néfice des « nouveaux intellectuels », qu’on pourrait qualifier globalement de
« technocrates ».
Quoi qu’il en soit, et bien qu’il puisse y avoir en ce domaine des auto-didactes, l’intellectuel naît et se développe dans le cadre des universités. Il en est ainsi depuis le Moyen Âge, mais cela est particulièrement vrai à notre époque. Non seulement l’université forme des professionnels (professeurs, avocats, médecins, ingénieurs, chercheurs...), mais elle exprime la culture d’une époque, même s’il y a parfois un downloadModeText.vue.download 42 sur 577
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11
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retard de l’université par rapport à des minorités d’avant-garde, spécialement en matière artistique. N’est-il pas révé-
lateur, au moins a contrario, que l’explosion socioculturelle de ces dernières années se soit manifestée d’abord dans l’université ? L’accroissement des effectifs dans les universités est, dans les récentes décennies, considérable, notamment en France. S’il est inévitable que cette évolution modifie, à plus ou moins long terme, les rapports entre les intellectuels et le reste de la société, il est difficile d’en prévoir les effets qualitatifs. En effet, une accumulation quantitative n’entraîne pas nécessairement une « révolution » culturelle. Au demeurant, l’importance respective des différentes disciplines change avec les besoins de la collectivité.
On reconnaît généralement aux
intellectuels une place à part dans la vie publique. En fait, leur action à ce niveau va de l’abstentionnisme pur et simple à l’engagement dans la politique active, en passant par les tâches d’administration et la réflexion. De ce point de vue, on peut répartir les intellectuels — en donnant à chaque terme son sens large — en ingénieurs et en fonctionnaires, en objecteurs et en moralistes, en politiques et en révolutionnaires. Dans les sociétés établies, les intellectuels sont les mandarins de l’ordre existant ; ils peuvent devenir les théoriciens de la révolution dans les sociétés en crise ; en cas de moro-sité sociale, il arrive qu’ils soient pris pour boucs émissaires. L’influence qu’ils exercent ou qu’on leur attribue
se mesure souvent, en effet, de manière négative, par l’anti-intellectualisme.
Que ce soit en France, aux États-Unis ou en U. R. S. S., des vagues d’anti-intellectualisme se manifestent périodiquement de la part des « majorités silencieuses » : le poids privilégié des intellectuels se retourne temporairement contre eux. Cependant, il est rare, bien que cela se produise parfois, qu’ils subissent le sort de Socrate. Malgré tout, on ne peut pas dire que les intellectuels constituent par eux-mêmes une catégorie dirigeante.
Les intellectuels ne forment pas davantage une classe sociale, selon la terminologie marxiste : tout au plus forment-ils le noyau constitutif de certains groupes sociaux. Ils ne disposent pas, par rapport à ces groupes, de caracté-
ristiques propres, en particulier sur le plan économique, mais ils ont vis-à-
vis d’eux une attribution spécifique : ils leur donnent, si l’on en croit Antonio Gramsci*, leur homogénéité et la conscience de leur propre fonction. À
ce titre, ils sont les agents à la fois de la conservation et du changement.
L. B.
G. B. de Huszar (sous la dir. de), The Intellectuals, a Controversial Portrait (Glencoe, Illinois, 1960). / L. Bodin, les Intellectuels (P. U. F., coll.
« Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1964). / F. Bon et M. A. Burnier, les Nouveaux Intellectuels (Éd.
Cujas, 1966 ; 2e éd., Éd. du Seuil, 1971).
intelligence
L’intelligence a été définie comme une faculté de connaître dont l’instrument est le langage*. C’est l’intelligence discursive spécifique à l’homme.
Introduction
Depuis la découverte chez certaines espèces animales des actes auxquels on ne peut refuser le caractère intelligent et sous l’influence des idées évolutionnistes, la définition de l’intelligence s’est généralisée. Elle est conçue comme une adaptation vitale, dont la connaissance représente la forme la plus évoluée. Elle devient alors une capacité, variable avec les espèces et les individus, de résoudre des problèmes de toutes sortes.
Dans l’étude de la nature de l’intelligence et de sa structure, deux méthodes ont été utilisées : la méthode des tests et la méthode génétique.
Fondée par Alfred Binet*, la mé-
thode des tests vise la mesure de l’intelligence par l’évaluation du degré d’efficience que manifestent les individus dans la résolution des problèmes tests. L’analyse des corrélations entre les résultats de nombreux tests, mé-
thode inventée par C. Spearman, permet de dégager les divers facteurs qui s’y trouvent mis en jeu et qui constituent les composantes de l’intelligence.
On distingue l’intelligence générale et des aptitudes spécialisées. A. Binet définit l’intelligence comme caracté-
risée par la compréhension, l’invention, la direction et la censure (1909).
C. Spearman distingue dans l’intelligence un facteur général, le facteur g, et des facteurs spécifiques. Le facteur g, qui rend compte des corrélations entre les tests, est défini comme une énergie qui anime l’activité intellectuelle et qui consiste en une capacité d’établir des relations et des corrélations, ou relations entre relations (1927). Certains factorialistes nient l’existence de ce facteur général et n’admettent que des facteurs spécifiques, facteurs verbal, numérique, spatial, mécanique, pratique, de raisonnement, etc. L’intelligence n’est que la somme de facteurs ou d’aptitudes indépendantes. Pour d’autres, entre le facteur général et les facteurs spécifiques, existent un certain nombre de facteurs de groupe. Enfin, on a découvert, en plus du facteur g, d’autres facteurs généraux de volonté, d’intérêt, de persévérance, etc., qui ne semblent pas de nature cognitive, mais qui interviennent constamment dans l’activité intellectuelle.
À la différence de l’analyse factorielle, qui est une méthode plutôt statique, l’analyse génétique de l’intelligence vise à découvrir ses origines, ses formes et son évolution à travers les es-pèces, dans l’histoire et chez l’enfant.
Il s’agit de saisir son devenir.
Deux formes d’intelligence ont été distinguées : l’intelligence pratique,
qui existe déjà chez les animaux, et l’intelligence discursive, qui est propre à l’homme. La première se manifeste dans les situations où un obstacle se dresse entre l’animal et la proie convoitée. Les singes, par exemple, se montrent alors capables de faire des détours ou d’utiliser des instruments ou des supports pour atteindre la proie.
Il s’agit d’un remaniement des mouvements, dans leur direction ou dans leur composition, qui peuvent s’incorporer divers objets se trouvant dans le champ perceptif et susceptibles de compléter la portée de la main ou la puissance du saut de l’animal. Ces remaniements se réalisent par tâtonnements ou d’une façon brusque et immédiate (insight).
Dans ce dernier cas, il s’agit d’une restructuration du champ perceptif, et la solution du problème apparaît comme une forme qui se détache du fond ou de la situation. L’intelligence animale apparaît ainsi comme une aptitude de constellation perceptivo-motrice, où besoins, mouvements, objets sont fusionnés dans une unité dynamique se réalisant dans l’espace concret et actuel et s’y épuisant.
L’intelligence discursive chez
l’homme apparaît très différente. Au lieu d’une attitude utilitaire immédiate, elle est dominée par l’attitude spé-