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et parlait même de « révolutions incessantes ». C’est en fait le modèle classique de l’économie capitaliste qui est remis en cause par la production systématique d’innovations. L’amélioration incessante des produits existants fait qu’une nouvelle forme de concurrence vient s’ajouter à la concurrence par les prix : la concurrence par la qualité. La production et la commercialisation de nouveaux produits

autorisent des situations de monopole plus ou moins longues et introduisent une troisième forme de concurrence par les produits ; ainsi, l’industrie chimique avec la production de textiles artificiels est entrée en concurrence avec l’industrie textile traditionnelle. Le renouvellement constant des produits donne également un sens nouveau au concept de maximation du profit : les profits les plus importants sont en effet réalisés pendant la période de monopole. L’attraction d’un produit-marché étant d’autant plus grande que ses profits sont élevés, l’entrepreneur devra arbitrer entre des profits très importants pendant une très courte période ou des profits plus faibles durant une période plus longue. Le coût énorme des activités de recherche indispensables pour produire des innovations favorise les grandes entreprises et augmente considérablement le rôle économique de l’État : assurant la plus grande partie des dépenses de recherche, l’État peut en effet orienter la politique d’innovation et notamment choisir les industries et les produits de demain.

M. B.

L’entreprise et

l’innovation

Les profits de l’entreprise suivent les cycles de vie de ses produits. Une entreprise qui se borne à produire et à vivre sur son acquis disparaît ou est victime d’absorption. Elle doit innover, non seulement dans le domaine de ses produits, mais aussi dans ses processus et techniques de commercialisation, afin d’augmenter constamment sa productivité. Si l’on peut dire que, dans les entreprises françaises, la nécessité de l’innovation en matière de sortie de produits nouveaux est assez bien comprise, il n’en est pas toujours de même en ce qui concerne les techniques de production* et d’organisation.

Cette réticence est due en partie à la nature de l’homme, plus enclin à suivre une habitude qu’à se lancer dans une voie inconnue s’il n’y est pas absolument contraint. Les structures des entreprises, leur hiérarchie parfois figée ne favorisent pas l’esprit novateur dans la mesure où innover devient un risque qui peut avoir un retentissement sur la carrière des individus employés

par cette entreprise. L’innovation, par les remises en cause qu’elle entraîne, risque de bouleverser les situations acquises et de modifier certaines pré-

rogatives. Pour le bas de la hiérarchie, enfin, progrès technique reste, dans les esprits, synonyme de suppression d’emploi.

La formation supérieure n’est géné-

ralement pas orientée vers la créativité, mais vers l’apprentissage de réflexes rationnels et le développement de l’esprit critique. De nombreuses innova-downloadModeText.vue.download 8 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11

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tions devenues des éléments de notre vie quotidienne ne sont pas dues à des spécialistes, mais souvent à des individus qui ignoraient tout de la technique mise en cause.

Pour franchir l’obstacle, il est né-

cessaire, au niveau de l’entreprise, qu’une action particulière soit menée pour doter l’entreprise d’un appareil innovateur opérationnel. Au cours de la décennie 1960-1970, on a vu de nombreux spécialistes essayer de mettre sur pied des méthodes qui permettraient d’augmenter le potentiel innovatif de l’entreprise. Les recherches portèrent essentiellement sur la mise en place de structures favorisant l’innovation, sur la stratégie de l’innovation et sur la mise en condition des innovateurs par l’utilisation de méthodes spécifiques de

« créativité ».

y La mise en place de structures

d’innovation dans l’entreprise doit répondre à plusieurs impératifs :

— la politique d’innovation fait partie intégrante de la politique de l’entreprise ; elle doit être pensée (et non laissée au hasard), et ses objectifs doivent être clairement définis, même si les solutions peuvent être imprévisibles ;

— la structure d’innovation ne doit pas être permanente, mais plutôt être créée chaque fois qu’un problème précis apparaît ;

— la structure d’innovation doit être

extérieure au cadre traditionnel (qu’il soit opérationnel ou fonctionnel) sous-tendant l’entreprise ;

— les hommes qui composent la structure d’innovation doivent être fré-

quemment renouvelés ;

— la structure peut ne pas être unique ; il peut y avoir en parallèle plusieurs structures qui essaient de résoudre des problèmes spécifiques ;

— la structure d’innovation doit, au minimum, se composer d’un chef

d’équipe, d’un technicien (spécialisé dans les processus de fabrication), d’un analyste financier, d’un spécialiste de marketing. Cette équipe doit naturellement faire appel à d’autres spécialistes chaque fois qu’elle bute sur un problème.

y Une équipe de ce genre (on l’a appelée « équipe à l’aventure »), créée pour résoudre un problème déterminé, doit suivre un processus fixé d’avance et pratiquement immuable, une straté-

gie de l’innovation.

Dans la phase de sélection, l’équipe d’innovation essaye de définir les besoins du marché et le potentiel de l’entreprise sur le plan technique et commercial. Pour cela, elle s’efforce de définir un crible composé d’un certain nombre de critères auxquels devront correspondre les marchés

retenus. Partant de ces données, une hypothèse d’étude est sélectionnée ; il s’agit de voir si le produit retenu peut être absorbé par le marché et si, par ailleurs, la firme a la possibilité de le produire et de le lancer. De cette phase procédera la décision de continuer la recherche ou de repartir d’une nouvelle hypothèse.

Si la décision de continuer est prise, on cherche à adapter le produit au marché dans ses moindres détails, et une série de tests sont faits. S’ils sont satisfaisants, on procède à l’évaluation du coût du produit, à la campagne promo-tionnelle et au lancement.

Il est évident que la mise en place d’une structure de ce type doit s’accompagner de nombreuses mises

en condition au sein de l’entreprise et d’une formation particulière des membres de l’« équipe à l’aventure ».

y Il convient d’assurer la formation des hommes aux méthodes de créativité. Les méthodes de « créativité »

sont devenues nombreuses de nos

jours. On peut cependant donner un aperçu de leurs points communs et un catalogue, certes incomplet, des principales d’entre elles.

Les méthodes systématiques procè-

dent essentiellement par recensement et par modifications des caractéristiques d’un objet ou d’un procédé. Si l’on prend, par exemple, une série de produits a, b, c, d ayant les caracté-

ristiques A, B, C, D, on essayera de combiner les différents produits et les différentes caractéristiques jusqu’à ce qu’un nouveau produit viable en sorte (méthode des attributs).

Une autre méthode consiste à utiliser une liste d’actions types (méthode des listes de contrôle), par exemple : rechercher d’autres usages, adapter, modifier, augmenter, diminuer, substituer, arranger, inverser, combiner, dissocier.

Les méthodes intuitives cherchent à stimuler le fonctionnement du cerveau humain en éliminant les blocages qui peuvent s’y produire. Les deux méthodes les plus connues sont celles d’A. F. Osborn, le « brainstorming », et celle de W. Gordon, la « synectique ».

Ces méthodes, qui ont pour but de délier l’imagination, s’appuient sur les principes suivants :

— le processus de la découverte n’est pas en réalité le fruit du hasard ; il peut donc être reproduit volontairement ;