rails aux étapes.
Grand constructeur, il élève des mosquées et des palais dans plusieurs villes de la Perse, et surtout, sédentarisant la dynastie séfévide, qui était demeurée plus ou moins nomade, il fait d’Ispahan sa capitale. Cette ville avait déjà été la résidence des Seldjoukides au XIe et au XIIe s., mais c’est à ‘Abbās Ier qu’elle dut son incomparable splendeur : elle devint une cité de 600 000 habitants et s’orna de palais, de mosquées et de jardins magnifiques. Le chāh fit tracer, du nord au sud de la ville, une large promenade agrémentée de jardins et de monuments. Il aménagea, au centre de la cité, la place royale, la bordant d’arcades doubles, surélevant le charmant pavillon de l’‘Alī Qāpu et construisant la mosquée du cheykh Lotfollāh ; sur le côté sud de la place fut édifiée la mosquée royale. Entre la promenade et la place royale, on éleva sur une terrasse le palais des « quarante colonnes », entouré de jardins et précédé d’un miroir d’eau.
Aussi Ispahan fut-elle, au dire des voyageurs de l’époque, la plus belle ville du monde. ‘Abbās Ier le Grand mourut dans le Māzandarān en 1629. La médiocrité de ses successeurs allait bientôt entraî-
ner le déclin de son empire. Le Français J. Chardin, qui séjourna en Perse, d’où il nous rapporta un précieux Voyage en Perse et aux Indes orientales (1686), devait écrire : « Quand ce grand prince cessa de vivre, la Perse cessa de prospérer. »
C. D.
▶ Iran / Ispahan / Séfévides.
✐ L. L. Bellan, Chah Abbas Ier, sa vie, son histoire (Geuthner, 1933).
‘Abbāssides
Dynastie de califes arabes qui détrôna les Omeyyades en 750 et régna jusqu’au milieu du XIIIe s. à Bagdad.
La conquête du pouvoir
Les ‘Abbāssides sont les descendants de ‘Abbās, oncle de Mahomet. Forts
de cette parenté avec le Prophète, ils parviennent à exploiter le mécontentement des populations à l’égard des Omeyyades pour s’emparer du pouvoir en 750. Les chī‘ites, et principalement ceux de la Perse, contribuent largement, sous la direction d’Abū Muslim, au succès des ‘Abbāssides. Toutefois, la chute des Omeyyades ne découle pas d’antagonismes raciaux, mais plutôt d’une ré-
volte sociale contre l’aristocratie arabe.
Le moteur de la révolution réside dans le mécontentement économique et social des populations citadines non privilé-
giées. Marchands et artisans des villes de garnison, prenant conscience de l’importance de leur rôle dans le domaine économique, aspirent à la direction des affaires politiques. Au surplus, la classe dirigeante du royaume omeyyade devient, avec la cessation des guerres de conquête — seule activité productive de l’aristocratie —, une caste historiquement superflue.
Son renversement nécessite pourtant une conjugaison d’intérêts divers. Une fois la victoire remportée, la coalition contre les Omeyyades éclate, se scin-dant en groupes dressés les uns contre les autres. Les ‘Abbāssides commencent par se débarrasser de l’aile extrémiste du mouvement : Abū Muslim est exé-
cuté avec plusieurs de ses compagnons et l’émeute fomentée par ses partisans downloadModeText.vue.download 13 sur 543
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est écrasée dans le sang. Tous les Persans ne sont pas pour autant écartés de la vie politique. Bien au contraire, l’aile modérée s’apprête à jouer un rôle de premier plan dans la direction de l’Empire.
Le déplacement du centre
de l’Empire de Syrie
en Iraq
Le centre de l’Empire est déplacé de la Syrie en Iraq, où le premier calife
‘abbāsside, al-Saffāḥ (749-754), établit sa capitale, d’abord dans la petite ville de Hāchimiyya, bâtie sur la rive orientale de l’Euphrate, puis à Anbār.
Le second calife, al-Manṣūr (754-775),
transfère le siège de l’Empire sur la rive occidentale du Tigre, non loin des ruines de l’ancienne capitale sassanide, Ctésiphon, dont les pierres servent à la construction de la nouvelle cité Madīnat al-Salām, ou ville de la paix, plus connue sous le nom de Bagdad. Occupant une position clé au carrefour de routes, la nouvelle capitale est destinée à devenir le « marché de l’univers ». Le transfert du siège de l’Empire de la province mé-
diterranéenne de Syrie à la Mésopotamie favorise les vieilles influences orientales et particulièrement celles de la Perse.
Gouvernement et
administration
Le califat ‘abbāsside ne s’appuie plus, comme au temps des Omeyyades, sur le consensus des chefs de tribus. Il ne relève pas du régime des cheikhs pré-
islamiques, mais plutôt des traditions de l’Empire sassanide. Le régime
‘abbāsside est une autocratie de droit divin. « Ombre de Dieu sur terre », le calife gouverne avec l’appui des forces armées et l’aide d’une bureaucratie salariée qui se substitue à l’aristocratie arabe. Il s’entoure du cérémonial d’une cour hiérarchique qui contraste avec la simplicité des Omeyyades.
Dans le domaine administratif, les
‘Abbāssides maintiennent, en la modifiant peu à peu, l’organisation mise au point par le calife omeyyade Hichām.
Ils y ajoutent bien des usages de l’ancien régime persan des Sassanides. L’administration n’est plus, comme au temps des Omeyyades, l’apanage de l’aristocratie arabe : ses cadres se recrutent essentiellement parmi les musulmans non arabes (mawālī). Ceux-ci occupent un haut niveau social et sont organisés en divans ou ministères (Chancellerie, Armée, Sceau, Finances, Postes et Informations, etc.) sous l’autorité suprême du vizir, personnage tout-puissant. Les Barmakides, une famille d’origine persane, remplissent cette haute fonction jusqu’en 803, date de leur renversement par Hārūn al-Rachīd.
Dans les provinces, l’autorité est partagée entre l’émir, ou gouverneur, et l’‘āmil, ou grand intendant des Finances, qui disposent chacun d’un état-
major et d’une force armée. Ils exercent leur pouvoir sous la surveillance géné-
rale du maître des Postes, dont le rôle consiste à adresser des rapports sur la situation de la province au ministère des Postes et Informations de Bagdad.
De même que l’administration, l’ar-mée n’est plus l’apanage des Arabes.
Les pensions ne sont maintenues que pour les soldats de carrière. À la milice arabe on substitue des troupes mercenaires. Les premiers califes ‘abbāssides s’appuient sur la garde formée de soldats originaires du Khurāsān, particulièrement dévouée à leur personne. Plus tard, ces Persans seront remplacés par des esclaves, ou mamelouks, pour la plupart originaires de Turquie d’Asie.
L’autorité des ‘Abbāssides s’appuie également sur la religion. Les califes sont pleins d’égard pour les chefs religieux et les jurisconsultes, dont l’influence est très grande sur la population musulmane. Le but des ‘Abbāssides, en donnant un caractère religieux à leur régime, est précisément d’assurer la cohésion des divers éléments ethniques et sociaux de cette population.
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L’essor économique
Le succès des ‘Abbāssides se manifeste nettement dans le domaine économique.
La nouvelle classe dirigeante, issue de milieux de marchands, d’agriculteurs ou d’artisans, favorise le développement économique, d’autant plus qu’avec la fin des conquêtes l’Empire doit compter sur ses propres ressources. Des travaux d’irrigation et d’assèchement des marais permettent l’extension de la zone cultivée. Les récoltes de froment, d’orge, de riz, de dattes et d’olives atteignent de très hauts rendements.
L’importance des ressources miné-
rales (or, argent, cuivre, fer, etc.) permet le développement du travail des métaux.
Toutefois, l’industrie la plus importante est celle du textile. Tissus à la pièce, vê-