J. B.
F Carburation / Diesel (moteur).
A. André, la Mécanique automobile moderne (Rangal, Thuillies, 1947). / R. Guerber, l’Automobile, t. I : le Moteur (Technique et vulgarisation, 1959).
Innocent III
(Anagni 1160 - Rome 1216), pape de 1198 à 1216.
L’homme
Les parents de Giovanni Lotario di Segni appartenaient à la haute noblesse romaine. Comme de nombreux autres jeunes ecclésiastiques italiens, il vient suivre les cours de théologie à l’université de Paris, où enseigne alors Pierre de Corbeil ; ensuite, il étudie le droit à Bologne.
À partir de 1185, revenu à Rome,
Lotario parcourt la carrière des honneurs avant d’être nommé cardinal par le pape Clément III (1190). L’avènement de Célestin III, un Orsini ennemi de sa famille, l’écarté momentanément de la vie active, mais, en 1198, à la mort du pontife, les cardinaux donnent à l’unanimité leurs voix à Lotario di Segni, qui, à trente-huit ans, devient le pape Innocent III.
Selon les thèses du jeune pontife, le Sacerdoce doit dominer l’Empire : « De même que la lune reçoit sa lumière du soleil, de même la dignité royale n’est qu’un reflet de la dignité pontificale. »
Cette idée n’est pas nouvelle : elle a été
exprimée déjà par les papes du XIe s. ; ce qui sera original, c’est la volonté de la faire passer dans les faits.
Innocent III voudra faire de la chré-
tienté une réalité ; à la place de princes en lutte les uns contre les autres, il tentera d’imposer la concorde universelle des souverains chrétiens et d’unir leurs efforts pour repousser les ennemis du Christ à l’intérieur comme à l’extérieur du monde chrétien. Mais il ne faut pas oublier que le pape cautionnera l’action des grands réformateurs du temps, tels saint Dominique* et saint Fran-
çois* d’Assise.
L’union de la chrétienté
Le pape porte un soin particulier à régler les problèmes pendants entre l’Empire et la papauté. Il profite de la mort de Henri VI en 1197 pour prendre en Italie la tête d’une croisade antiger-manique ; dans les provinces pontificales, comme en Italie centrale, les re-présentants de l’empereur sont chassés dès la première année de son pontificat.
Dans le Sud, il se fait le protecteur du jeune Frédéric de Hohenstaufen (Fré-
déric II*), fils d’Henri VI, qui règne sur les Deux-Siciles ; mieux : dans l’Empire même, où deux prétendants se disputent la couronne, il soutient Otton de Brunswick contre le frère d’Henri VI, Philippe de Souabe. Mais, après son triomphe en 1208, Otton (Otton IV) veut à son tour reconquérir la péninsule et déposséder Frédéric des Deux-Siciles (1210). Innocent III l’excommunie et suscite contre lui la révolte des villes lombardes ; puis il favorise la candidature impériale de Frédéric, à condition qu’il renonce à régner sur la Sicile, Innocent III redoutant l’union politique entre l’Empire et le sud de l’Italie.
Pour appuyer le Hohenstaufen, le
pape soutient Philippe Auguste* contre Otton, qui est battu à Bouvines (1214).
Le pape entreprend aussi d’impo-
ser sa suprématie aux autres monarchies européennes. Avec la France, les conflits sont nombreux. D’abord au sujet des démêlés matrimoniaux downloadModeText.vue.download 6 sur 577
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11
5727
du roi : Philippe Auguste a répudié sa seconde femme, Isambour de Danemark, et fait annuler son mariage par une assemblée de prélats français complaisants ; il a ensuite épousé Agnès de Méran. Isambour fait appel au pape, et celui-ci exige que le roi reprenne sa seconde épouse. Philippe Auguste ne s’étant pas exécuté, Innocent III n’hé-
site pas, en 1200, à jeter l’interdit sur toute l’étendue du royaume de France.
Le mécontentement est tel parmi les populations que le roi doit céder.
Mais le grand sujet de litige entre Innocent III et Philippe Auguste est l’Angleterre. Au début, le pontife prêche la concorde : il ménage la trêve de Ver-non (1199) entre les adversaires, mais il tente vainement d’empêcher, trois ans plus tard, la conquête par Philippe Auguste des possessions continentales des Plantagenêts. Ensuite, Jean*
sans Terre étant entré en lutte avec la papauté au sujet de la nomination par Rome de Stephen Langton au siège de Canterbury (1207) et d’impositions sur le clergé, Innocent III jette l’interdit sur le royaume et encourage le roi de France à conquérir l’Angleterre.
Philippe Auguste n’attend que cette occasion ; mais à ce moment Jean sans Terre se soumet et se reconnaît vassal du Saint-Siège. Aussitôt, le pape ordonne au roi de France de renoncer à ses projets de débarquement. Philippe Auguste prend sa revanche plus tard, lorsque Jean sans Terre, venu l’attaquer sur le continent, est défait à La Roche-aux-Moines : c’est Innocent III qui le sauve une seconde fois en imposant à son adversaire la paix de Chinon (1214). Furieux, Philippe Auguste fait attaquer le Plantagenêt par son fils, et, de nouveau, le pape s’immisce dans la querelle et excommunie l’héritier du trône.
Avec les autres princes, le pape
adopte la même attitude. Le roi de León Alphonse IX est excommunié
pour avoir épousé une parente ; l’interdit est lancé sur le royaume, et le roi, comme Philippe Auguste, doit plier.
De Pierre II d’Aragon, Innocent III ob-
tient qu’il se reconnaisse, comme Jean sans Terre, vassal de la papauté et, à sa mort, il se déclare tuteur de son jeune fils. Au Portugal, le pape fait revivre les droits jadis conférés au Saint-Siège par la donation d’Alphonse Ier Henriques.
Le pape fait sentir son autorité
jusque dans les royaumes de Hongrie et de Bohême, dont les souverains reconnaissent les droits spéciaux de la papauté sur leurs États.
Les croisades
d’Innocent III
Dans l’esprit d’Innocent III, l’unité de la chrétienté sous l’égide pontificale n’est que la condition préalable d’une plus grande oeuvre, celle de la croisade et du règlement de la question d’Orient.
Le pape essaie patiemment de regagner certains territoires passés aux Orientaux ; ainsi, il réussit à établir l’union avec les Églises d’Arménie, de Bulgarie et de Serbie ; en outre, il rêve d’associer l’empereur de Byzance à une grande croisade* commune
contre les infidèles. En fait, sa politique orientale est un échec : les infidèles ne sont pas repoussés, et l’Empire latin de Constantinople, trop faible et bientôt disparu, ne fera qu’aggraver la haine des orthodoxes à l’égard des Occidentaux.
Innocent III engage également la
lutte contre l’hérésie cathare. Les cathares*, qui prêchent l’absolue pureté de moeurs, le refus des sacrements et de toute autorité cléricale, constituent un danger pour Rome en menaçant de ruiner de fond en comble l’ordre établi. Ils sont particulièrement nombreux dans le Languedoc, dans les États du comte de Toulouse. Contre eux, le pape prêche une croisade : son triomphe est complet.
C’est l’aboutissement des idées
théocratiques d’Innocent III, selon lesquelles les princes relèvent du jugement pontifical à titre privé et public.
Le pape a aussi l’habileté de se servir du lien féodal pour tenir en fie de nombreux royaumes. En matière religieuse, il réclame la soumission absolue ; pour
le temporel, on lui doit l’hommage lige féodal et le versement d’un tribut (le cens récognitif), qui lui assurent la domination. Ainsi, il proclama qu’« en une seule personne, celle du vicaire du Christ, la royauté et le sacerdoce fussent unis comme le corps et l’âme ».