rode away (1928). Ses déceptions et sa colère se soulagent dans ses vers de la fin, Pansies (1929), Nettles (1930), More Pansies (1932). Mais, au-delà des brouilles, des exagérations, des amertumes, et une fois terminé le
long séjour dans « l’enfer », le succès de l’oeuvre va croissant depuis les années 50, et l’écran s’en empare. Car le génie de Lawrence appartient à la sorte qui demeure. Vivant et nécessaire. Comme celui de William Blake*
au XVIIIe s., celui de Thomas Carlyle*
au XIXe.
Une sorte de candeur, de franchise brutale bénéfique, de pureté se dégage d’un ensemble abondant et dispersé dans tous les genres, même le théâtre (The Widowing of Mrs. Holroyd, 1920 ; David, 1927). Sa recherche éperdue de relations humaines plus authentiques (The Blind Man, 1918), en particulier dans le mariage (The Rainbow ; Women in Love ; England, my England, 1915 ; The Captain’s Doll, 1923 ; Glad Ghosts, 1926), sa lutte contre ce qui
souille l’amour (Pornography and Obscenity, 1929), le rapprochement avec la nature (The Trespasser, 1912 ; Birds, Beasts and Flowers, 1923), enfin un art parfois désordonné, mais toujours lyrique et parfaitement maîtrisé dans ses nouvelles, culminant avec The Fox (1923), St. Mawr (1925) ou The Man who died (1929), telles apparaissent les caractéristiques les plus représentatives de ce lutteur.
D. S. -F.
F. R. Leavis, D. H. Lawrence Novelist (Londres, 1955). / D. Gilles, D. H. Lawrence ou le Puritain scandaleux (Julliard, 1964). / E. Dela-venay, D. H. Lawrence, l’homme et la genèse de son oeuvre (Klincksieck, 1969 ; 2 vol.). /
R. P. Draper, D. H. Lawrence, the Critical Heri-tage (Londres, 1970). / G. J. Zytaruk, D. H. Lawrence’s Response to Russian Literature (Mouton, La Haye, 1971). / K. Innis, D. H. Lawrence’s Bestiary. A Study of his Use of Animal Trope and Symbol (Mouton, La Haye, 1972).
Lawrence
(Thomas Edward)
Orientaliste et agent politique anglais (Tremadoc, pays de Galles, 1888 - Mo-reton, Dorsetshire, 1935).
Né d’un père irlandais et d’une mère écossaise, celui qu’on nommera le « roi non couronné d’Arabie » se révélera vite à la City School d’Oxford comme un adolescent rêveur, mais doué d’une volonté inflexible et d’un redoutable pouvoir de persuasion. Sa passion pour l’archéologie ayant attiré l’attention de D. G. Hogarth (1862-1927), directeur de l’Ashmolean Museum, ce dernier le fait affecter aux fouilles qu’il conduit en Mésopotamie (1910), puis en Égypte. C’est là qu’en 1911 Lawrence rencontre les nationalistes arabes qui rêvent de secouer le joug ottoman, et qu’en son esprit s’ébauche le projet d’un grand empire arabe sous influence britannique.
Affecté comme lieutenant en 1914
au service cartographique du Caire (il vient de reconnaître la région du Sinaï), il effectue en 1915 une mission secrète à Bassora pour tenter de négocier avec les Turcs la levée du siège de Kūt al-
‘Amāra. En avril 1916, au moment où les Anglais incitent le chérif Ḥusayn à
déclencher les soulèvements du Hedjaz contre les Turcs, Lawrence est muté au bureau arabe du Caire. Très vite, il prend à son compte exclusif la liaison avec Ḥusayn et ses fils Abdullah et surtout FayṢal, en qui il reconnaît l’homme capable de conduire la révolte arabe. Lawrence persuade ses chefs de le laisser agir seul auprès de FayṢal : pour lui, cette révolte doit être l’oeuvre des seuls Arabes, et la première mesure qu’il obtient est le retrait des quelques contingents militaires destinés à les épauler. Dès lors, le soulèvement arabe est devenu « sa » chose et, quand il en a connaissance, il considère comme une trahison les accords signés le 19 mai 1916 entre Paris et Londres, qui partagent le Moyen-Orient en une zone d’influence française (Syrie et Liban) et une zone d’influence anglaise (Palestine, Iraq, Jordanie). En 1917-18, Lawrence, qui a adopté le costume et le mode de vie des Bédouins, est auprès de FayṢal l’inspirateur du grand mouvement de libération qui doit créer la nation arabe et l’animateur d’un nouveau style de guerre visant avant tout à créer et à entretenir l’insécurité chez l’adversaire. C’est ainsi qu’après un raid de 1 500 km à la tête de 2 000 cavaliers, il enlève ‘Aqaba aux Turcs le 5 juillet 1917. Reçu au Caire en héros, il entrera le 11 décembre aux côtés du général Allenby (1861-1936) à Jérusalem. En 1918, ce dernier lui demande d’appuyer avec FayṢal l’offensive dé-
cisive qu’il déclenche le 19 septembre en Palestine par une action de gué-
rilla menée avec FayṢal en direction de Damas, pour laquelle il place sous leurs ordres le célèbre Camel Corps et un petit détachement de tirailleurs nord-africains aux ordres du capitaine français Pisani. Le 1er octobre, Lawrence et FayṢal sont accueillis à Damas par une foule en délire qui proclame Ḥusayn roi des Arabes. Trois jours plus tard, sentant que l’avenir du problème arabe se jouerait maintenant sur le plan politique entre les Alliés, Lawrence —
qui, à trente ans, vient d’être promu colonel — remet brusquement sa démission à Allenby et regagne Londres avec FayṢal, qu’il présente au roi George V. Mais, quand, en 1919, il cherche, en l’emmenant à Paris, où siège la conférence de la paix, à le faire recon-downloadModeText.vue.download 38 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12
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naître comme souverain de la Syrie, il se heurte au refus de Clemenceau* et de Lloyd George*, qui s’en tiennent aux accords de 1916. Écarté désormais des négociations sur le Moyen-Orient, Lawrence, qui estime que les Arabes ont été dupés, porte son ressentiment contre les Français, qui, en juillet 1920, chassent FayṢal de Damas, et se plonge dans la rédaction d’un récit de la révolte arabe qu’il intitule les Sept Piliers de la sagesse. En 1921, il est appelé par Churchill*, dont il devient l’ami, au Colonial Office comme
conseiller pour les affaires arabes. À
la conférence du Caire, il fait triompher ses idées : abandon par Londres de l’administration directe des pays du Moyen-Orient, création de monarchies indépendantes (FayṢal en Iraq, Abdullah en Transjordanie, Fu‘ād en Égypte) liées par traité à l’Angleterre, allégement de la présence militaire britannique, confiée à la R. A. F., plus efficace et moins voyante que l’armée.
En juillet 1922 toutefois, dégoûté d’un jeu politique qu’il estime petit et à courte vue, Lawrence quitte le Colonial
Office et, d’une façon étrange, décide de plonger dans l’anonymat en s’engageant sous un faux nom comme simple soldat dans la R. A. F. Bientôt reconnu, il doit quitter l’uniforme, renouvelle cette tentative dans les blindés (1923), puis est admis de nouveau dans la
R. A. F. (1925) et envoyé aux Indes, où il traduit l’Odyssée. En 1927, il publie Révolte dans le désert, version abré-
gée des Sept Piliers de la sagesse ; le livre connaît un immense succès, mais entraîne son expulsion de l’Inde (1929) et son retour en Angleterre. Lawrence réussit à replonger dans le silence et, en 1935, une fois terminé son engagement dans la R. A. F., il se retire à Clouds Hill. Quelques semaines plus tard, un banal accident de motocyclette mettait fin à cette vie aussi aventureuse que tourmentée, dont le témoignage fait désormais partie de l’histoire contemporaine du monde arabe.
P. D.
L. Thomas, With Lawrence (Londres, 1930 ; trad. fr. la Campagne du colonel Lawrence en Arabie, 1917-1918, Payot, 1933). / J. Benoist-Méchin, Lawrence d’Arabie ou le Rêve fracassé (Clairefontaine, Lausanne, 1961). / A. Nutting, Lawrence of Arabia, the Man and the Motive