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culative ou de connaissance qui suspend l’action immédiate et cherche à représenter le monde, à le penser avant d’agir sur lui. Dans son déroulement, au lieu de fusionner, d’assimiler et de consteller, elle procède par analyse et synthèse, décomposant les situations en termes distincts et les combinant pour obtenir des effets ou pour les mettre en ordre et en relations. Son substrat indispensable est le langage, exprimé ou intérieur. C’est « une intelligence qui opère sur des représentations ou par le moyen de représentations » (H. Wallon, 1942). Par la représentation, elle échappe au concret et à l’actuel, elle peut conserver le passé, prolonger le présent vers l’avenir et concevoir le virtuel et le possible. Son champ opératoire est un espace abstrait ou l’espace mental.

Les différences entre ces deux

formes d’intelligence sont évidentes.

Dans leur passage, cependant, les opi-

nions divergent. Pour certains auteurs, il y a identité de nature et continuité : la représentation n’est que l’action intériorisée (J. Piaget, 1936). Pour d’autres, une différence de nature sépare les deux formes d’intelligence.

Leur passage est l’effet de l’apparition de la fonction symbolique, propre à l’espèce humaine et qui n’est pas impliquée dans l’activité pratique. « La fonction symbolique, écrit Wallon (1942), est le pouvoir de trouver à un objet sa représentation et à sa repré-

sentation un signe. » Elle est donc dé-

doublement et substitution, opérations immédiatement mentales, dont l’orientation s’oppose aux procédés de l’intelligence pratique. C’est cette opposition de nature qui permet de comprendre les difficultés et les conflits qu’on peut observer lors de leur passage chez l’enfant ou dans l’histoire de l’humanité. Dans celle-ci, il a fallu une longue période pour que la pensée surmonte le syncrétisme, se dégage de l’emprise de l’action et de l’affectivité pour atteindre la rationalité scientifique.

Le développement

de l’intelligence

chez l’enfant

Les origines (0-3 ans)

Chez l’enfant, l’intelligence humaine se développe en plusieurs étapes. Dans ses origines, elle présente également les deux formes, pratique et discursive, mais la première s’ébauche à peine quand apparaît déjà la seconde. Leur mélange s’opère très tôt, en même temps que leur liaison étroite avec d’autres fonctions, notamment avec l’affectivité.

L’intelligence pratique est la pre-mière à émerger. C’est une intelligence qui utilise les mouvements

comme moyens d’obtenir des résultats sur les personnes et les objets. Elle se développe en connexion étroite avec la maturation de la fonction motrice.

Celle-ci comporte deux aspects : aspect tonique, qui dépend du système ex-trapyramidal et d’où résultent les postures, attitudes et mimiques, et aspect downloadModeText.vue.download 43 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11

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cinétique, qui dépend du système pyramidal et produit des mouvements dans l’espace. Chez l’enfant, la maturation du système tonique est plus précoce : avant de pouvoir prendre des objets et de se déplacer, il est déjà capable d’attitudes et de mimiques variées.

Le premier niveau de son intelli-

gence pratique est celui où l’enfant, notamment à partir de 6 mois, utilise ses attitudes expressives et ses mimiques d’abord comme moyens de

communication, puis comme moyens

d’action sur l’entourage en vue d’obtenir l’intervention des personnes en sa faveur. Ce sont ses conduites d’appel, d’accueil, de réclamation, etc., pré-

cédées par des échanges de sourires, de gazouillis où l’enfant fait preuve d’une capacité croissante de déchiffrer les significations des attitudes de l’entourage, d’une compréhension intuitive et immédiate des situations affectives, dont il prend progressivement conscience d’une façon globale et plus ou moins confuse. La première orientation de l’intelligence enfantine est sociale.

Le second niveau, par contre, est à orientation objective. Il débute vers la fin de la première année, lorsque l’enfant devient capable de manipulation et de déplacement, sous l’effet de la maturation du faisceau pyramidal. Entre un an et un an et demi, il se montre capable d’écarter un obstacle pour saisir un objet convoité, d’utiliser une ficelle ou une baguette pour attirer ou ramener un objet éloigné. Ce sont des conduites de détour et d’instrument similaires à celles des singes supérieurs. Comme chez ces derniers, cette intelligence est faite de perceptions et de mouvements fondus dans l’attitude perceptivo-motrice, qui organise le champ spatial concret des objets et le modifie jusqu’à l’obtention des résultats désirés.

L’imitation apparaît alors comme

une conduite qui fait la transition entre l’intelligence pratique et l’intelligence discursive. L’enfant, devant un spectacle intéressant qui le captive, s’arrête, le contemple et ne reproduit les gestes perçus qu’un certain temps

après la disparition du modèle. C’est l’imitation différée qui survient vers le milieu de la seconde année. Selon Wallon (1942), elle marque chez l’enfant un changement dans l’orientation de son activité : au lieu de s’approprier l’objet ou d’agir sur lui, l’enfant tend à le copier et à le reproduire ou à prendre son image et à l’exprimer. Le dédoublement s’esquisse.

L’intelligence discursive succède alors à l’intelligence pratique. Elle a comme condition la maturation des aires d’association corticales où se déploie l’activité symbolique. Celle-ci s’ébauche dans l’imitation et s’exerce dans le simulacre. Lorsque l’enfant fait semblant de dormir, le dédoublement est réalisé entre l’acte réel et l’acte simulé : l’acte devient la représentation de lui-même, le rapport signifiant et signifié est constitué. L’enfant prend rapidement conscience de la différence entre l’acte réel et l’acte simulé, ce qu’il exprime par le rire qui accompagne le faire-semblant. Se manifeste alors la tendance à substituer un objet à un autre : le mot à la chose dans les dénominations de l’enfant, le bout de papier au bonbon dans ses jeux de fiction. Cette substitution est l’essence de la fonction symbolique, qui implique que chaque objet est dédoublé entre lui-même et sa représentation, qu’il possède deux réalités : réalité maté-

rielle et réalité symbolique, c’est-à-

dire en tant que substitut ou signifiant.

Ce sont des symboles et des signes. Les premiers sont des substituts concrets, tandis que les seconds sont des substituts abstraits, des symboles épurés. Le langage se développe alors rapidement chez l’enfant, car il lui fournit tout un système de signes qui répondent aux besoins de sa représentation naissante.

Avec le symbole et le signe, l’intelligence discursive est constituée chez l’enfant. Tout en développant ses tendances propres, elle va remanier et transformer l’intelligence pratique en s’intégrant ses diverses orientations —

sociale, manipulatrice, réalisatrice, etc.

— pour construire progressivement la structure complexe et multidimensionnelle de l’intelligence adulte.

L’intelligence concrète (3-6 ans)

Entre 3 et 6 ans, le développement intellectuel de l’enfant répond à une période de libre exercice fonctionnel.

Faute d’une maturation d’ensemble, son activité mentale est inorganisée et discontinue, et ses diverses possibilités fonctionnelles se manifestent et s’exercent d’une façon plus ou moins autonome, plus ou moins dispersée, avec des fluctuations et des conflits, des interférences et des contaminations.

Dans l’ensemble, on peut caractériser le niveau de ce stade comme celui d’une intelligence concrète, que l’on peut définir comme une intelligence qui opère déjà avec des signes et des symboles, mais dont l’insuffisance et l’immaturité ne lui permettent pas encore de se dégager des expériences concrètes de nature perceptive, motrice et affective, que, cependant, l’enfant identifie et comprend pratiquement, mais qu’il n’arrive pas encore à faire passer à la connaissance rationnelle, sa pensée ne présentant pas encore de relations définies. Un certain nombre d’attitudes la manifestent et permettent de repérer ses possibilités et ses orientations.