application.
Nulle voix ne s’élèvera jamais pour lui refuser le premier rang parmi les chimistes les plus célèbres de tous les temps et de tous les pays. »
Georg Ernst Stahl
Médecin et chimiste allemand (Ansbach 1660 - Berlin 1734). Auteur, en médecine, de l’animisme, il développa en chimie la théorie du phlogistique, qui ne résista pas aux travaux de Lavoisier.
Administrateur
Les travaux de science pure qui ont fait passer le nom de Lavoisier à la posté-
rité ne doivent pas faire oublier son action dans les administrations dont il a la charge, celle des poudres et salpêtres et celle des tabacs. Il fait étudier à la pou-drerie d’Essonnes l’amélioration des poudres noires, puis réussit à quintupler la production du salpêtre en France par le développement des nitrières artificielles. Ses rapports d’inspection aux Manufactures royales de tabac de Dunkerque, Valenciennes et Morlaix, ainsi qu’à l’entrepôt de Rennes, sont remplis de judicieuses propositions pour le perfectionnement des préparations des tabacs à priser et à mâcher. Précurseur de la mécanisation, il suggère l’emploi
du vent pour actionner les moulins à poudre jusqu’alors mus à la main.
Après la mort de Lavoisier, sa
femme, qui avait été emprisonnée,
mais qui retrouva assez vite ses biens, s’attacha à défendre sa mémoire et à mettre à jour les manuscrits inachevés. (Elle avait appris l’anglais pour lui traduire les mémoires de J. Priest-ley et de Cavendish.) Mais, en 1805, elle épousa le physicien américain Benjamin Thompson, comte Rumford
(1753-1814).
R. T.
M. Daumas, Lavoisier (Gallimard, 1941).
/ R. Dujarric de La Rivière, Lavoisier économiste (Masson, 1949). / H. Montias, Lavoisier (Gauthier-Villars, 1964). / L. Scheler, Lavoisier (Seghers, 1964). / M. Berthelot, la Révolution chimique : Lavoisier (Blanchard, 1965). / L. Vel-luz, Vie de Lavoisier (Plon, 1966).
Law (John)
Financier écossais (Édimbourg 1671 -
Venise 1729).
Ce fils d’un orfèvre écossais res-
semble à un banquier du grand siècle auquel un Casanova aurait prêté sa séduction. De son père et du monde des manieurs d’argent enrichis par l’escompte et l’échange, il tient la passion des questions monétaires. Son esprit agile excelle très tôt à l’analyse des mécanismes bancaires.
Par sa mère, il touche à l’aristocratie : beau, il sait aussi charmer ; ami du plaisir, il garde la tête froide au milieu des fêtes les plus folles. Il est joueur et c’est pour lui une manière de duel.
Il sait aussi tirer l’épée : la mort d’un de ses adversaires lui vaut à vingt-quatre ans de connaître les prisons du Royaume-Uni. Son évasion est trop
aisée pour ne pas avoir été facilitée.
Désormais, il court l’Europe.
Il va à Amsterdam, à Paris, à Venise, à Gênes et à Naples. En Hollande, il apprend la finance, en Italie les tripots ; partout, il côtoie les princes et fuit devant leur police. Il en est de même en France, où sa trop grande expérience des cartes le rend suspect. Expulsé, il revient en 1716. C’est l’époque de la Régence ; le duc d’Orléans est attiré par le personnage ; il le laisse appliquer ses idées, la France devient militante du « système ».
Le royaume se débat dans une crise financière. Law propose une solution simple et rapide. L’État est riche si le pays est prospère ; ce dernier le devient si la monnaie est suffisamment abondante. Le stock de monnaie métallique détenu par les habitants du royaume peut s’accroître d’un coup : il suffit de transformer les espèces sonnantes et trébuchantes en monnaie de papier, car « la circulation du papier-monnaie étant trois fois plus rapide que celle de l’or et de l’argent, c’est comme s’il y avait en réalité trois fois plus de moyens d’échanges ». Une banque protégée par l’État drainera le métal et refoulera dans le public la monnaie fiduciaire.
Négociants et fabricants trouveront le crédit nécessaire à la multiplication de leurs entreprises. C’est encore le crédit qui permettra l’édification d’une compagnie de commerce par actions. Celle-ci pourra être associée à la banque. Elle monopolisera le commerce extérieur, accroîtra l’exploitation coloniale et suscitera de nouvelles richesses. L’État est d’emblée déchargé du souci de ses dettes puisqu’une part des actions de la banque peut être souscrite en billets d’État. À long terme, la banque peut se substituer à lui pour la rentrée d’im-pôts, qui seront mieux prélevés sans que l’État en soit lésé.
En trois ans, l’idée prend corps.
Le 2 mai 1716, Law crée une banque de dépôt et d’escompte ; elle devient banque d’émission, les billets au porteur sont à tout moment convertibles
en monnaie métallique. À partir du 10 avril 1717, on peut s’en servir pour payer ses impôts. Le 4 décembre 1718, elle est banque royale, l’État détenant seul les actions.
L’année suivante, la Compagnie
d’Occident, créée en 1717 et chargée de l’expansion de la Louisiane, absorbe les compagnies du Sénégal, de Chine, des Indes orientales et de la mer du Sud. Elle prend le titre de Compagnie des Indes. Elle est associée à la banque.
C’est l’apogée du système : Law a le monopole des monnaies et il est le fermier général des impôts. En 1720, il est contrôleur général des finances. Il cultive l’enthousiasme du public ; la spéculation est un moyen d’absorber rapidement la dette de l’État et d’augmenter le capital de la compagnie. Dès lors, le péril le guette : les gros béné-
fices promis ne peuvent être donnés qu’avec le temps, et encore seront-ils proportionnés au capital réellement investi ; or, les agioteurs de la rue Quin-campoix ont fait monter les actions de 500 à 18 000 livres. Qu’adviendra-t-il lorsque les porteurs toucheront des dividendes jugés trop maigres ? Qu’adviendra-t-il lorsque, gagnés par la mé-
fiance vite transformée en panique, les détenteurs de billets de banque demanderont, puisqu’il n’y a pas cours forcé, des espèces métalliques ?
La réponse est imaginée par les ennemis de Law. Ils sont nombreux. Tous sont des parasites que le système social et politique entretient. Il y a l’aristocratie. Certains de ses membres jouent avec Law ; le plus grand nombre est effrayé par ses projets d’un impôt foncier unique reposant sur le revenu de la terre. Il y a ceux qui participent à la ferme de l’impôt et qui se voient dé-
pouillés de leur moyen d’oisiveté ; il y a leurs multiples frelons, les banquiers, tels les frères Pâris. Les uns et les autres se partagent la tâche ; les parlementaires, au grand jour, attaquent sur le plan du droit ; les financiers et leurs séides, de manière plus couverte : après downloadModeText.vue.download 36 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12
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avoir fondé une compagnie rivale pour retenir le plus possible les capitaux, ils poussent les gros actionnaires de Law à la réalisation. C’est en voitures que le prince de Conti ou le duc de Bourbon viendront en quelques heures chercher leurs millions.
Dès lors, c’est l’effondrement. Law se bat avec ténacité. Il achète les actions pour maintenir les cours ; il ruine ainsi sa banque et obtient alors l’interdiction de la monnaie d’or. Les actions continuant à être bradées, il fait intervenir la police, qui ferme la rue Quin-campoix. On se tue pour vendre ses papiers ; il organise des défilés publicitaires pour ses entreprises coloniales.
Au milieu d’un monde où le plus rustre est souvent du plus haut lignage, il découvre la grandeur ou la naïveté de ces bretteurs qui font face. Il était millionnaire à son arrivée à Paris, il meurt à Venise en 1729, sans une livre. De nos jours encore, les historiens s’interrogent : génial précurseur ou bon élève des mercantilistes du XVIIe s. ?