Développements
originaux au Japon
Introduit sans doute au Ve s. par des artisans chinois ou coréens, l’art du laque ne s’épanouit au Japon* qu’à partir de l’époque Heian, trois ou quatre siècles plus tard.
Aux VIIIe-IXe s., la technique du
« laque sec » (en jap. kanshitsu), plus répandue qu’en Chine, est utilisée pour les statues. Celles-ci sont modelées, à partir d’un noyau d’argile ou de bois, dans des tissus de chanvre imprégnés de laque, puis dorées ou polychromées (le Prêtre Ganjin, VIIIe s., au Tōshōdai-ji, Nara).
Sous les Fujiwara, le décor des
objets d’usage, le mobilier, l’intérieur de certains temples (Byōdō-in, 1053 ; Chūson-ji, v. 1120) font appel au laque incrusté de nacre (raden) ou au laque d’or (makie). Cette dernière technique, caractéristique des oeuvres japonaises, offre des possibilités infinies. Les motifs, saupoudrés d’or et d’argent quand le fond est encore mou, sont recouverts d’une nouvelle couche de laque, polie jusqu’à ce que transparaisse le métal.
La surface lisse et brillante du hira-makie s’accompagne souvent, à partir du XIIIe s., de décors en relief (taka-makie), de fils ou de petites parcelles d’or.
Du XIVe au XVIe s., tandis que l’emploi des laques d’or fait école sur le continent, une nouvelle vague d’influences chinoises porte l’intérêt sur les laques sculptés. Le type populaire, kamakura-bori, est caractérisé par
des motifs sculptés sur le bois avant laquage. À l’époque Momoyama, des
coffres luxueux s’ornent de compositions florales souples et raffinées, écho des peintures de l’école Kanō*. Deux artistes de génie, Kōetsu* et Kōrin*, dominent le XVIIe s. : ils renouvellent l’art du makie par des thèmes inédits et par l’emploi audacieux de matériaux comme le plomb et l’étain.
En revanche, la production du
XVIIIe s. est marquée par un goût excessif pour les applications d’or et les effets colorés. Plateaux, écritoires et bibelots divers, les inro surtout (petites boîtes à pilules), ne relèvent plus que d’un artisanat habile. Un renouveau s’amorce au XIXe s., et, depuis lors, certains artistes se tournent vers des recherches plus originales.
F. D.
U. A. Casal, Japanese Art Lacquers (Tōkyō, 1961). / B. von Ragué, Geschichte der japanis-chen Lackkunst (Berlin, 1967). / S. Lévy, Laques vénitiennes du XVIIIe siècle (S. F. L., 1969 ; 2 vol.).
Largillière
(Nicolas de)
Peintre français (Paris 1656 - id. 1746).
Fils d’un négociant parisien établi à Anvers, Largillière (ou Largillierre) entre en 1668 dans l’atelier d’Antoine Goubau (baptisé en 1616 - 1698),
paysagiste et portraitiste anversois.
En 1674, il gagne l’Angleterre et travaille avec sir Peter Lely. À Londres, l’influence de Van Dyck lui donne le goût de l’élégance et de la distinction dans les portraits d’apparat. En 1682, la mort de Lely (1680) et les persécutions contre les catholiques le décident à rentrer en France.
Soutenu par Van der Meulen et par
Le Brun, Largillière est reçu en 1686
à l’Académie, où il présente comme morceau de réception le Portrait de Le Brun (musée du Louvre). Entre-temps, en 1685, Jacques II d’Angleterre l’appelle pour faire son portrait et celui de la reine. Ce sont les seuls personnages royaux qu’il peindra. Établi définitivement en France, Largillière devient peintre officiel de la Ville de
Paris, et les échevins lui demandent à plusieurs reprises de commémorer les cérémonies et les grands événements de leur vie publique : 1687, banquet offert au roi ; 1697, mariage du duc de Bourgogne ; 1702, avènement du duc d’Anjou au trône d’Espagne ; 1722, mariage projeté de Louis XV avec l’infante d’Espagne. Un incendie de l’Hô-
tel de Ville, à la fin du XVIIIe s., a fait disparaître ces toiles, mais une oeuvre similaire subsiste pour témoigner de leur importance : l’Ex-voto à sainte Geneviève (1694, église Saint-Étienne-du-Mont), qui présente le prévôt des marchands et les échevins en prière aux pieds de la patronne de Paris. Les esquisses du tableau relatif au banquet de 1687 (Ermitage, Leningrad ; Louvre ; musée d’Amiens) montrent, elles aussi, l’habileté de l’artiste à composer un portrait collectif qui serait digne de rivaliser avec ceux de Frans Hals.
De fait, Largillière est, avec Ri-
gaud*, peintre de la cour, le plus grand portraitiste français de son temps. Ses modèles sont des magistrats (Jean
Pupil de Craponne, musée de Gre-
noble), des artistes (Jean-Baptiste Forest — dont il épousa la fille —, musée de Lille), des acteurs (Mlle Du-clos dans le rôle d’Ariane, Paris, Co-downloadModeText.vue.download 7 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12
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médie-Française), des familiers, sans oublier le Peintre, sa femme et sa fille (Louvre). Un chef-d’oeuvre domine
cette production : la Belle Strasbourgeoise (1703, musée de Strasbourg).
Une jeune femme, souriante et réser-vée, portant le magnifique costume strasbourgeois (dont le chapeau à
cornes), nous regarde. Elle tient dans ses bras un « pyrame » noir et blanc, petit épagneul alors à la mode. Le luxe, fréquent chez Largillière (fleurs, draperies, etc.), est absent. C’est un portrait raffiné, mais sans excès, une oeuvre qui fait le lien entre la « réalité » du XVIIe s.
et la délicatesse d’un Jean-Baptiste Perronneau*, par exemple.
Quelques natures mortes, comme
celle du musée de Dunkerque, comme
les Perdrix de Grenoble et les Fruits d’Amiens, montrent Largillière sous un jour peu connu. Sa formation flamande reparaît alors dans la technique : souci du détail, présentation sur un fond d’architecture, lumière douce baignant les objets. Fleurs, fruits, animaux annoncent Chardin.
Par sa palette de coloriste, son style sensuel et brillant, Largillière prépare dès ses débuts l’art du XVIIIe s. Et le chant d’un Watteau, parfois, effleure chez lui telle échappée de paysage, tel visage touché de grâce.
B. A.
Larionov (Mikhaïl
Fedorovitch) et
Gontcharova
(Natalia
Sergueïevna)
Peintres d’origine russe du XXe s.
Dès les premières années du siècle, plusieurs créateurs de l’avant-garde russe se groupèrent autour du couple formé par MIKHAÏL ou MICHEL LARIONOV
(Tiraspol 1881 - Fontenay-aux-Roses 1964) et NATALIA ou NATHALIE GONTCHA-ROVA (Toula, près de Moscou, 1881 -
Paris 1962). À l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou, Gontcharova suit pendant trois ans les cours de sculpture, et Larionov ceux de peinture. Tous deux passeront par plusieurs phases esthétiques : influence de l’impressionnisme, du cubisme*, du futurisme*, puis « néo-primitivisme » et enfin, en 1912, abstraction rayonniste.
Leur souci constant est de créer un mouvement d’inspiration purement
russe, reflétant les multiples aspects de l’art populaire. Ils refusent d’emblée le réalisme narratif des « ambulants »
ainsi que l’esthétisme raffiné du groupe Mir iskousstva (le Monde de l’art) ou les rêveries fugitives de la « Rose bleue », pour rendre à la peinture sa valeur propre. Le voyage de Larionov à Londres en 1906 lui fait découvrir Turner, dont l’influence est sensible dans une série de tableaux consacrés aux poissons. La rencontre, en 1907, des infatigables et impétueux frères David et Vladimir Bourliouk abou-