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À quelque distance, la reine se pose sur une branche et l’ensemble des ouvrières se suspend avec elle, formant l’essaim, grappe grouillante, mais où les insectes ont perdu momentanément le réflexe défensif de piqûre ; c’est ce qui explique que la cueillette de l’essaim offre peu de dangers et que l’homme ait pu domestiquer l’abeille.

Si l’essaim est laissé à lui-même, au bout de quelques heures ou de quelques jours il quitte l’endroit où il s’est posé, gagne un lieu abrité, par exemple un arbre creux, et s’y installe. La découverte d’un endroit propice a été faite par des ouvrières envoyées en éclaireuses dans différentes directions, tandis que l’essaim était posé ; en revenant près de lui, elles indiquent par une certaine manière de voler le résultat de leur recherche ; d’après les renseignements ainsi fournis, il semble que la reine opte pour l’un des abris et y entraîne l’essaim.

La construction

des rayons

Lorsque l’essaim s’installe dans un nouveau gîte, il y édifie bientôt des rayons verticaux, garnis sur chaque face d’al-véoles hexagonaux d’une admirable ré-

gularité, le tout avec la cire produite par les glandes abdominales des ouvrières.

Dans la nature, l’Abeille établit son nid dans des creux d’arbres ou de rochers, parfois en plein air. Dans les ruches artificielles, on lui fournit des cadres de bois, sur lesquels on peut suivre les progrès de la construction.

Celle-ci se fait toujours du haut vers le bas ; plusieurs rayons sont édifiés en même temps, laissant entre eux un écartement fixe de 7 à 8 mm. Un décimètre carré de rayon porte 850 alvéoles sur ses deux faces (625 seulement lorsqu’il s’agit de cellules destinées aux oeufs non fécondés) ; quant aux loges des

futures reines, elles sont beaucoup plus grandes et disposées différemment, plaquées contre le rayon, avec l’ouverture vers le bas.

Si chaque Abeille cirière prélève par les pinces de ses pattes postérieures les petites lamelles de cire qu’elle produit et si elle les malaxe de ses mandibules, la construction des rayons n’en est pas moins un acte éminemment

social ; agrippées les unes aux autres par les pattes, des ouvrières forment de curieuses chaînes, suspendues d’un rayon à l’autre ; sur ces passerelles vivantes, d’autres ouvrières circulent, puis façonnent et déposent la cire, d’une manière qui nous paraît désordonnée et, rappelons-le, dans l’obscurité complète ; on reste étonné de la perfection du travail réalisé !

Les ouvrières récoltent parfois sur les peupliers, les marronniers une sorte de gomme à laquelle elles ajoutent de la cire ; le produit obtenu, la propolis, permet d’isoler la ruche, de boucher les fissures, de recouvrir le cadavre de gros prédateurs, trop lourds pour être évacués.

Les échanges par

voie orale :

trophallaxie, léchage

Lorsqu’une butineuse revient le jabot gonflé de nectar, elle régurgite sa ré-

colte, nous l’avons vu, sur la langue d’une ouvrière restée au nid, et le liquide passe d’ouvrière en ouvrière avant d’être déposé dans une cellule. Cela ne repré-

sente qu’un cas particulier des échanges de nourriture, ou trophallaxie, qui s’observent chez tous les insectes sociaux et jouent un rôle fondamental dans la cohé-

sion de la société.

Si l’on fait boire à quelques ou-

vrières un sirop auquel on a ajouté une substance radio-active marqueuse, on constate que, le lendemain, 70 p. 100

des ouvrières de la ruche sont mar-quées ; cette répartition extrêmement rapide laisse supposer que des informations peuvent être transmises à toute la population par voie orale, mais nous ignorons encore souvent la nature et l’importance des messages ainsi diffusés.

Un cas, cependant, mérite d’être signalé, car il précise les rapports entre la reine et les ouvrières. Par ses glandes mandibulaires, la reine produit une substance très active, la phérormone, qu’elle transmet aux ouvrières, qui lèchent continuellement ses téguments ; ce véritable médiateur chimique inhibe le développement de leurs ovaires et les maintient dans un état de castration prolongé ; il empêche aussi l’édification des cellules royales. On pense que, lorsque la ruche est trop peuplée, la production de phérormone est arrêtée, ce qui permet la construction de loges royales, prélude à l’essaimage.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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Le langage des attitudes

et des mouvements :

les danses

En installant une paroi vitrée sur le côté d’une ruche, on peut observer l’activité qui y règne. De prime abord, on retire plutôt l’impression d’un grouillement confus. C’est le mérite de K. von Frisch d’avoir su y déceler — avec quelle patience ! — un langage précis, permettant à une butineuse qui vient de découvrir une source de nourriture de prévenir ses congénères de sa position et de son abondance. Il marquait à l’aide de gouttelettes de peinture le dos d’une ouvrière pendant qu’elle buvait un sirop, puis examinait son comportement au retour dans la ruche.

Si la source sucrée est située à moins de 50 m, la butineuse exécute sur un rayon une trajectoire circulaire, en changeant de sens à chaque tour ; les ouvrières les plus proches la suivent dans sa ronde et repèrent l’odeur de la source apportée par la butineuse ; alertées, elles quittent la ruche dans toutes les directions, mais restent dans ses environs ; elles ont de fortes chances de retrouver la source d’origine et, en plus, d’en découvrir d’autres de même odeur, ce qui sera avantageux s’il s’agit des sources florales habituelles.

Si la source est éloignée, la décou-

vreuse exécute des danses plus complexes et plus riches de renseignements ; elle parcourt un cercle et l’un de ses diamètres ; celui-ci fait un angle déterminé avec la verticale, et cet angle est égal à celui que fait la direction de la source avec le Soleil ; lorsque l’Abeille parcourt le diamètre, son abdomen est animé de mouvements frétillants (d’où le nom de danse frétillante) ; la durée du frétillement ou encore le rythme de la danse fournissent une appréciation de la distance (10 tours en 15 secondes pour une distance de 100 m ; 6 tours en 15 secondes pour 500 m).

Les Abeilles n’apprécient cependant pas la distance en valeur absolue, mais expriment l’effort à produire pour la parcourir : si le vent souffle, les distances sont surestimées d’autant.

Les messages transmis par des danses s’accompagnent d’émissions sonores pendant le trajet diamétral ; la durée de l’émission serait en rapport avec la distance de la source, et la fréquence des pulsations sonores avec son abondance.

Le langage des odeurs

Les antennes sont couvertes de terminaisons olfactives, et l’on a déjà signalé l’intervention d’odeurs dans telle ou telle activité de la ruche : la butineuse marque sa découverte par l’émission odorante de l’organe de Nasanoff ; elle revient à la ruche imprégnée des odeurs florales des sources prospectées. Il semble par ailleurs que chaque société ait une odeur propre : une Abeille étrangère est vite reconnue et chassée, après avoir été parfois débarrassée des provisions qu’elle transporte ; mais n’est-elle pas décelée autant par son comportement, sa posture que par son odeur ?

La régulation thermique

En été, la température de la ruche est remarquablement stable et comprise entre 33 °C et 36 °C ; même de violents chocs thermiques (par exemple des oscillations entre 4 °C et 37 °C pendant la même journée) ne la font pas varier ; avec Chauvin, on peut dire qu’à l’état groupé l’Abeille est un véritable homéotherme.

Cette régulation est un phénomène social. La lutte contre l’échauffement est fréquente en été, car les causes d’élé-

vation de température abondent (soleil, surpopulation, activité maximale) et pensables : messages olfactifs, tactiles, visuels, sonores, nutritifs constituent un éventail de processus d’échange indispensables à chaque individu et encore très incomplètement connus.