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L’intelligence abstraite (6-11 ans) L’intelligence abstraite est une intelligence qui opère avec des signes et des symboles abstraits, c’est-à-dire suffisamment épurés des adhérences de l’affectivité et de l’action pour dépasser l’expérience concrète et parvenir à une connaissance objective. Chez l’enfant, elle débute vers 6 ans grâce à un nouveau palier de maturation nerveuse, notamment du cortex frontal et du cortex d’association.

Apparaît alors une attitude générale qui commande l’activité de l’enfant et qui se manifeste par une capacité de suspendre l’activité spontanée des fonctions, de les détacher chacune de ses exigences propres pour les organiser et les subordonner à des motifs qui répondent à des intentions et des buts définis à plus ou moins longue échéance. L’enfant devient capable de poursuivre plus longtemps une même activité et de changer d’activité en fonction d’un programme établi, tel le programme de travail, qui débute au cours préparatoire. À la discontinuité mentale du stade précédent succèdent une plus grande continuité et la réver-sibilité de l’acte intellectuel.

Cette nouvelle organisation mentale rend possible un certain nombre d’attitudes intellectuelles qui se développent au cours du présent stade pour donner naissance progressivement à des systèmes d’opérations d’où résultent les débuts de la connaissance rationnelle chez l’enfant.

L’attitude d’analyse est l’une des plus importantes, qui permet à l’enfant de dépasser le syncrétisme et de parvenir à une représentation analytique.

Elle se manifeste comme une tendance

à dissocier les objets et les situations pour en abstraire des qualités, des propriétés et des circonstances qui, par cette abstraction, deviennent progressivement des catégories.

L’analyse abstractive chez l’enfant progresse par degrés et se déploie dans différents domaines, avec de fréquentes oscillations. L’analyse de l’objet tend à détacher de l’objet ses qualités et à isoler celles-ci les unes des autres pour constituer une représentation abstraite et analytique de l’objet, qui devient une structure de catégories. L’objet dont il s’agit ici peut être un objet physique, un être vivant, une personne ou l’enfant lui-même. Les difficultés de l’analyse varient avec la complexité de l’objet et son caractère plus ou moins familier à l’enfant. L’analyse des ensembles tend à dissocier les parties pour reconstituer le tout. Dans ces analyses s’opère le détachement des objets de l’espace qu’ils occupent pour une représentation abstraite de l’espace comme milieu neutre et homogène. L’analyse des situations et des événements tend à dissocier des circonstances, à isoler la cause et l’effet. Le temps a tendance à se détacher de la succession et de la durée vécue pour devenir une échelle d’intervalles et un système chronologique de points de repère.

Ce sont de telles analyses qui interviennent dans les premiers apprentissages scolaires de l’enfant : lecture, écriture, calcul, exercices d’observation. De nombreuses expériences ont montré les difficultés de ces analyses chez le jeune enfant. Quand il tient compte d’une qualité, il en néglige d’autres. Les qualités isolées s’interfèrent et se contaminent mutuellement.

La quantité commence par être confondue avec l’espace ou la dimension, le temps avec l’espace parcouru, etc. Les mots dissociés en lettres perdent leur identité ou leur signification. En tout cas, ce sont des progrès de l’analyse qui se trouvent à la base de la formation des concepts indispensables à l’acquisition des techniques intellectuelles et aux opérations de la pensée.

L’attitude de comparaison appa-

raît chez l’enfant en même temps que l’attitude d’analyse. Mais tandis que

l’analyse est un passage du concret à l’abstrait, la comparaison ne peut se déployer que sur le plan abstrait, c’est-

à-dire avec des qualités déjà dissociées par l’analyse.

La comparaison la plus primitive

part d’un rapprochement par couple et se manifeste au moment où l’enfant devient capable d’intercaler entre les deux termes du couple un moyen terme qui permet de définir leur relation : trois bâtonnets du plus petit au plus grand. Le bâtonnet moyen est à la fois plus grand que le premier et plus petit que le second ; cela n’est possible que si la qualité longueur s’est détachée de lui comme catégorie abstraite pouvant entrer simultanément dans deux relations inverses. C’est le passage du couple à la série, laquelle inaugure la véritable pensée relationnelle (Wallon, 1945).

La comparaison des objets entre eux implique l’isolement de leurs qualités respectives pour que celles-ci puissent être rapprochées et que des ressemblances se dégagent. Avec l’abstraction des différences, elle donne naissance à l’opération de classement qualitatif, c’est-à-dire fondé sur une qualité commune à un certain nombre d’objets. Les différentes qualités utilisées plus ou moins précocement par l’enfant comme critères de classement dépendent de leur plus ou moins grande difficulté à être détachées de l’objet (couleur, forme, dimension, poids, etc.). Le classement selon plusieurs critères n’est possible qu’au moment où les qualités sont complètement déta-chées de l’objet. Le pas semble franchi vers 9 ans, comme le montre l’expé-

rience où l’on demande à l’enfant de trouver un objet pouvant être mis à l’intersection de deux classements.

La comparaison de l’objet avec lui-même, à travers ses changements de formes, de dimensions, de couleurs, etc., implique également que toutes les qualités de l’objet aient été détachées et représentées abstraitement pour opposer celles qui varient à celles qui ne varient pas, mettant en évidence les qualités essentielles et les qualités accidentelles. Cette comparaison donne naissance à l’opération d’identifica-

tion qualitative de l’objet. Ce sont les célèbres principes de conservation que Piaget et ses collaborateurs ont mis en évidence (conservations de substance, de poids, de volume, de longueur, de surface, etc.) et dont l’acquisition ne débute chez l’enfant qu’à partir de 7 ans, après une longue période d’analyse partielle et de comparaison incomplète.

Les divers systèmes logiques d’opé-

rations, qui s’organisent au stade de l’intelligence abstraite, sont des résultats du développement des attitudes d’analyse et de comparaison.

La sériation résulte de la comparaison des différences de degrés d’une qualité commune à un certain nombre d’objets et consiste dans une mise en ordre de ces différences selon une direction déterminée croissante ou downloadModeText.vue.download 45 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11

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décroissante. Elle implique un espace mental orienté et entraîne comme

conséquence la déductibilité des relations : un terme quelconque de la série est plus petit, par exemple, que tous ceux qui le suivent et plus grand que tous ceux qui le précèdent. La transi-tivité devient possible : si A est plus petit que B et B plus petit que C, A est plus petit que C. Les opérations d’égalisation et d’addition arithmétiques y sont en puissance, ainsi que l’utilisation du moyen terme comme instru-

ment de mesure.

Le classement résulte de la comparaison des objets et de l’abstraction d’une qualité commune qui devient principe de groupement de tous les objets qui la possèdent et à l’exclusion des autres. Et comme chaque objet possède plusieurs qualités, il peut entrer dans de multiples classements, donnant naissance à des systèmes d’emboîtement de classes et à leur hiérarchisa-tion. La définition conceptuelle y est en puissance. Elle implique un espace mental multidimensionnel ordonné.