À la suite de Maeterlinck, on a vanté la perfection d’ensemble des régula-tions dans la ruche et l’harmonieux équilibre qui apparaît dans ce que certains appellent un super-organisme.
Pourtant, dans le détail, l’activité d’une ouvrière manifeste des hésitations, des retouches, des illogismes. Ces deux aspects, global et individuel, du comportement paraissent contradictoires, mais une approche probabiliste du fonctionnement de la ruche pourrait les concilier. Ils laissent entendre, par ailleurs, que le comportement de l’Abeille n’est pas stéréotypé et immuable, mais qu’il peut s’adapter à des situations nouvelles, signe d’un psychisme élevé pour des insectes.
L’Abeille et l’homme
Des dessins préhistoriques montrent la récolte de miel ; les Égyptiens avaient domestiqué l’Abeille. L’exploitation de l’Abeille par l’homme remonte donc à la plus haute antiquité ; l’apiculture*
actuelle bénéficie autant de l’héritage de générations qui, souvent par empirisme, ont appris à tirer le meilleur parti de l’Hyménoptère que des recherches les plus récentes. L’homme utilise la cire, le miel, la gelée royale ; mais le bénéfice le plus précieux que l’Abeille lui procure réside sans doute dans la pollinisation des plantes qu’il cultive.
Abeille, Abeilles :
les Apoïdes
On désigne souvent sous le nom géné-
ral d’Abeille tout représentant de la famille des Apidés, et même de la superfamille des Apoïdes (Hyménoptères aculéates). Tous les Apoïdes partagent avec l’Abeille domestique la caractéristique de récolter à la fois du nectar et du pollen, dont ils nourrissent les larves, ce qui les distingue de tous les autres Hyménoptères. On les appelle aussi
Mellifères.
On en compte 20 000 espèces, dont un millier en France. Le groupe réunit des formes solitaires et des formes sociales, et on peut y observer divers aspects de vie collective : sociétés plus ou moins peuplées (de 2 000 individus chez les Bourdons à 100 000 chez Apis mellifica), sociétés annuelles ou pérennes, monogynie stricte ou transitoire. Certaines espèces parasitent d’autres Abeilles et ressemblent parfois tellement à leur hôte que la distinction est difficile, comme entre Psithyrus et Bombus.
Les Abeilles inférieures ont une
langue courte et un appareil de récolte du pollen peu différencié ; elles font dans le sol des nids simples, à base de terre. Chez les Mégachilidés, l’appareil collecteur de pollen est plus diffé-
rencié et le nid souvent bien façonné (« Abeilles maçonnes »). Chez les Apidés, la langue est longue et la patte postérieure bien adaptée à la récolte et au transport du pollen ; le nid est varié et édifié en matériaux travaillés dans lesquels la cire entre pour une part plus ou moins importante.
M. D.
▶ Apiculture.
✐ M. Mathis, le Peuple des abeilles (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1941 ; 10e éd. 1968). / K.
von Frisch, Vie et moeurs des abeilles (A. Michel, 1955). / R. Chauvin (sous la dir. de), Traité de biologie de l’abeille (Masson, 1968 ; 5 vol.).
Abel
(Niels Henrik)
Mathématicien norvégien (Finnøy
1802 - Froland, près d’Arendal, 1829).
Fils et petit-fils de pasteurs, Abel est le second d’une famille nom-downloadModeText.vue.download 29 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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breuse où tous les enfants reçoivent leur première instruction de leur père ; mais, en 1815, Niels et son frère aîné
sont envoyés à l’école cathédrale de Christiania (Oslo). Un jeune professeur de mathématiques, B. M. Holm-boe (1795-1850), arrivé en 1817,
n’est pas long à découvrir le génie de Niels ; il restera toujours le confident et l’ami du mathématicien, et sera le premier éditeur de ses oeuvres complètes (1839). À la mort de son père, en 1820, Abel se trouve abandonné à lui-même, sa mère ne pouvant subvenir à ses besoins. Il ne vivra désormais que grâce à des bourses, à quelques répétitions et à des emprunts. En 1821, il entre à l’université de Christiania, créée depuis peu, et, en 1822, il obtient la licence en philosophie. Ses premières publications datent de 1823. En 1824, il fait imprimer à ses frais un court opuscule en français, Mémoire sur les équations algébriques, où l’on démontre l’impossibilité de la solution générale de l’équation du cinquième degré. En 1825, le gouvernement lui accorde une bourse de voyage de deux années. Malgré son désir, sa timidité l’empêche de visiter Gauss à Göttingen. Il connaît à Berlin A. L. Crelle (1780-1855), qui lance alors le célèbre périodique Journal für die reine und angewandte Mathematik. La collaboration d’Abel à la nouvelle revue est désormais constante, et Crelle envisage même de lui en confier la direction. Après un détour par Prague, Vienne et l’Italie, le jeune Norvégien fait un séjour de dix mois à Paris. Malheureusement, il ne rencontre pas auprès des mathématiciens, singulièrement auprès de Cauchy,
l’accueil qu’il escomptait. Son grand mémoire sur les intégrales abéliennes, présenté par le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences à la séance du 30 octobre 1826, ne sera publié qu’en 1841. Encore, le manuscrit original en sera-t-il égaré en la circonstance par Libri. Rentré en Norvège et n’obtenant toujours que des fonctions de suppléant ou de « docent », Abel n’en continue pas moins ses travaux. Il va enfin être nommé à l’université de Berlin avec son émule Jacobi, lorsqu’il est emporté par la tuberculose. L’Académie des sciences de Paris partagera le grand prix de mathématiques pour 1830 entre la mère d’Abel et Jacobi.
L’oeuvre d’Abel domine l’algèbre
et la théorie des fonctions. Son mé-
moire de 1824, repris dans le Journal de Crelle, établit l’impossibilité de résoudre par radicaux l’équation géné-
rale de degré cinq. En recherchant les caractéristiques des équations susceptibles d’une telle résolution, Abel traite en 1828 des équations abéliennes, dont le groupe est commutatif ou abélien.
La lecture des ouvrages de Cauchy,
« le seul qui sache traiter les mathématiques », l’avait conduit à l’étude des sé-
ries convergentes et particulièrement à la formule du binôme pour un exposant irrationnel. Les travaux de Le Gendre sur les intégrales elliptiques le mènent à deux découvertes où il se rencontre avec Jacobi. Le premier, il utilise le domaine des nombres complexes et s’intéresse aux fonctions inverses des intégrales, les fonctions elliptiques actuelles, dont il établit la double périodicité. Enfin, dans le mémoire présenté à Paris, il étudie les intégrales dites « abéliennes », pour lesquelles il établit un important théorème d’addition. Les fonctions inverses de ces intégrales seront ultérieurement appelées par Jacobi fonctions abéliennes.
J. I.
✐ C. A. Bjerknes, Niels Henrik Abel : tableau de sa vie et de son action scientifique (trad.
fr. ; Gauthier-Villars, 1885). / Ch. Lucas de Pesloüan, N. H. Abel (Gauthier-Villars, 1906).
/ O. Ore, Niels Henrik Abel (Bâle, 1950) ; Niels Henrik Abel, Mathematician Extraordinary (Minneapolis, 1957).
Abélard ou
Abailard (Pierre)
Philosophe et théologien français (Le Pallet, près de Nantes, 1079 - prieuré de Saint-Marcel, près de Chalon-surSaône, 1142).
Abélard ne fut pas seulement un prestigieux professeur de logique dans les écoles urbaines, à Paris au XIIe s. ; par sa personnalité attachante et irritante à la fois, il demeure un témoin éminent de la civilisation du second Moyen Âge occidental, celui des communes, des corporations, des universités, après celui de la féodalité.
Les oeuvres d’Abélard
Les oeuvres d’Abélard se rangent en trois catégories : oeuvres de dialectique, qui concernent plus précisément les arts du langage, centrés sur le phénomène linguistique et mental de la signification, et interprétés dans une philosophie nominaliste ; oeuvres de théologie, à trois reprises refondues, toutes conditionnées par une méthode critique des textes et des autorités que définit et met en oeuvre le Sic et non ; enfin un traité de morale, Scito te ipsum, qui, selon la logique de son esprit, situe la moralité dans les profondeurs intentionnelles du sujet plus que dans la matérialité des objets dits bons ou mauvais. Hors cadre, mais chef-d’oeuvre, dont on a vainement contesté l’authenticité, sa correspondance avec Héloïse. Sa personnalité s’y révèle à plein, y compris son égo-