J.-P. B.
Le Chatelier
(Henry Louis)
Chimiste et métallurgiste français (Paris 1850 - Miribel-les-Échelles, Isère, 1936).
Par son père, ingénieur des mines, à qui l’on doit le procédé Martin pour l’obtention de l’acier, Le Chatelier entre en contact avec Sainte-Claire Deville* ; par son grand-père, collaborateur de Louis Vicat (1786-1861), il va s’intéresser aux problèmes des ciments. Sa carrière semble d’ailleurs downloadModeText.vue.download 43 sur 573
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prolonger celle de son père. Entré premier en 1869 à l’École polytechnique, il en sort également premier dans le corps des mines. Il occupe un poste en Algérie, puis à Besançon et épouse la fille d’un camarade de son père. Répé-
titeur à l’École polytechnique en 1882, il est nommé en 1887 professeur de chimie industrielle générale à l’École des mines et se consacre dorénavant à la recherche et à l’enseignement. Il obtient en 1898 une chaire au Collège de France. Puis, en 1907, désireux d’avoir un plus large auditoire, il va occuper à la Sorbonne la chaire de Moissan*
et, la même année, il succède au même chimiste à l’Académie des sciences.
Physicien égaré parmi les chimistes, comme il se plaît à le dire, Le Chatelier le prouve aussi bien dans les travaux qui lui valent son haut renom que dans la façon dont il rénove l’enseignement de la chimie.
De 1878 à 1882, il étudie les mé-
langes explosifs, notamment le grisou, et réalise des explosifs de sécurité pour les mines de houille ; il est le premier à enregistrer par photographie l’onde explosive. Il rattache les phénomènes chimiques aux lois de la thermodynamique et donne en 1884 un énoncé général de la loi des déplacements des équilibres physico-chimiques. Il utilise en 1886, pour la mesure des températures élevées, les pyromètres thermo-électriques à base de platine.
Grâce à sa création de la micrographie et de l’analyse thermique, il effectue les premières études scientifiques de la structure des métaux et alliages. En 1901, il étudie les conditions de synthèse de l’ammoniac et indique la possibilité d’une préparation industrielle.
Il est également l’auteur de recherches sur la céramique et donne les premiers renseignements précis sur la nature des ciments.
Il ne cesse d’affirmer la nécessité d’une constante collaboration entre la science et l’industrie. Il publie plusieurs ouvrages pour diffuser en France la doctrine de Taylor et contribue à la création des mouvements pour une
meilleure organisation des entreprises.
Il se dépeint lui-même dans l’éloge qu’il fait de son prédécesseur Moissan : « Dans les sciences comme dans toutes les circonstances de la vie, une persévérance inlassable, une vigueur inflexible dans la lutte contre les obstacles et une affabilité non démentie avec les collaborateurs sont les élé-
ments essentiels du succès. » Ainsi s’explique l’influence qu’il ne cesse d’exercer ; aux fêtes de son cinquan-tenaire, en 1922, près de trois cents firmes industrielles, de tous les pays, viennent lui apporter leur hommage.
R. T.
F. Le Chatelier, Henry Le Chatelier, un grand savant d’hier, un précurseur (Revue de métallurgie, 1969).
Leclair
(Jean-Marie)
Compositeur et violoniste français (Lyon 1697 - Paris 1764).
Jusqu’aux dernières années du
XVIIe s., le violon et sa musique avaient été, en France, singulièrement sous-estimés. À quelques exceptions près, consenties en faveur de virtuoses étrangers ou de notre Jacques Cordier, dit Bocan (1580-1653), rare prophète en son pays, on considérait l’instrument comme voué, au mieux, aux ballets, mais plus particulièrement aux parades foraines, aux tavernes de bas étage.
Une plaisante initiative de François Couperin*, à une époque où il n’était pas encore « Couperin le Grand »,
amorça un revirement qui ne devait pas tarder à modifier grandement la situation. On connaît l’histoire de la sonate à deux violons et basse qu’il composa en 1692 et fit entendre en s’affublant d’un pseudonyme italien, du succès qu’elle obtint et de l’émulation qu’elle suscita parmi les compositeurs fran-
çais, le véritable auteur n’ayant pas longtemps fait mystère de son identité.
En deux ou trois décennies, une
école française de violonistes-compositeurs prit corps, révélant des virtuoses et des musiciens de qualité, parmi lesquels Jean-Féry Rebel (1661-1747),
F. Duval (1673-1728), J. B. Senallié (1687-1730), les deux Francoeur (Louis
[1692-1745] et François [1698-1787]) peuvent déjà affronter la comparaison sinon avec Corelli*, du moins avec des Italiens d’un rang honorable. C’est à Leclair qu’il allait appartenir de hausser cette école au plan international.
Jean-Marie Leclair (dit « l’Aîné », parce qu’un de ses frères cadets allait porter mêmes prénoms) naquit dans
une famille où la musique était en honneur. Le père, Antoine Leclair, exerçait la profession de maître passementier, mais figurait occasionnellement dans des orchestres comme joueur de basse ; parfois aussi on le trouve parmi les maîtres à danser. De ses huit enfants, six allaient être des musiciens de métier.
Jean-Marie, l’aîné, met un certain temps à s’y décider. On sait qu’il étudie le violon (avec des maîtres dont le nom ne nous est pas parvenu), mais son contrat de mariage le qualifie encore, à dix-neuf ans, de « maître passementier », comme son père. Le cumul va plus loin, car il est aussi danseur et chorégraphe, engagé à ce double titre en 1722 par l’Opéra de Turin, où il monte trois intermèdes destinés à être intercalés dans la Semiramide de G. M. Orlan-dini (1688-1750). Il est probable qu’il a, pendant ce premier séjour à Turin, l’occasion de travailler le violon avec le fameux Giovanni Battista Somis
(1686-1763), gloire de l’école piémon-taise. Toujours est-il qu’à l’automne de l’année suivante, domicilié pour la première fois à Paris, il y publie son premier livre de Sonates à violon seul avec la basse continue, où s’affirment déjà une personnalité musicale originale et vigoureuse, un solide métier de compositeur et la parfaite connaissance des ressources du violon. Pourtant, il n’a pas complètement rompu avec la chorégraphie. En 1726-27, on le retrouve à Turin adaptateur de divertissements scéniques et premier danseur, au moins occasionnellement ; mais, cette fois, on sait de source sûre qu’il prend des leçons de violon de Somis. Ses progrès sont tels que son maître le persuade d’opter définitivement pour la carrière de violoniste-compositeur.
De retour à Paris en 1728, il ne tarde pas à s’imposer. Engagé pour la première fois au Concert spirituel pendant la semaine de Pâques, il y réapparaîtra quatre autres fois avant la fin de l’année et à de nombreuses reprises les années suivantes, jusqu’en 1736. Sa notoriété passe les frontières : le Dictionnaire de musique de J. G. Walther (1684-1748), publié à Leipzig en 1732, lui consacre une notice. Sa jeune gloire attire l’attention de Louis XV, qui le fait entrer comme « premier symphoniste » dans sa musique, ex aequo avec le Piémontais J.-P. Guignon (1702-1774), autre élève célèbre de Somis.
Dès lors, sa carrière va se développer de façon trop capricieuse pour que nous tentions de la retracer ici, avec de curieuses alternances de brillants succès et de périodes pendant lesquelles on n’est que vaguement renseigné sur ses activités : ainsi des années 1740-1742, qu’il passe en Hollande, où il est possible qu’il se soit rendu surtout pour connaître et entendre Pietro Locatelli (1695-1764), génial précurseur de Paganini*, le seul virtuose, en ce temps, downloadModeText.vue.download 44 sur 573
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dont la technique surclassât largement la sienne.