nation, définie comme une forme
négative d’intégration, comme une intégration dans l’hostilité, ou comme un abandon de leur personnalité par les membres d’une organisation ; 2o la discipline, définie comme force neutre d’intégration ; sans être totalement dé-
saliéné et sans participer radicalement aux buts de l’organisation, l’individu ressent un intérêt à s’y conformer ; 3o la participation, forme positive d’in-tégration par laquelle l’individu prend spontanément et personnellement part aux buts et idéaux de l’organisation.
Les moyens d’exercice du pouvoir
avec lesquels ces modes d’intégration se composent selon le tableau croisé suivant tendent à opérer une résorption des dysfonctions résultant de l’aliénation et de la discipline.
Bien que les types soient rarement purs, la diagonale 1, 5, 9 indique les trois types d’organisation les plus fré-
quents : les buts d’ordre public portent l’accent « coercitif-aliénation », quoique les progrès de la démocratie les fassent évoluer vers le type 3 ; les buts économiques portent l’accent
« rémunératif-discipline », encore que l’entreprise moderne incline surtout vers le type 4, éventuellement vers le 6 ; les buts culturels portent l’accent
« normatif-participation », mais certaines révolutions socialistes peuvent comporter au moins temporairement des traits de type 8 ou 7.
Certes, les catégories d’Etzioni ré-
clament encore un affinement et une critique sérieuse de leur contenu et de leur schématisme. Elles ont néanmoins inspiré d’intéressantes réflexions à François Bourricaud dans son Esquisse d’une théorie de l’autorité.
Les fonctions intégratives
du politique
Selon l’ordre logique, on ne saurait entreprendre un examen de l’État sans se référer directement à ses fonctions essentielles d’intégration sociale. L’État est en effet, d’une part, facteur de ré-
gulation de l’équilibre d’un système, d’autre part champ d’expression des tensions sociales, lieu où se condensent les contradictions des différentes instances d’un système ayant chacune leur temporalité propre.
Régulateur de l’ordre et du mouvement, il gère les affaires publiques et les différends entre groupes de manière à conserver l’être de la collectivité par un rajeunissement constant. Le dissensus provoqué par les luttes politiques tend donc à être dépassé par le pouvoir politique se posant comme l’expression du consensus.
De quelque manière qu’il inter-
vienne, l’État se veut intégrateur.
G. A. Almond et J. S. Coleman re-
connaissent à l’instance politique plusieurs fonctions tendant à réaliser cette intégration et manifestées particulièrement dans les pays en voie de développement.
y La socialisation et la culture politique. L’État nouveau vise à intégrer chaque individu et chaque groupe
social (catégorie professionnelle ou strate de prestige) dans la vie politique du groupe en lui conférant une conscience politique dépassant les limites anciennes du village ou du groupe ethnique et s’inscrivant dans les valeurs de la vie quotidienne.
y Le recrutement politique. L’État cherche à affecter les citoyens à des rôles politiques spécialisés d’électeur, de militant, d’administrateur, etc., en utilisant au mieux, dans son propre cadre, les compétences qui risqueraient de s’évader dans l’orga-
nisation d’une faction politique ou d’une classe opposée au pouvoir
institutionnalisé.
y L’expression des intérêts. En tant qu’instance supérieure, l’État coiffe un ensemble de groupements à l’in-térieur desquels les hommes s’organisent, et qui ne sont généralement pas exclusifs l’un de l’autre. L’expression des intérêts se produit à travers eux, c’est-à-dire soit dans des groupes naturels de lieu, de race..., soit dans des institutions à finalité restreinte (armée, Église, coopératives), ou encore dans des institutions spécialisées dans l’expression des intérêts d’une catégorie sociale ou d’une classe (syndicats, associations patronales), ou enfin par une union spontanée des intérêts d’une partie de la population.
y L’agrégation des intérêts. Par
l’intermédiaire des partis politiques, l’État, en tant qu’organe régulateur, représente et prend en charge les inté-
rêts des individus. Dans le cas d’un parti unique, les divergences risquent de s’exprimer secrètement, ce qui nuit à leur bonne confrontation et ce qui prive le gouvernement de l’énergie que libère l’expression même des besoins.
y La communication politique. L’autorégulation de l’ensemble national implique un mouvement constant
d’informations et d’actions réci-
proques entre la base et le sommet : d’un côté s’expriment les besoins de la base et le soutien qu’elle apporte au gouvernement, de l’autre s’établissent des règles qui réclament d’être appliquées.
Si l’intégration définie comme
l’interdépendance étroite entre les élé-
ments fonctionnels d’un système est le but suprême de la politique, les moyens de la réaliser dépassent de beaucoup la sphère politique. Ceux dont dispose l’État se réduisent à quatre formules principales : 1o l’établissement des règles et des procédures plus ou moins formelles permettant de limiter les conflits et de faciliter les compromis ; 2o l’organisation des services collectifs (voies de communication, postes, santé, monnaie...) et la gestion
d’ensemble de la société par une planification coordinatrice des activités ; 3o l’éducation des générations successives par une formation générale, technique et professionnelle, par l’alphabé-
tisation et la propagande agissant sur les représentations collectives ; 4o le recours à la contrainte sociale par la simple présence ou par l’action directe d’organes tels que la gendarmerie, la police, l’armée, la justice.
L’inventaire de ces différentes fonctions et de ces moyens d’intégration, s’il éclaire la dynamique d’un système global, ne nous renseigne pas sur la finalité profonde de ces processus d’harmonisation sociale. Ceux-ci n’agissent-ils que pour camoufler l’accaparement du pouvoir par une classe, ou bien servent-ils l’intérêt général ?
Sur ce point, les réponses diffèrent, autant d’ailleurs que les situations et les formes d’État. En détruisant les bases des antagonismes qui engendrent les luttes de classes, l’État prolétarien, selon le marxisme, agit dans l’intérêt général de tous les hommes, car il sup-downloadModeText.vue.download 41 sur 577
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11
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prime toute domination oppressive.
L’oeuvre d’intégration authentique ne s’accomplit donc que par la dictature du prolétariat, seule apte à édifier une communauté humaine fondée sur la justice et la coopération. Les Occidentaux contestent ce schéma d’une intégration totale et sans camouflage qu’opérerait la classe ouvrière en supprimant toute forme d’exploitation. Ils proposent un autre mécanisme de développement de l’intégration par le progrès technique et économique qui, en supprimant la pénurie et en établissant l’abondance, ferait cesser les inégalités. Cette vision paraît assurément aussi utopique que la précédente. Toutes les deux néanmoins prouvent combien est fondamentale pour l’homme l’aspiration au bien-être procuré par la cohésion sociale. Mais, en situant dans le futur le modèle idéal de l’intégration, elles avouent, pour l’heure, les difficultés de sa réalisation.
Limites de l’intégration
En définitive, l’obstacle majeur à une intégration totale réside dans l’existence même des classes, parce que celles-ci constituent les pôles principaux de division de la société globale, et parce que l’intégration qu’elles opèrent à leur niveau, à celui de l’in-group, se pose en s’opposant à celui de l’outgroup. À la différence des consciences de rang, d’ordre ou de strate, qui sont des consciences d’adaptation dans la mesure où, pour tout ce qui ne concerne pas leur but direct et leurs valeurs propres, elles admettent les modèles, évaluations et symboles de la société globale, la conscience de classe, elle, est une conscience séparée.