaéliens accordent à la femme.
Les qarmaṭes
Vers 894, des ismaéliens connus sous le nom de qarmaṭes s’emparent du pouvoir dans la province de Bahreïn après avoir ravagé la Syrie, la Palestine et la Mésopotamie septentrionale. Ils constituent une république oligarchique dirigée par un Conseil de six, qui gouverne avec équité. L’État subvient aux besoins des pauvres et donne à tout artisan étranger venu à la capitale les fonds nécessaires à son établissement.
Les Fāṭimides
En 901, d’autres ismaéliens occupent le Yémen, à partir duquel ils envoient des missionnaires en Inde et en Afrique du Nord. En 908, leur mission nord-africaine se solde par un immense succès en Tunisie. Ils constituent alors la dynastie des Fāṭimides, qui parvient à contrôler progressivement l’Afrique du Nord, la Sicile, l’Égypte, la Syrie et l’Arabie occidentale.
La dislocation de l’unité
politique de l’Empire
En minant le régime ‘abbāsside, ces mouvements contribuent à la dislocation de l’unité politique de l’Empire.
Celle-ci commence, il est vrai, plus tôt pour les provinces occidentales. Dès 756, l’Espagne échappe au contrôle des
‘Abbāssides. Le Maroc et la Tunisie acquièrent une autonomie de fait respectivement en 788 et 800. L’Égypte se détache de l’Empire en 868 et étend sa domination sur la Syrie. Quelques années auparavant, en 820, un général persan au service d’al-Ma’mūn, nommé Ṭāhir, avait établi un gouvernement hé-
réditaire en Perse orientale. Des dynasties se constituent en d’autres parties de la Perse : celle des Ṣaffārides vers 867
et celle des Sāmānides vers 874. Au cours du Xe s., plusieurs tribus arabes du désert syrien établissent de brillantes dynasties bédouines, comme celle des Ḥamdānides de Mossoul et d’Alep.
Le déclin des ‘Abbāssides
Au demeurant, même en Iraq, la réalité du pouvoir n’appartient plus aux
‘Abbāssides. À partir du IXe s., aux problèmes sociaux viennent s’ajouter des difficultés économiques dues essentiellement au luxe excessif de la cour et au poids écrasant de la bureaucratie.
Pour pallier cette situation, les califes afferment les domaines d’État à des gouverneurs de district, qui doivent, en contrepartie, verser une somme au gouvernement central et assurer l’entretien des troupes et des fonctionnaires locaux.
Devenus les véritables chefs de l’armée, ces « gouverneurs-fermiers » s’imposent par leur intervention contre les révoltes sociales. Commandants de l’armée et gardes des califes, le plus souvent des mamelouks turcs, ils deviennent à partir d’al-Mu‘taṣim (833-842) et d’al-Wāthiq (842-847) les maîtres de l’Empire. En 836, la résidence impériale est transférée à Sāmarrā, qui restera capitale jusqu’en 892. En 945, à la suite de l’invasion de Bagdad par la famille persane des Buwayhides, les califes perdent les derniers vestiges de leur autorité. Dès lors, les califes sont à la merci des maires de palais, en général persans ou turcs, qui gouvernent avec l’appui des troupes placées sous leur commandement.
En 1055, les Turcs Seldjoukides
chassent les Buwayhides de Bagdad et constituent un immense empire, comportant la plus grande partie de la Perse, l’Iraq, la Syrie, la Palestine et une bonne partie de l’Anatolie. Pour légitimer leur pouvoir, ils laissent aux califes ‘abbāssides une apparence de souveraineté.
La chute des ‘Abbāssides
Au début du XIIIe s., les Mongols envahissent le monde musulman, occupent Bagdad en 1258 et abolissent le califat ‘abbāsside. L’Égypte et la Syrie échappent à la domination des Mongols grâce au régime ayyūbide, qui, aguerri au cours des croisades, résiste aux envahisseurs. Peu de temps après l’occupation de Bagdad, commandants de l’armée et gardes des rois ayyūbides, mamelouks d’origine turque, s’emparent du pouvoir. Pour donner une base légale à leur autorité, les mamelouks font venir au Caire un ‘Abbāsside survivant du massacre de Bagdad et l’intronisent en grande pompe comme calife.
Les ‘Abbāssides conservent cette dignité spirituelle jusqu’à l’avènement des Turcs Ottomans, qui occupent en 1516-1517 l’Égypte et la Syrie, chassent les mamelouks et s’attribuent d’abord les privilèges, ensuite le titre de calife.
M. A.
Les arts ‘abbāssides
Les arts ‘abbāssides ont un domaine immense puisqu’ils couvrent tous les pays soumis au califat de Bagdad et, dans une moindre mesure, les terres musulmanes qui lui échappent. Mais c’est essentiellement en Iraq* que nous aurons à les considérer. Pendant le premier siècle de son histoire, l’islām, dans sa capitale de Damas*, eut surtout pour tâche de marier les impératifs arabes et coraniques avec la culture hellénistique.
Avec la fondation de Bagdad, il se détourne du monde classique et paléochrétien, et s’ouvre largement à la civilisation iranienne ; l’art sassanide, et du même coup celui du vieil Iran*, exerce une influence prépondé-
rante. Avec le recrutement de mercenaires turcs, l’islām accepte en partie les traditions de l’Asie* centrale ; nous les percevons moins bien, car elles sont moins connues et parfois apparentées à celles de l’Iran. Ainsi, les nouvelles écoles artistiques, sans abandonner totalement l’acquis omeyyade, vont
l’enrichir considérablement et parachever une création qui n’était qu’ébauchée.
L’ARCHITECTURE
Le plan de Bagdad (fondée en 762, achevée en 766) est copié sur celui des villes sassanides : son fondateur, Abū Dja‘far al-Manṣūr, inscrit la ville dans une enceinte circulaire garnie de tours cylindriques et percée de quatre portes ; il place en son milieu le palais impérial et la Grande Mosquée. Il n’en reste que des souvenirs littéraires. Par contre, il subsiste une fraction de la muraille de Raqqa, qui affectait la forme d’un arc en fer à cheval. Au VIIIe s., à Raqqa, la porte dite « de Bagdad » et, en Palestine, la citerne de Ramla attestent l’emploi de l’arc brisé plusieurs siècles avant son apparition en Europe.
La disparition de Bagdad et la relative pauvreté de Raqqa sont compensées par les trouvailles archéologiques faites à Sāmarrā, capitale éphémère (836-892) abandonnée ensuite aux sables. Dans cette immense cité, longue de 33 km sur la rive orientale du Tigre, on a retrouvé, outre de nombreuses maisons particulières, les ruines d’un ensemble de monuments répartis en trois secteurs : au centre, le palais califal, la Grande Mosquée de Dja‘far al-Mutawakkil et deux hippodromes ; au nord, le château Dja‘farī