contentent profondément. La tension franco-allemande devient de plus en plus vive ; le kaiser en vient à accepter l’idée d’un conflit permettant de régler les « comptes une fois pour toutes ».
Il ne veut pas saisir les diverses propositions anglaises concernant un arrêt de la course aux armements navals ; il s’irrite des pressions britanniques et reste intransigeant. Après l’échec de la mission de lord Haldane à Berlin en février 1912 — échec dû aux exigences allemandes, car Guillaume II veut un véritable renversement des alliances pour prix d’un arrêt des constructions navales —, l’empereur donne libre cours à son hostilité envers la Grande-Bretagne.
Quelle part Guillaume II prend-il dans les crises balkaniques qui mènent à la guerre ? En octobre-novembre 1912, lorsque, à la suite de la première guerre balkanique, la Serbie, soutenue par la Russie, lance ses troupes vers
l’Adriatique, Vienne n’admet pas cette poussée : des mesures de mobilisation sont commencées en Autriche-Hongrie et en Russie. Guillaume II se montre hésitant ; il n’est pas disposé à soutenir Vienne. Mais ses ministres le font changer d’avis : le kaiser promet alors un appui absolu à l’Autriche-Hongrie. Lors de la deuxième guerre balkanique, Vienne songe à appuyer la Bulgarie contre la Serbie. Cette fois, le gouvernement allemand refuse son appui ; pour le kaiser, Vienne com-mettrait « une grosse faute » en soutenant la Bulgarie (juill. 1913). Mais, quatre mois plus tard, lors d’une nouvelle menace de conflit austro-serbe, Guillaume II donne un appui absolu aux autorités de Vienne : « Je suis prêt à tirer l’épée, si c’est nécessaire. »
C’est aussi son attitude lors de la crise décisive de juillet 1914. Dès le début de la crise, il estime que le moment est favorable pour l’Autriche, car il ne pense pas que la Russie intervien-dra en cas de guerre austro-serbe, et, même dans cette éventualité, il promet son « plein appui ». La réponse serbe à l’ultimatum autrichien lui paraît écarter une rupture, mais l’empereur ne fait rien pour empêcher la déclaration de guerre de Vienne à Belgrade le 28 juillet. Il laisse faire les militaires, qui acceptent, voire recherchent une guerre générale ; il ne soutient pas le chancelier Bethmann-Hollweg, qui, à l’ultime moment (29-30 juill.), donne des conseils de modération à l’Autriche. Ainsi, depuis la fin de 1913, il est résigné à la guerre ; il a déclaré au roi des Belges, en novembre, qu’elle était « nécessaire et inévitable ».
Dans la dégradation de la situation internationale, depuis 1908 et surtout depuis 1911, Guillaume II a d’abord fait échouer toute tentative de désarme-ment naval : intransigeant sur ce point, il est largement responsable de la tension des relations anglo-allemandes.
Fanfaron, impulsif, hésitant, il n’a pas su imposer sa façon de voir lorsqu’il mesure les conséquences d’un appui total à l’Autriche-Hongrie : il s’incline devant les avis de ses ministres, de ses conseillers et, de plus en plus, devant les vues de l’état-major. Dès lors, la postérité accablera ce souverain qui, à tort ou à raison, restera celui qui a
plongé le monde dans le premier grand conflit de l’histoire.
La guerre, la chute
La guerre ne galvanise pas le kaiser, qui paraît incapable d’assumer ses responsabilités : c’est particulièrement net dans ses relations avec l’état-major. Dès novembre 1914, il se plaint d’être tenu à l’écart par les militaires, qui n’en font qu’à leur tête. Pourtant, il limoge Moltke, coupable d’avoir perdu la bataille de la Marne et donc de ne pas avoir su obtenir du plan Schlieffen les résultats escomptés ; il le remplace par Falkenhayn, très critiqué, même au sein de l’armée, et le soutient parce qu’il partage avec lui la conviction qu’il faut obtenir une victoire décisive à l’ouest.
Après la désastreuse bataille de Verdun et l’entrée en guerre contre l’Allemagne d’une Roumanie ménagée jusque-là par lui, parce qu’un Hohenzollern y règne, il se laisse imposer par une opinion unanime le duo vainqueur à l’est, Hindenburg et son adjoint Ludendorff, qui deviennent, à la tête de l’état-major, les véritables maîtres de l’Allemagne. Il cède également en ce qui concerne la flotte. Soucieux de la ménager, il refuse de l’engager à fond, comme le souhaite Tirpitz (1915) ; tout au plus accepte-t-il une guerre sous-marine plus intense (févr. 1916).
Un an plus tard, il ordonne la
guerre sous-marine à outrance, malgré les risques parfaitement exposés par Bethmann-Hollweg. Il accepte aussi la démission de ce chancelier si vivement critiqué par l’état-major. Pris entre l’état-major et le Reichstag, il ne sait pas imposer son arbitrage, ce qui, à partir de 1917, met en question le régime. Il en est conscient, mais, croyant encore à la victoire en raison d’une carte de guerre qui reste favorable, il apparaît aux chefs des partis du Reichstag, en juillet 1917, comme sourd et aveugle ; il veut bien la paix, mais une paix victorieuse, donnant à l’Allemagne les buts de guerre arrêtés depuis 1914.
Le kaiser, qui ne sait pas défendre les chanceliers (Georg Michaelis,
Georg von Hertling) contre l’état-major ni imposer avec eux les réformes intérieures indispensables et qui a l’impression d’être mené « par le bout du nez » par Hindenburg, semble compter sur une grande victoire pour arrêter la décomposition du régime. Éprouvé par les défaites d’août 1918, il comprend que l’Allemagne est à bout de forces et qu’il faut terminer la guerre. Mais Wilson n’entend pas traiter avec une Allemagne transformée en monarchie constitutionnelle à la suite des réformes du chancelier Max de Bade ; il exige l’abdication de Guillaume II. D’autre part, l’hostilité contre l’empereur grandit en Allemagne ; les premiers mouvements révolutionnaires éclatent au début de novembre. Comme l’armée refuse de marcher sur Berlin, où la ré-
publique est proclamée le 9 novembre, le kaiser abdique et quitte le quartier général de Spa pour se réfugier en Hollande.
Il est considéré comme criminel de guerre, et les Alliés réclament son extradition afin de pouvoir le traduire devant un tribunal international. Le gouvernement hollandais refuse de le livrer et écarte l’idée de le faire transférer dans une colonie néerlandaise. L’ex-kaiser peut alors mener une vie calme dans la maison de Doorn, confiant dans une miséricorde divine, qui tiendra compte de sa bonne volonté. Il s’occupe du parc, du jardin et reçoit de nombreux visiteurs allemands ; membres de sa famille, intellectuels, etc. Après la mort de Victoria-Augusta (1921), il épouse une veuve, la princesse Hermine von Schönaich-Carolath (1887-1947), née princesse von Reuss. Il jouit d’une excellente santé jusqu’à la fin de sa vie, et c’est une embolie pulmonaire qui l’emporte à l’âge de quatre-vingt-deux ans, le 4 juin 1941.
R. P.
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