‘Azīz ibn Sa‘ūd. Mais les vexations et les persécutions exercées par Ḥusayn contre les wahhābites du Hedjaz ne sont pas sans irriter les ikhwān. ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd détourne la colère de l’armée contre les Rachīdites. En 1921, il les chasse définitivement de Ḥā’il et intègre le territoire du Chammar à son royaume. À la fin de la guerre, le royaume de ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd se trouve encerclé par les Hāchémites, installés non seulement au Hedjaz, mais aussi en Iraq et en Jordanie, et qui, de surcroît, jouissent de la protection de la Grande-Bretagne. Dans ces conditions, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd ne peut
pas poursuivre la conquête de l’Arabie.
L’occupation
du Hedjaz et du ‘Asīr,
et la proclamation de
l’Arabie Saoudite
En 1924, profitant de la réduction des troupes anglaises au Moyen-Orient et de la détérioration des rapports de Ḥusayn avec ses protecteurs, ‘Abd al-
‘Azīz ibn Sa‘ūd entre à La Mecque. En janvier 1926, la conquête du Hedjaz étant achevée, il est proclamé roi de ce territoire. Après le Hedjaz, il occupe le
‘Asīr et se dirige vers le Yémen. Mais les Anglais s’opposent à l’occupation de ce pays, qui est un glacis pour Aden, escale importante sur la route maritime des Indes et possession britannique depuis 1839. Pour éviter des difficultés avec l’Angleterre, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd se désintéresse non seulement du Yémen, mais aussi de l’Hadramaout, de l’Oman, de l’Abū Ẓabī, du Qaṭar, etc. En échange, son autorité est reconnue sur le Hedjaz et le ‘Asīr. En 1932, il réunit à Riyāḍ une « Assemblée générale des pays arabes », où toutes les tribus et les villes du royaume sont représentées, et proclame la fusion du Nadjd, du Ḥasā, de Ḥā’il, du Hedjaz et du ‘Asīr en un seul et même État, l’Arabie Saoudite, dont il devient le premier souverain.
De cet immense territoire, le roi se propose de faire une nation moderne.
Il lui faut tout d’abord rétablir l’ordre au Hedjaz, afin d’assurer la sécurité des pèlerins. Pour cela, il applique une législation draconienne fondée sur la peine du talion. Une fois l’ordre public rétabli, il se préoccupe des conditions dans lesquelles s’effectuent les pèlerinages. Il assure la propreté et l’hygiène des villes saintes, et institue des conseils municipaux dans les principales villes du Hedjaz. Il est vrai que les taxes préle-vées sur les pèlerins constituent l’essentiel des ressources de l’État.
La modernisation des
institutions politiques
Parallèlement, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd entreprend de doter le pays d’institutions modernes. Il décide de nommer des ministres responsables à la tête de départements spécialisés. Faute
de cadres compétents, il n’hésite pas, pour assurer la bonne marche de ces ministères, à faire appel à des Arabes d’Égypte, de Palestine, de Syrie, du Liban, d’Iraq et de Transjordanie. Il se réserve l’administration des ikhwān, qu’il dote d’armes modernes et d’ins-tructeurs européens.
Cette politique provoque l’hostilité des ulémas (docteurs de la loi), opposés à toute innovation et à toute modernisation.
Le développement
de l’agriculture
Mais, pour le roi, le véritable handicap à la modernisation réside dans la pauvreté du pays. Très vite, il entreprend de promouvoir son développement économique. Il faut pour cela résoudre le problème de l’eau, essentiel dans un pays composé en majeure partie de déserts. ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd fait appel à des hydrographes américains, dont les forages permettent la découverte d’importantes réserves d’eau. Cela, ajouté à la downloadModeText.vue.download 19 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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réfection de puits abandonnés et à la construction d’aqueducs et de canaux à travers le désert, favorise le développement de l’agriculture. Pour mieux exploiter les ressources du pays, le roi fait venir des ingénieurs agronomes des États-Unis et multiplie les colonies agricoles.
Le pétrole et
les compagnies
américaines
En 1930, des prospecteurs américains découvrent dans le Ḥasā d’importantes nappes de pétrole. Le pays est alors convoité par les grandes puissances étrangères, et son histoire se confond désormais avec celle du pétrole au Moyen-Orient. Le roi n’accepte pas de vendre son territoire, mais consent à le louer pour une durée limitée à une compagnie américaine, la Gulf Oil
Company, qui lui verse immédiatement 250 000 dollars et s’engage à lui garantir dans l’avenir une redevance de 18 cents par baril de pétrole exporté d’Arabie. En 1933, la Gulf Oil Company vend sa concession à une autre société américaine, la Standard Oil de Californie, qui s’associe, en 1936, à la Texas Oil pour fonder l’Arabian Oil Company. Pour tenir tête à la concurrence des trusts pétroliers anglais du Moyen-Orient, la nouvelle compagnie prend énergiquement en main l’exploitation du Ḥasā. Aussi, la production du pétrole passe-t-elle de 8 000 t en 1937
à 700 000 t en 1940 et 12 300 000 t en 1947.
En 1945, au cours d’une entrevue
avec Roosevelt, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd accepte d’autoriser l’installation d’une base américaine sur la côte du Ḥasā et d’accorder aux États-Unis le monopole de l’exploitation du pétrole en Arabie Saoudite. L’Arabian Oil Company re-
çoit, pour une période de soixante ans, une nouvelle concession qui s’étend sur un territoire couvrant 1 500 000 km 2.
Et le roi consent à la construction d’un gigantesque pipe-line long de 1 750 km
— le Trans-Arabian Pipeline (Tapline)
— destiné à relier le bassin pétrolifère du Ḥasā à un port de la Méditerranée orientale, Ṣaydā (Liban). À la fin de 1946, la Standard Oil de Californie et la Texas Oil offrent, sous la pression du gouvernement américain, à la Standard Oil de New Jersey et à la Socony Vacuum une participation de 40 p. 100
dans l’Arabian American Oil Company (Aramco), qui succède à l’Arabian Oil Company. Cette compagnie, qui comprend désormais les groupes financiers les plus puissants des États-Unis, entreprend une exploitation intense du Ḥasā.
La production du pétrole double entre 1947 et 1950.
Le développement
des moyens
de communication
Le pétrole devient la ressource principale de l’Arabie Saoudite. Les primes versées par l’Aramco à ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd dans les dernières années de sa vie s’élèvent à 160 millions de dollars par an. L’État dispose désormais
des fonds qui doivent permettre de doter le pays de moyens de communication, essentiels pour lutter contre le morcellement féodal et pour faire de l’Arabie Saoudite une entité économique. Le roi établit un plan prévoyant la construction, en vingt ans, de 43 000 km de routes.
Parallèlement, il s’acharne à construire des voies ferrées à travers le désert. En octobre 1951, le chemin de fer reliant Riyāḍ à Dammām est terminé. Enhardi par ce succès, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd projette la construction d’un « transara-bien », voie ferrée de 1 100 km destinée à relier la mer Rouge au littoral arabe du golfe Persique.
Ces travaux ajoutés à ceux de
l’Aramco et aux diverses activités créées autour du pétrole provoquent une prolétarisation et une sédentarisation d’une partie de la population, qui passe en peu de temps d’une économie patriarcale à une économie
moderne.
En 1953, à la mort du roi, l’Arabie Saoudite n’est plus une poussière de tribus, mais une nation où se côtoient deux forces apparemment contradictoires : le wahhābisme, qui rattache fortement le pays au passé, et l’Aramco, qui le force, par la transformation des structures économiques et sociales, à s’ouvrir au monde capitaliste.