L’histoire de cette période est des plus confuses, les diverses sources montrant de profondes divergences dans la chronologie aussi bien que dans la relation des faits. Après la situation anarchique qui, durant une dizaine d’années, suit la mort de Thammikarat, le long règne de son arrière-petit-neveu Suliyavongsa (1637-1694) ramène la grandeur et un calme relatif dans le royaume, dont la richesse frap-pera d’admiration les premiers voyageurs européens, le commerçant hollandais Gerrit Van Wusthoff (1641) et le jésuite italien J. M. Leria (1641-1647). La mort de Suliyavongsa, sans autres héritiers que deux petits-fils en bas âge, déclenche des rivalités qui aboutiront, vers 1711-1731 (?), à la constitution des trois royaumes de : Luang Prabang, qui se rapprochera de la Chine, puis d’Ayuthia (le Siam des auteurs européens) ; Vientiane, qui acceptera la suzeraineté du Viêt-nam ; Champassak, vassal du Cambodge,
soutenu par le Siam, et qui, généralement à l’écart des grands événements, est omis par la plupart des historiens...
y De la scission à l’intervention française (du début du XVIIIe s. à 1885). Marquée par les rivalités opposant Vientiane et Luang Prabang, cette longue période est dominée
par les interventions des puissances voisines. Quelques-uns des faits les plus saillants d’une histoire fort complexe peuvent, seuls, être notés : à Vientiane, Sai Ong Hué et ses successeurs, prenant le parti des Birmans qui envahissent Luang Prabang avant d’attaquer le Siam (prise d’Ayuthia, 1767), s’aliènent les Siamois, qui, dès 1778, réagiront durement, occupant le royaume et s’emparant des statues tu-télaires, le Pra Bang et le Pra Kèo. Si, en 1782, Vientiane recouvre sa souveraineté et si le Pra Bang est restitué, le Pra Kèo demeurera définitivement à Bangkok*, la nouvelle capitale. Vien-
tiane ayant envahi Luang Prabang et annexé les Hua Phan (1791), le Siam lui impose, à partir de 1795, des souverains de son choix. Intronisé en 1805, Chao Anu obtiendra pour son fils, prix de l’aide apportée dans la répression d’une révolte des Khas, le trône de Champassak (1819). Croyant pouvoir profiter d’une tension entre l’Angleterre et Bangkok pour recouvrer l’indépendance, il attaquera brusquement le Siam en 1826. La
contre-attaque le contraindra à la fuite (1827). Capturé, il mourra à Bangkok, tandis que, Vientiane détruite, les populations transférées massivement, le royaume deviendra terre siamoise (1828).
Tandis que Champassak semble
bénéficier d’une situation privilégiée jusqu’au début du XXe s., Luang Prabang connaît au XVIIIe s., indépendamment de problèmes de succession, de graves difficultés du fait de la Birmanie. Les invasions de 1753 et de 1771
amènent la signature d’un traité avec le Siam (1774), puis la reconnaissance de la suzeraineté siamoise (1778). En 1828, Mantha Thurat (1817-1836)
s’efforcera de rester à l’écart du conflit opposant Bangkok et Vientiane et se rapprochera discrètement de la cour de Huê. Cette politique prudente est favorable au royaume, qui rétablit son autorité sur le Trân Ninh (1851), se voit restituer le Pra Bang par le roi Rāma IV Mongkut (1867), reçoit la visite du naturaliste Henri Mouhot (1861) et la mission dirigée par Ernest Doudart de Lagrée (1866-1868). Mais la situation intérieure se dégrade bientôt, conduisant Bangkok à une action de plus en plus directe : en 1872, l’invasion du Trân Ninh par les Hos, la prise de Xieng Khouang et de Xieng Kham par les Pavillons-Rouges amènent une première répression ; la multiplication des désordres dans le Nord, une révolte des Khas (1876) aboutissent à l’intervention armée dans tout le Nord-Est (1883-1885). En résultera l’intervention française.
Le Laos et la présence française
Le souci de garantir la frontière Laos-Viêt-nam va opposer la France, dont la cour de Huê vient d’accepter le pro-
tectorat (1883), et le Siam, suzerain des royaumes laos. Une longue tension conduira la France à intervenir toujours davantage dans les affaires du Laos. En 1885, le Siam accepte la création d’un vice-consulat français à Luang Prabang. Le poste sera confié à Auguste Pavie (1847-1925), qui le rejoindra en 1887. Au cours de trois « missions »
(1887-1895), ce dernier s’efforcera de réaliser la liaison Mékong-Tonkin et de préciser la frontière tonkinoise.
De nombreux incidents, qui inquiètent l’Angleterre, maîtresse de la Birmanie, éclatent avec le Siam. Ceux qui sont consécutifs à l’occupation française de la rive gauche du Mékong entraîneront une démonstration navale devant Bangkok, suivie de la signature d’un traité franco-siamois reconnaissant l’autorité de la France sur la rive contestée (3 oct.
1893). Les problèmes territoriaux, fort complexes, sont loin d’être résolus. Pas plus qu’un nouveau traité franco-siamois (1902), l’accord de 1904, suivi d’une convention franco-britannique (Entente cordiale) qui définissait des zones d’influence française et anglaise au Siam, n’apportera de solution satisfaisante, et le traité franco-siamois de 1907 arrêtera les frontières actuelles sans satisfaire les intéressés. Bien que non ratifiées, les conventions franco-lao de 1914 et de 1917 fixeront le statut juridique du Laos, ou plus proprement du royaume de Luang Prabang, où,
successeur de son père Chao Sakharine (1888-1903), régnera jusqu’en 1959 le roi Sisavang Vong.
En 1940-41, les hostilités francothaïlandaises aboutissent à la cession à la Thaïlande* (nom officiel du Siam depuis 1939) des territoires de la rive droite du Mékong (traité de Tōkyō, 9 mai 1941). En 1945, le coup de force japonais met momentanément fin à
l’administration française, mais fait naître dans le sud du Laos une résistance armée animée par le prince Boun Oum de Champassak (né en 1911). À
la capitulation du Japon, un mouvement d’indépendance nationale, constitué à Vientiane, forme un gouvernement provisoire qui, la ville reprise par les forces franco-lao, se repliera en Thaïlande et se transformera en mouvement de résistance (Lao Issara). Le 27 août 1946, un modus vivendi provi-
soire accorde au royaume l’autonomie interne, tandis que le prince Boun Oum, renonçant à ses droits sur le royaume de Champassak, permet la réalisation de l’unité lao. En 1947, une Constitution démocratique est promulguée, et, le 19 juillet 1949, une convention générale franco-lao consacre l’indé-
pendance du royaume dans le cadre de l’Union française ; un traité d’amitié et d’association la remplacera en 1953. Si l’admission à l’O. N. U. confirme l’indépendance le 14 décembre 1955, le royaume s’est vu progressivement entraîné dans la guerre d’Indochine*
(invasions Viêt-minh de 1953).
Le Laos depuis l’indépendance
Les accords de Genève (21 juill. 1954) avaient rendu au royaume les territoires occupés par le Viêt-minh, mais les forces du Pathet Lao du prince Souphanouvong (né en 1902) main-tiendront la présence communiste dans le Nord. S’opposeront à elles les forces nationalistes du capitaine Kong Le (né en 1934), dans un État qu’une aide économique inadaptée aux besoins réels a conduit à une redoutable inflation. En 1959, au début du règne de Savang Vat-thana, la situation est devenue si grave que les grandes puissances (conférence des « 14 » à Genève, 16 mai 1961) favorisent la formation d’un gouvernement d’union nationale groupant les partisans de l’autorité royale (prince Boun Oum), ceux du Neo Lao Hak Sat (NLHS, issu du Pathet Lao du prince Souphanouvong) et les neutralistes dirigés par le prince Souvanna Phouma (né en 1901), qui devient le chef du gouvernement (12 juin 1962). La
neutralité et l’indépendance du Laos sont réaffirmées ; mais les développements de la guerre du Viêt-nam amè-