Jalons biographiques
1300 naissance.
1323 au service de Jean de Bohême comme clerc aumônier.
1325 voyage à Prague.
1327-1329 expédition en Silésie, en Lituanie et en Pologne.
1330 notaire et secrétaire du roi de Bohême.
1335 renonçant à divers canonicats, garde celui de Reims. 1340 participe effectivement au chapitre de Reims.
1349 prudemment enfermé pendant la peste, retrouve avec joie la campagne.
1350 cité par Gilles le Muisit comme grand musicien.
1349-1357 en relation avec Charles de Navarre.
1360 assiste au départ de Jean de Berry en captivité.
1361 reçoit chez lui le régent, Charles de Normandie.
1363 fréquente les grands de la Cour à
Crécy-en-Brie.
1364 sacre de Charles V à Reims.
1371 a vendu un manuscrit à Jean de Berry, un autre à Amédée de Savoie.
1377 meurt en avril.
Guillaume
d’Occam
Philosophe nominaliste (Occam [ou Ockham], près de Londres, v. 1300 -
Munich v. 1349).
Le franciscain Guillaume d’Occam a gardé les surnoms contraires de Vene-rabilis Inceptor et Doctor invincibilis, le premier rappelant peut-être qu’il fut maintenu par le chancelier d’Oxford John Lutterell au rang de « débutant »
en philosophie pour avoir enseigné des théories logiques suspectes, diffé-
rentes de celles d’Aristote. Il appliqua par la suite ces théories à la présence du Christ dans l’eucharistie. Appelé à la cour pontificale d’Avignon pour se justifier, il vit reconnaître ses positions comme hardies, mais non erronées.
À Avignon, Occam prit parti dans le conflit qui opposait alors son ordre et le pape Jean XXII tant sur les constitutions de l’ordre franciscain que sur l’élection impériale. Il soutint le géné-
ral des Franciscains, Michel de Césène, dans sa défense des « spirituels », qui prétendaient réformer l’ordre franciscain et l’Église en vivant dans une pauvreté absolue et qui étaient combattus par le pape. Tous deux se rangèrent ensuite du côté de Louis IV de Bavière, qui venait d’être élu empereur, contre le candidat du pape, Fré-
déric d’Autriche, manifestant par là leur opposition au pouvoir temporel du Saint-Siège. Accusés d’hérésie, ils durent bientôt fuir Avignon pour Pise, où Louis IV de Bavière les accueillit (1328).
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 10
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Guillaume d’Occam commença alors une carrière d’écrivain ecclésiastique
et politique. Il rédigea un Compendium errorum Iohannis papae XXIIo (1334-1339) et un Dialogus super dignitate papali et regia (1338-1342). Puis il s’établit à Munich, où il entra en relation avec les légistes impériaux en vue de soutenir la cause de Louis IV
de Bavière et où il composa une série d’ouvrages politiques antipontificaux.
Il semble que, lors du chapitre général de son ordre en 1348, il se soit réconcilié avec le pape.
La principale oeuvre philosophique de Guillaume d’Occam, son Commentaire sur les sentences de Pierre Lombard, est l’exposé le plus célèbre de la doctrine nominaliste. Il y conteste les
« universaux », qui, selon lui, n’ont d’existence que dans l’esprit, non dans la réalité. Seul l’individuel concret existe. Dès lors, la science ne saurait prétendre à aucune prise sur le réel ; elle n’est que représentation, assemblage de concepts, de mots (nomina) qui sont de pures conventions. La connaissance ne résulte pas, comme dans la philosophie scolastique, d’un jugement de séparation ou d’abstraction du réel, aboutissant à reconnaître des degrés d’être, mais d’une intuition qui n’est fondée sur rien d’autre que sur la position autonome de l’esprit. Ces positions s’accompagnent du risque d’un extrême agnosticisme : Occam nie les preuves classiques de l’existence de Dieu et le bien-fondé de la distinction entre l’essence de Dieu et les attributs de Dieu. En théologie, il est
« fidéiste », c’est-à-dire qu’il suspend toute chose, bien plus radicalement encore que son maître Duns* Scot, à la volonté divine. Puisque les universaux n’offrent aucune prise sur le réel (un des principes de l’école nominaliste, demeuré sous le nom de rasoir d’Occam, s’exprime ainsi : « Les êtres ne sont pas multipliables sans nécessité »
[Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem]), seule la révélation permet de connaître l’ordre de la création.
De même dépendent de Dieu seul la prédestination et la foi des individus.
Les théories d’Occam ne furent
jamais censurées par le Saint-Siège ; elles le furent seulement par l’université de Paris. C’est là, cependant, que le nominalisme se développa par la suite et qu’Occam trouva ses plus célèbres
disciples : Jean Buridan, Pierre d’Ailly, Jean Gerson. Par Gabriel Biel, qui distingue rigoureusement la foi et la raison, et qui fut le maître à penser de Luther, le nominalisme d’Occam a pré-
paré la voie à la doctrine luthérienne de la justification par la foi seule, et fut le précurseur des empiristes anglais.
Les positions politico-ecclésiastiques de Guillaume d’Occam ont joué un rôle important dans le développement du mouvement conciliaire des XIVe-XVe s. Dans ses Huit Questions à propos de l’autorité pontificale (1339-1342), Occam récuse l’attribution au pape de la plenitudo potestatis, ne lui reconnaissant qu’une fonction spirituelle. Il regarde l’Église comme une fédération d’Églises nationales et distingue radicalement le pouvoir religieux du pouvoir séculier. Il nie l’infaillibilité du Concile général aussi bien que celle du pape et tient qu’en définitive c’est à l’Université qu’il appartient de trancher les questions importantes, y compris en matière de foi. Par ces thèmes, il a préparé, principalement en Allemagne, le terrain de la Réforme.
B.-D. D.
E. Amann et P. Vignaux, « Occam », dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. XI (Letouzey, 1931). / A. Hamman, la Doctrine de l’Église et de l’État chez Occam (Éd. franciscaines, 1942). / E. Gilson, la Philosophie au Moyen Âge (Payot, 1944 ; 4e éd., 1962).
Guillén (Nicolás)
Poète cubain (Camagüey 1902).
En 1930 paraissait à La Havane, sous le titre de Motifs de son, un savoureux recueil de poèmes signé Nicolás Guillén. Visage « couleur de nèfle », nez
« pareil à un noeud de cravate », l’auteur était un mulâtre de vingt-six ans qui avait déjà eu l’occasion de se faire connaître par des articles dans un quotidien havanais où, soucieux de rendre aux Noirs leur dignité d’hommes, il prônait l’égalité des races. Avec Motifs de son, dans lesquels la veine populaire et la bonne humeur du poète s’exprimaient par la bouche de ses personnages, des Noirs des quartiers pauvres
de la capitale, au langage intensément coloré, et avec Songoro Cosongo, paru l’année suivante, Guillén entrait de plain-pied dans cette littérature dite
« afro-cubaine », qui est le reflet du métissage ethnique et culturel de l’île.
Pour écrire ces poèmes, il avait trouvé le rythme qui s’accordait le mieux à son propre rythme intérieur, celui d’une danse antillaise voisine de la rumba : le son.
Comme toute la poésie noire (celle d’un Aimé Césaire par exemple), la poésie de Guillén est en effet fonciè-
rement orale et, de ce fait, éminem-ment communicative. Née du verbe, elle gagne à être dite à haute voix et plus encore si le récitant est le poète en personne, car, entre lui et l’auditoire, envoûté par la mélodie des phrases, une onde de sympathie ne tarde pas à s’établir. Souvent réduits à de simples phonèmes, les mots, chez Guillén, se répètent — comme dans l’Ulalume de Poe — avec une harcelante insistance qui rappelle le martèlement du tam-tam. Car c’est une poésie nourrie de ré-