Les langues auxiliaires
internationales
On appelle langues auxiliaires internationales (L. A. I.) des langues créées de ma-nière systématique par une personne ou un groupe de personnes pour permettre l’intercompréhension entre individus de langues différentes quel que soit leur pays d’origine. Le terme de langues artificielles qu’on leur applique quelquefois sert à les opposer aux langues naturelles, ou langues tout court (mais aussi aux sabirs, pid-gins, créoles nés quasi spontanément) ; il a toutefois pour inconvénient de masquer une distinction importante, celle qui existe entre les éléments des L. A. I., qui sont naturels (empruntés aux langues existantes), et les éléments artificiels, créés de toutes pièces par les inventeurs.
À toutes les époques de contacts entre civilisations, on a utilisé des langues naturelles comme langues internationales (le latin par exemple), mais on a aussi tenté de créer des L. A. I., et les spécialistes d’inter-linguistique (discipline qui s’occupe de la création et de l’évolution des L. A. I.) pour-
raient facilement énumérer deux cents systèmes complets. D’une manière générale, tout en proclamant leur caractère international, elles se créent à partir d’une langue ou d’un groupe de langues, auxquels elles empruntent les traits grammaticaux et les radicaux de mots les plus communs, en essayant d’éviter tout ce qui est vraiment trop particulier à une seule langue. Voici à titre d’exemple cinq L. A. I. assez connues.
y Espéranto (créé en 1887 par le docteur Zamenhof [1859-1917]). Les racines des mots (rarement déformées) sont empruntées aux langues européennes, surtout romanes (il existe aussi quelques racines artificielles). Les mots composés se forment régulièrement selon des schémas fixés à l’avance. La terminaison des mots est fixe. Il existe des dizaines d’« espéran-tides », formes rénovées nées de tentatives plus ou moins heureuses d’améliorer l’espéranto.
y Ido (créé par L. Couturat et L. de Beau-front [Paris 1907-1909]). C’est une forme née de l’espéranto, dont elle garde les traits essentiels, avec toutefois une dérivation plus régulière et plus précise et moins de racines artificielles.
y Interlingua (système mis au point par le docteur Alexander Gode de New York et adopté en 1951 par l’I. A. L. A. [International Auxiliary Language Association]). Il emprunte ses racines aux langues naturelles (anglais notamment). Il n’y a pas de fixité des parties du discours, ni de familles régulières de mots : le système de formation des mots est conforme à ce qui existe dans les langues naturelles et, de ce fait, peu régulier.
y Interlingue ou occidental (créé par E. de Wahl [Tallin 1922]). Les racines sont essentiellement romanes. Dérivation et conjugaison sont peu régulières malgré un effort pour introduire des constantes.
y Volapük (créé en 1879-80 par le curé Johann Martin Schleyer [1831-1912]). C’est une langue à racines naturelles déformées (empruntées surtout à l’anglais). Le système de formation des mots composés est arbitraire, et les déclinaisons sont relativement compliquées.
Le succès et les limites des L. A. I.
peuvent se résumer ainsi : les utilisateurs de l’ensemble des L. A. I. sont vraisem-
blablement plusieurs millions dans le monde entier ; ils ont leurs congrès internationaux, leurs émissions de radio, leur presse, leur théâtre, leur littérature. C’est beaucoup... et c’est peu par rapport au but fixé. Le grand nombre de variétés de L. A. I.
confirme l’enthousiasme qu’inspire l’idée en même temps que le manque d’universalité de ses réalisations.
J.-B. M.
A. Meillet et M. Cohen (sous la dir. de), les Langues du monde (Champion, 1924 ; 2e éd., C. N. R. S., 1952). / P. Burney, les Langues internationales (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961).
Languedoc
Pays du sud de l’ancienne France.
Les origines
Vocable apparu au XIIIe s. pour nommer l’ensemble des pays d’expression occitane, le mot Languedoc désigne essentiellement les territoires s’étendant entre le Rhône et la Garonne, entre la Méditerranée et le Massif central, en y incluant le Velay, le Gévaudan et le Vivarais. Constituant à l’origine la moitié occidentale de la province de Gaule Narbonnaise, formée vers 120-118 av. J.-C. autour de la via Domitia, axe routier qui unit l’Italie à l’Espagne, le Languedoc est l’objet d’une intense romanisation, marquée par la création de nombreuses colonies, dont les plus célèbres sont celles de Narbo Martius (auj. Narbonne) en 118-117 av. J.-C.
et de Nemausus (Nîmes). Le futur Languedoc est occupé par les Vandales (407-409), puis par les Wisigoths, qui s’y établissent à partir de 413, enfin par les Francs, qui n’annexent que sa moitié occidentale, au lendemain de Vouillé en 507. Il échappe en fait aux consé-
quences des grandes invasions jusqu’à l’arrivée des Arabes, qui occuperont à partir de 713 le Bas-Languedoc (prise de Narbonne en 719), entraînant par contrecoup l’intervention destructive de Charles Martel, puis son annexion par Pépin le Bref en 759. Incorporé par Charlemagne en 778 au royaume d’Aquitaine, qu’il protège contre les invasions sarrasines par la constitution de la Marche d’Espagne, le Languedoc est repeuplé au VIIIe et au IXe s. par des
immigrants espagnols.
L’âge féodal
Le Languedoc, région excentrique de l’Empire carolingien, est naturellement l’une des premières régions à s’émanciper au IXe s. en principautés féodales pratiquement indépendantes. La plus importante est le comté de Toulouse, qui se constitue en État en 924 lorsque le comte Raimond III Pons (v. 900-v. 950/951) annexe le marquisat de Gothie, c’est-à-dire la Leptimanie, et devient ainsi le maître de la majeure partie des terres languedociennes. Menacé par les ambitions territoriales des ducs d’Aquitaine et des comtes de Barcelone, affaibli pendant longtemps par des partages successoraux, le comté de Toulouse, qui inclut le comté de Narbonne, s’accroît en 1093 du marquisat de Provence et reste stable dans ses limites jusqu’au traité de Paris de 1229, qui incorpore au domaine royal les sé-
néchaussées de Nîmes-Beaucaire et de Béziers-Carcassonne et prépare l’annexion du comté de Toulouse, qui est effective en 1271 à la mort d’Alphonse de Poitiers et de Jeanne de Toulouse.
Le Languedoc, qui est écartelé géographiquement entre le bassin d’Aquitaine et le Midi méditerranéen, doit son unité à sa fidélité au droit romain et écrit, à l’usage général de dialectes downloadModeText.vue.download 566 sur 577
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11
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dérivés du latin classique, à la permanence de ses structures agraires et de ses pratiques culturales (assolement biennal), à l’importance de son semis urbain, hérité de l’époque romaine, à la vigueur de sa vie municipale, stimulée par l’apparition des premiers consulats vers 1130, au raffinement de sa vie intellectuelle, animée par les troubadours.
Sanctuaire privilégié de l’héré-
sie cathare, combattu d’abord par saint Dominique, le Languedoc est en grande partie ruiné par la croisade contre les albigeois (v. cathares), qui facilite son annexion en deux temps au