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En 1617, il épouse Diane Le Nerf,

fille de l’argentier du duc de Lorraine, et en 1620 obtient de ce dernier des lettres d’exemption pour s’installer à Lunéville. Des enfants naissent ; l’un d’eux, Étienne (1621-1692), peintre comme son père et associé à ses travaux, sera anobli par Charles IV en 1670. Des achats de tableaux par le duc Henri II sont signalés en 1623 et 1624. À partir de 1631, la peste et la guerre de Trente Ans ravagent la Lorraine, où Louis XIII séjourne en 1632

et 1633. Lunéville est brûlée et pillée en 1638. Les rares mentions concernant La Tour pendant ces années d’horreur laissent supposer qu’il a quitté la ré-

gion, très probablement pour Paris, car un acte de 1639 le qualifie de « peintre ordinaire du roy ». Une notice de Dom Calmet (1672-1757) rappelle dans la Bibliothèque lorraine, en 1751, que La Tour « présenta au Roi Louis XIII

[...] un Saint Sébastien dans une nuit, cette pièce était d’un goût si parfait que le Roi fit ôter de sa chambre tous les autres tableaux [...] ». À partir de 1644, Lunéville offre presque chaque année au gouverneur français de la Lorraine, le maréchal de La Ferté-Senneterre, un tableau du maître lorrain (1644 : Nativité ; 1648 : Saint Alexis ; 1649 : Saint Sébastien ; 1650 : Reniement de saint Pierre). L’importance attachée aux oeuvres de La Tour est également prouvée par leur présence dans d’importantes collections : celles de l’archiduc Léopold Guillaume (Saint Pierre repentant, inventaire de 1659), de Louvois* (« Nuit », inventaire de 1691), de Le Nôtre* (« Nuit », inventaire de 1700).

Près de trois siècles d’oubli suivent sa mort. Éclipse due aux malheurs de la Lorraine, mais aussi à l’évolution du goût : l’art officiel de Versailles, les fêtes galantes du XVIIIe s., les héroïsations néo-classiques n’incitent guère à comprendre ces nocturnes austères et cette méditation introspective. Au XIXe s., la résurgence du réalisme va de pair avec un certain intérêt pour des

tableaux longtemps négligés et dont les attributions sont souvent erronées. À

Nantes, Stendhal* remarque le Joueur de vielle, qu’il croit de Vélasquez*, et note : « Ignoble et effroyable vérité. »

Taine*, en 1863, consacre trois pages de ses carnets de voyage au Nouveau-Né du musée de Rennes, et Louis

Gonse, en 1900, rapproche cette toile du Prisonnier d’Épinal. Mais la personnalité de l’auteur demeure ignorée. Ce sont les érudits du XXe s., de Hermann Voss à François Georges Pariset, qui, exhumant les documents d’archives et confrontant les oeuvres, ressuscitent La Tour, malgré l’antinomie de ces peintures sereines et du personnage violent et intéressé suggéré par les textes.

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Trente-deux toiles lui sont maintenant attribuées, mais le chemin qu’elles ont parcouru avant de nous parvenir est aussi incertain que leur chronologie. Deux seulement sont datées : les Larmes de saint Pierre (1645, musée de Cleveland) et le Reniement de saint Pierre (1650, musée de Nantes), peut-

être celui qui appartint au maréchal de La Ferté. On accorde actuellement une antériorité aux peintures diurnes où se lisent des emprunts au Caravage* : le cavalier des Tricheurs « à l’as de carreau » (Louvre) et « à l’as de trèfle »

(coll. priv., Genève) est frère de l’adolescent boudeur de la Vocation de saint Matthieu.

En 1960, l’achat d’une autre pein-

ture diurne, la Diseuse de bonne aventure, par le Metropolitan Museum

de New York, s’est accompagné de

controverses sur son authenticité.

La sensibilité contemporaine appré-

cie chez La Tour cette « intelligence plastique » que lui reconnaît André Lhote, l’esprit de géométrie présidant à la répartition des zones d’ombre et de lumière, la vibration des grands pans de couleurs, les stylisations monumentales (Job raillé par sa femme, musée

d’Épinal) et cette apparence de statues nocturnes qui éternise les gestes dans Saint Sébastien et sainte Irène (deux exemplaires : musée de Berlin et église de Broglie). Il dépouille de toute dramatisation les antithèses chères aux caravagistes : le vieillard et l’enfant, la flamme et l’obscurité, la vie et la mort.

Sous leurs paupières à demi baissées, ses personnages poursuivent une méditation angoissée, ou échangent entre eux des interrogations secrètes. Dans ce temps de rapines et de violence qu’évoquent les soudards du Reniement de saint Pierre, La Tour semble introduire toute la pitié du monde.

S. M.

P. Jamot et T. Bertin-Mourot, Georges de La Tour (Floury, 1942). / F. G. Pariset, Georges de La Tour (Laurens, 1949). / P. Rosenberg, Georges de La Tour (Fribourg, 1973). / J. Thuillier, Tout l’oeuvre peint de Georges de La Tour (Flammarion, 1973). / B. Nicolson et C. Wright, Georges de La Tour (Londres, 1974).

La Tour (Maurice

Quentin de)

F SAINT-QUENTIN.

Lattre de Tassigny

(Jean-Marie

Gabriel de)

Maréchal de France (Mouilleron-en-

Pareds, Vendée, 1889 - Paris 1952).

Celui dont toute la vie allait illustrer l’exigeante devise qu’il s’était choisie : « Ne pas subir » était de souche vendéenne, de ce même bourg où quarante-huit ans plus tôt était né Georges

Clemenceau*. Après de brillantes études à Poitiers, il est attiré d’abord par une vocation de marin, mais doit y renoncer à la suite d’un accident de santé et se présente à Saint-Cyr, où il est reçu quatrième en 1908. Ayant opté pour la cavalerie, il est affecté en 1912, après son passage à Saumur, au 12e dragons, avec lequel il entre en campagne en 1914.

Au cours d’une reconnaissance, le

peloton de Lattre disperse le 14 septembre un parti de cuirassiers bavarois, mais son chef tombe, frappé au poumon de deux coups de lance. Pansé et caché à Pont-à-Mousson, il y sera recueilli par une patrouille du 5e hussards et soigné à Nancy par Mme Weygand, dont le mari vient de quitter ce régiment pour devenir chef d’état-major de Foch*.

La guerre de tranchée condamnant les cavaliers à l’inaction, c’est dans l’infanterie qu’à la fin de 1915 de Lattre reprend le combat. En 1916, il commande une compagnie de Vendéens

du 93e et est encore blessé à Verdun, où il apprendra pour toujours de quelle misère et de quelles souffrances se paie une victoire ; il la connaîtra en 1918

à la tête d’un bataillon après avoir été quatre fois blessé et huit fois cité. En 1921, il est volontaire pour le Maroc, où, à Meknès, à Fez puis comme chef downloadModeText.vue.download 29 sur 573

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d’état-major à Taza en 1925 lors de la campagne du Rif (où il est encore blessé), il découvrira la nécessaire conjugaison de l’action politique et des opérations militaires. Promu commandant en 1926, il rentre en France, prend la tête d’un bataillon du 4e régiment d’infanterie à Coulommiers, se marie et est reçu en 1927 à l’École de guerre.

Comme Juin, toutefois, il supporte mal un enseignement trop conformiste,

fondé sur les seuls impératifs de la technique des armes et la seule expé-

rience incomplètement analysée de la dernière guerre. Pour de Lattre, que la vie et l’action dévorent et qui possède une étonnante puissance de vibration, la liberté d’esprit, le refus de tout a

priori et surtout la connaissance des hommes constituent autant d’éléments essentiels à la formation du chef de guerre. En 1933, le général Weygand*, nommé vice-président du Conseil

supérieur de la guerre, appelle à son cabinet le lieutenant-colonel de Lattre, qu’il charge, à l’échelon suprême, de préparer et de suivre les grands exercices stratégiques et tactiques. Promu colonel en 1935, de Lattre prend à Metz la tête du 151e régiment d’infanterie : bousculant bien des routines, il donne à ce corps un brio et un panache exceptionnels, y imprimant sa marque personnelle, faite autant de séduction que d’autorité. Après un an au Centre des hautes études militaires en 1938, de Lattre est nommé général en mars 1939 : il a cinquante ans et est le plus jeune général de l’armée française.