L’industrie est pour Laval un meilleur soutien. Elle brilla autrefois avec le travail du lin, encouragé par la culture de la plante dans la région, l’appel au XIIIe s. à des « tissiers » flamands, les exportations de toiles vers le monde méditerranéen et les Amériques. Les guerres de la Révolution et de l’Empire et la concurrence du coton lui ont été fatales : Laval n’a conservé de sa vieille fortune textile que quelques spécialités dans la filature, le coutil à matelas, le vêtement de travail, la toile à parasol. Mais la décentralisation parisienne a pris le relais depuis vingt ans.
La facilité de desserte avec la capitale, l’abondance de la main-d’oeuvre féminine, la pratique courante de salaires dont on a dit qu’ils étaient les plus bas de France ont suscité des implantations nombreuses ; 3 000 emplois nouveaux étaient créés entre 1956 et 1966. Laval fabrique, dans des usines modernes, du matériel téléphonique, des récepteurs de radio et de télévision, des radiateurs et des carrosseries automobiles, des pièces de fonderie, des pompes, des cartouches de chasse, des colles et des vernis, de la chemiserie, des bas, de la ganterie, des moquettes, des meubles.
Avec une importante laiterie et deux imprimeries, l’industrie employait à Laval, en 1962, 36 p. 100 des actifs ; en 1968, 43 p. 100.
Laval est aussi une belle ville, trop vite traversée. Son château comme sa cathédrale, dominant ses vieux quartiers de rive droite, sont deux remarquables édifices composites, le premier accolant à une rude construction féodale un élégant logis Renaissance, la seconde juxtaposant des éléments architecturaux variés du roman au
moderne. Des demeures du XVe s.
en encorbellement revêtues de pans d’ardoise, des hôtels Renaissance, des immeubles du XVIIIe s. bordent des rues étroites à l’intérieur de remparts
du XIVe s., dont subsistent de beaux vestiges (porte Beucheresse, tour
Renaise). Extra-muros, une basilique romane (Notre-Dame-d’Avénières)
et trois églises (Saint-Martin, Notre-Dame-des-Cordeliers, Saint-Vénérand) parent d’anciens faubourgs. Coupant la ville d’est en ouest, une perspective moderne de la fin du XVIIIe s. et du début du XIXe (place du 11-Novembre) double la vieille artère marchande de la Grande-Rue. Une promenade
(Changé), des jardins (roseraie de la Perrine) accompagnent la Mayenne.
Laval a vu sa population s’accroître notablement : d’un dixième entre 1968
et 1975. Son brusque décollage a fait prédire pour elle un avenir nouveau.
Mais elle n’a pu atteindre en 1975 les 70 000 habitants que le plan d’action régionale des Pays de la Loire lui attribuait en 1965. L’ère des grands transferts s’est close. La lourdeur du marché de l’emploi place Laval dans un régime d’aides de l’État à la décentralisation très substantiel, révélateur de difficultés chroniques d’embauche.
Du moins, en diversifiant son éventail socio-professionnel, n’est-elle plus la ville sclérosée de tisserands, de notaires et de retraités qu’elle fut.
Elle s’étend. Des quartiers nouveaux se créent, donnant à l’ouest et au sud-est la priorité au collectif de masse (Z. U. P. des Fourches, 875 logements ; Z. U. P. Saint-Nicolas, 2 600).
Cinq zones industrielles s’équipent sur 134 hectares, au nord-est surtout, de part et d’autre de la gare (Saint-Melaine, 52 ha ; les Touches, 65 ha).
Une banlieue s’esquisse, englobant à l’ouest, sur la route de Rennes, Saint-Berthevin (5 039 hab.). Un district urbain, récemment constitué, groupe vingt communes. Laval a amorcé une croissance qui laisse loin derrière elle plusieurs siècles de léthargie.
Y. B.
F Loire (Pays de la) / Maine / Mayenne.
Lavigerie
(Charles)
Prélat français (Bayonne 1825 - Alger 1892).
Issu d’une moyenne bourgeoisie de
fonctionnaires, Charles Lavigerie est ordonné prêtre à Paris en 1849. Docteur ès lettres (1850), docteur en théologie, il professe de 1852 à 1861
l’histoire ecclésiastique à la faculté de théologie de la Sorbonne, participant activement au renouveau de la culture cléricale par une apologétique accordée au mouvement des idées ; à partir de 1857, Lavigerie dirige l’oeuvre des Écoles d’Orient ; en 1860, il se rend en Syrie visiter les chrétiens qui viennent de subir les violences des Druzes.
Nommé auditeur de rote pour la
France (1861), Lavigerie informe le Quai d’Orsay des développements de la question romaine. En 1863, il est promu évêque de Nancy. Il reste assez proche du catholicisme libéral, repré-
senté par H. Maret et G. Darboy. En 1866, sur la proposition de Mac-Mahon, il accepte l’archevêché d’Alger, son voyage en Orient l’ayant sensibilisé aux questions missionnaires.
D’emblée, il se trace un plan d’évangé-
lisation de l’Algérie, porte ouverte sur un continent de 200 millions d’âmes.
Pour atteindre son but, l’archevêque mène campagne contre l’administration militaire des Bureaux arabes et obtient de Napoléon III la reconnaissance officielle du principe des oeuvres de charité en Algérie. En 1868, le Saint-Siège lui accorde la délégation apostolique du Sahara et du Soudan ; la même année, Lavigerie ouvre le premier noviciat des Missionnaires d’Afrique (Pères blancs) ; en 1869, la création des Frères agriculteurs et des Soeurs agricultrices complète la société des Pères blancs.
Mais les frères disparaissent assez vite : quant aux Soeurs agricultrices, elles se transforment en congrégation des Soeurs blanches, de type nettement apostolique. L’esprit que Lavigerie insuffle à ces missionnaires est celui d’un rapprochement avec les indigènes en tout ce qui est compatible avec la foi et la morale chrétiennes.
L’avènement de Léon XIII en 1878
est pour l’archevêque d’Alger une
étape capitale, un accord fondamental s’étant tout de suite établi entre lui et le nouveau pontife, dont la première encyclique, Inscrutabili Dei consilio (21 avr. 1878), définit l’Église catholique comme source de la vraie civili-
sation. C’est dans cette perspective que l’archevêque développera son action.
Il s’agit d’abord pour lui d’implanter l’Église en Afrique continentale ; pour cela, il envoie des missionnaires dans le Soudan occidental (beaucoup sont massacrés), puis vers le Tanganyika et l’Ouganda, où de florissantes chrétientés s’épanouiront. Le second objectif africain de Lavigerie est la lutte antiesclavagiste : les Pères blancs rachètent des enfants de l’esclavage pour les élever et les préparer à l’évangélisation de leurs frères de race ; l’archevêque conseille l’Association internationale africaine et, en 1888, mène à travers le monde une campagne d’information qui provoque et inspire la conférence internationale antiesclavagiste de Bruxelles (1889-90), prélude à la disparition presque générale de l’esclava-gisme en Afrique.
Cardinal en 1882, Lavigerie ob-
tient, après la conquête de la Tunisie, que le nouvel archidiocèse de Carthage soit uni en sa personne au siège d’Alger (1884). Son prestige est tel que Léon XIII va l’utiliser pour faire accepter par les catholiques français le principe du ralliement* à la république.
Pour comprendre l’attitude du fondateur des Pères blancs, il faut se souvenir que les catholiques de droite étaient opposés à l’expansion coloniale de la France, expansion que favorisaient au contraire les républicains opportunistes, Jules Ferry* en tête. Cependant, c’est à contrecoeur que Lavigerie, le 12 novembre 1890, en son palais d’Alger, prononce en présence de quarante officiers de l’escadre de la Méditerranée un toast par lequel il demande aux catholiques français d’accepter les institutions de leurs pays afin de prendre une part déterminante aux affaires publiques.
Lavigerie subit alors l’assaut géné-