et la mosquée d’Abū Dulaf ; au sud, un autre palais, le mieux conservé de Sāmarrā, le Balkuwārā. Sur la rive ouest, plusieurs autres palais avaient été édifiés (Qaṣr al-‘Āchiq), ainsi qu’un tombeau monumental, le Qubbat al-Ṣulaybiyya.
Sāmarrā, comme Bagdad et Raqqa, était construite en briques cuites ou crues. L’emploi systématique de ce matériau non seulement pour les murs, mais encore pour les piles, substituées aux colonnes, et pour les couvertures allait favoriser les voûtes, qui étaient connues en Syrie*, mais dont l’Iran offrait un plus complet échantillonnage.
Parmi les diverses voûtes utilisées, dont la coupole, celle dont l’emprunt fut le plus heureux et le plus retentissant est l’iwān, vaste salle en berceau fermée de trois côtés et tout ouverte du quatrième sur l’extérieur.
Le palais de Ctésiphon en offrait un magnifique exemple, qui allait être repris dans les palais de Sāmarrā. Ce n’est pas le seul emprunt de l’art palatial sāmarrien à l’art palatial sassanide. À 120 km au sud-ouest de Bagdad, le château d’Ukhayḍir, mis en chantier vers 778, ruine de grande allure, est plus caractéristique de l’art nouveau par la
grande variété de ses voûtages, dont ceux de l’iwān, par ses installations défensives entièrement neuves que par son plan, qui suit encore celui des édifices omeyyades.
C’est encore aux portes des châteaux que, pour la première fois, on utilise les stalactites pour équilibrer les poussées : cette méthode fera fortune dans tout l’islām. La Grande Mosquée de Sāmarrā, reconstruite par al-Mutawakkil à partir de 848-849, et la Grande Mosquée de Raqqa, fondée en 772, ont leurs salles de prières agencées selon le modèle établi sous les Omeyyades, à Kūfa, mais déjà inspirées par la salle hypostyle des apadânas achéménides : une forêt de piles supportent directement le plafond, sans intervention de l’arc. À Sāmarrā, la Grande Mosquée, qui forme un rectangle de 260 × 180 m, lui-même entouré — comme le prouvent les photos aériennes — d’une autre enceinte près de quatre fois plus vaste, est le plus downloadModeText.vue.download 16 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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grand sanctuaire qui fut jamais construit en islām. Il n’en reste que les murailles, épaisses de 2,65 m et hautes de 10,50 m, renforcées de tours semi-circulaires, et le célèbre minaret, la Malwiyya, construit à proximité d’elles et recopié quelques années plus tard à la mosquée d’Abū Dulaf. Ce minaret est une tour au noyau cylindrique entouré d’une rampe en hélice, dont la masse diminue de la base au sommet. On s’accorde en général à le dire dérivé des ziggourats mésopotamiennes (v. Mésopotamie). Son rôle architectural fut considérable, car il permit d’échapper au seul modèle des minarets sur plan carré, inspiré des clochers syriens. Quand Aḥmad ibn Ṭūlūn, fils d’un mercenaire turc de Sāmarrā et gouverneur d’Égypte, veut, en 876, construire à Fusṭāṭ
(Le Caire) une nouvelle mosquée, il pense à celle d’al-Mutawakkil. L’oratoire qu’il fait édifier, un des plus beaux d’Égypte*, donne, en pierre, une version aménagée de la Malwiyya. Très différente de conception est la sainte mosquée al-Aqṣā de Jérusalem*, dont la partie subsistante la plus ancienne serait, selon plusieurs archéologues, d’époque
‘abbāsside. Avant les transformations qu’elle subit au Moyen Âge, elle comprenait une nef centrale flanquée de quatorze nefs plus étroites sous toits à pignons. Ce plan semble d’inspiration omeyyade. Le Qubbat al-Ṣulaybiyya de Sāmarrā, malgré les anté-
cédents qu’on a voulu lui trouver, apparaît comme le premier mausolée édifié en islām, et l’on comprend l’importance qu’il revêt de ce fait, puisque, dans la suite des temps, l’art funéraire, nonobstant les prescriptions religieuses, ne cessera de se développer.
C’est une construction octogonale dans laquelle se trouve emboîté un second octogone entouré d’un couloir. Si ce plan porte nettement la marque de son origine paléochrétienne (martyrium syro-palestinien), il ne semble pas exclu que les coutumes funé-
raires turques aient pu être responsables de l’érection du bâtiment.
LE DÉCOR
Comme l’architecture, le décor subit sous les ‘Abbāssides une évolution radicale. Tandis que, chez les Omeyyades, il était sculpté à même la pierre, il est désormais en stuc et plaqué sur des murs de brique dont il recouvre toutes les parties basses, alors qu’au-dessus s’alignent des niches où se développent des compositions peintes. Bien que stucs et plâtres aient été retrouvés aussi à al-Ḥīra (en Iraq), à Bukhārā (Boukhara), plus tard à Bālis (en Syrie), etc., Sāmarrā permet d’étudier l’évolution du style et de distinguer, assez sommairement, trois écoles.
Dans la plus ancienne, le décor est moulé, et son thème principal demeure le rinceau de feuilles de vigne à cinq lobes. Dans la deuxième, le rinceau disparaît, et la feuille fait place à un bourgeon. Dans la troisième, les stucs sont sculptés ou moulés, le relief s’amenuise, et les bords des tracés sont adoucis par la taille oblique : on a suggéré que cette technique, qu’on retrouve d’ailleurs employée dans la pierre et surtout le bois, avait été importée d’Asie centrale. Elle fleurira en Égypte ṭūlūnide, province aver-tie de l’art ‘abbāsside. Les oeuvres sculptées
‘abbāssides peuvent sembler monotones, mais leur beauté réside dans le mouvement, la largeur et la vigueur du dessin. Elles annoncent par ailleurs, d’une certaine façon, l’arabesque, qui ne sera pleinement réalisée qu’au XIe s. On la pressent sur la chaire à prêcher (minbar) de la grande mosquée Sīdī
‘Uqba de Kairouan* (862-863), fabriquée, en bois de teck, dans les ateliers de Bagdad.
La peinture de Sāmarrā a beaucoup souffert de l’usure des siècles et au cours de la Seconde Guerre mondiale ; nous la connaissons surtout par d’anciens relevés. Les peintres ‘abbāssides choisissent en général des sujets semblables à ceux des peintres
omeyyades : femmes drapées, danseuses au torse nu, scènes de chasse, califes en majesté, soldats et animaux. En revanche, ils les traitent d’une manière toute différente.
La structure symétrique de la composition, l’immobilisme des personnages cernés par de vigoureux traits noirs, l’absence de modelé, les visages et les parures portent la marque sassanide. Les couleurs gréco-romaines cèdent la place aux tons plus crus de l’Iran. Cet art de cour trouvera un écho dans les églises arméniennes (v. Arménie), en Sicile* arabo-normande et, plus tard, dans les palais d’Afghānistān*.
LES ARTS MINEURS
Les traditions iraniennes ont été si tenaces que, pendant longtemps, les spécialistes éprouvèrent des difficultés à attribuer les objets d’art mobilier des premiers siècles
‘abbāssides à l’islām ou aux Sassanides.
Nous y voyons maintenant plus clair. Dans une production importante et variée, nous devons mentionner les verres, les cuivres, les bronzes et les argents, traités de la même façon, le métal étant fondu en relief et son décor estampé ou repoussé, ainsi que les tissus et les céramiques. Sur tous ces objets n’a pas tardé à se manifester, à côté de l’influence iranienne, celle de l’Extrême-Orient, surtout au Khurāsān et au Turkestan.
On trouve un reflet des modèles chinois contemporains dans les aquamaniles, les fontaines, les brûle-parfum de métal. Même influence sur les tissus malgré les manufactures officielles (ṭirāz) : il faudra plusieurs siècles pour que le génie islamique s’en libère totalement. Le fragment de soie iranienne, connu sous le nom de « suaire de Saint-Josse » (Louvre, Xe s.), pris parmi des centaines d’autres, fournit un splendide exemple, avec ses grands éléphants qui se détachent en clair sur un fond rouge, de la permanence de l’Iran. Tributaires aussi de la Perse et de la Chine, les céramistes se révèlent vite doués de dons exceptionnels et variés : des objets divers, réalisés avec toutes les techniques de l’art de la terre, voisinent avec les plaques de revêtement mural. Les ateliers de Bagdad fabriquent et exportent les plus belles pour parer le miḥrāb de la mosquée de Kairouan*. La découverte géniale des potiers ‘abbāssides est la céramique à lustre métallique obtenue au moyen d’oxyde de cuivre ou d’argent qui donne aux pièces un reflet doré ; on la rencontre dans tous les grands chantiers de fouilles : à Sāmarrā, à Suse, à Rages, à Raqqa,