Выбрать главу

L’un des épisodes les plus dramatiques de cette tactique est certainement la

« Commune de Canton ». Au moment

même où Staline, face à l’« opposi-

tion de gauche », parle à Moscou du succès de l’insurrection et de la Révolution chinoises, les militants chinois meurent par milliers sous les coups de la répression nationaliste. Mal prépa-rée, connue dès avant son déclenchement, la « Commune » est noyée dans le sang.

Mais la ligne développée depuis

plusieurs mois est toujours appliquée au début de 1928. Les communistes

tentent désespérément de développer la subversion et se voient décimés par la réaction. On demande à Mao d’intervenir au sud du Hunan. C’est un nouvel échec. En outre, les troupes du Guomindang occupent le Jinggangshan. Heureusement, en revenant (avril 1928), la petite armée fait la jonction avec d’autres forces révolutionnaires, 8 000 hommes environ, commandés

par Zhu De (Tchou Tö). Le Jinggangshan est reconquis. En mai 1928, la

« IVe armée rouge » est créée. Zhu De en est le commandant en chef, et Mao y représente le parti. Elle comprend environ 10 000 hommes. Mais deux

des six régiments seulement possèdent des armes à feu.

En novembre 1928, un troisième

groupe conduit par un général communiste, Peng Dehuai (P’eng Tö-houai)

[né en 1900], arrive au Jinggangshan.

Désormais, le petit territoire ne suffit plus. Un premier blocus nationaliste et une attaque de la base forcent d’ailleurs les communistes à s’en aller vers l’est. Ce nouveau « soviet », dont la

« capitale » est Ruijin (Jouei-kin), sera tenu par les communistes jusqu’à la fin de 1934.

Deux axes principaux guident son

implantation au Jiangxi (Kiang-si) : le développement d’une armée qui soit véritablement révolutionnaire dans son fonctionnement comme dans son

action ; l’accomplissement d’une véritable réforme agraire sans laquelle le soutien des paysans est impossible.

Les dirigeants communistes de

Shanghai et ceux de l’Internationale communiste ne sont pas de cet avis.

Pour eux, la révolution est avant tout prolétarienne et urbaine. C’est pourquoi le nouveau leader, Li Lisan (Li

Li-san) [1896-1967 ?], envisage de mener des attaques contre les grandes villes de la Chine centrale avec l’aide de l’armée rouge formée dans les soviets. Une fois encore, malgré des succès initiaux, la tentative sombre dans l’échec. Après treize jours de combats devant Changsha (Tch’ang-cha), Mao persuade ses amis qu’il vaut mieux abandonner la partie et retourner dans la base du Jiangxi. Ce contrordre est le premier signe patent de désobéissance de la part d’un dirigeant qui refusera de plus en plus d’appliquer des schémas mécanistes à la révolution chinoise.

Les nationalistes, inquiets de la puissance grandissante des soviets, lancent une série de « campagnes d’encerclement et d’anéantissement ». À la fin de 1930, 100 000 hommes attaquent

l’armée rouge, forte de 40 000 soldats. En peu de temps et grâce à la nouvelle tactique élaborée par Mao et Zhu De (Tchou Tö), les communistes remportent leurs premiers succès. Mao lui-même explique les raisons de cette première victoire : « La tactique que nous avons dégagée de la lutte de ces trois dernières années diffère réellement de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent dans tous les pays et à toutes les époques. Grâce à notre tactique, la lutte des masse se développe en ampleur, et l’adversaire le plus puissant ne peut venir à bout de nos forces.

Notre tactique, c’est celle de la guerre de partisans. Elle se ramène, pour l’essentiel, aux principes suivants : disperser les forces pour soulever les masses, concentrer les forces pour faire face à l’ennemi. L’ennemi avance,

nous reculons ; l’ennemi s’immobilise, nous le harcelons ; l’ennemi s’épuise, nous le frappons ; l’ennemi recule, nous le pourchassons. Pour créer des bases révolutionnaires stables, recourir à la tactique de la progression par vagues. Au cas où l’on est talonné par un ennemi puissant, adopter la tactique qui consiste à tourner en rond. Dans le minimum de temps, avec les meilleures méthodes, soulever les masses les plus larges. En somme, c’est la tactique du filet de pêche qu’il faut savoir lancer ou retirer à tout moment ; on le lance pour la conquête des masses, on le retire pour faire face à l’ennemi. »

En dehors de ces considérations tactiques, la force de l’armée rouge tient à sa discipline, son unité, liées à l’éducation politique intense reçue par les soldats ainsi qu’à la démocratie fonctionnant entre tous, toutes choses que les armées traditionnelles chinoises et particulièrement celles du Guomindang ignorent.

La deuxième campagne commence

dès mai 1931. Aidés par les paysans qui les renseignent et les approvisionnent, les communistes remportent de nouvelles victoires. Mais ils sortent considérablement affaiblis de cette campagne.

La troisième offensive nationaliste, qui commence en juillet 1931, est

menée par Jiang Jieshi lui-même. Ses effectifs s’élèvent à 300 000 hommes, soit dix fois ceux de l’armée rouge.

Peu de temps après les premiers engagements, les troupes nationalistes se retirent. Mais cette fois, l’habileté des Rouges n’est pas la seule raison de ce recul : les Japonais viennent de commencer leur invasion en Mandchourie (18 sept. 1931). Cette diversion va permettre aux communistes de régénérer leurs forces.

Le 7 novembre 1931 s’ouvre le

Ier Congrès des soviets chinois à Ruijin (Jouei-kin). Le 27 novembre, Mao y est élu président du gouvernement provisoire des soviets. Sa qualité de leader du mouvement communiste dans les

bases rurales contrôlées par le P. C. C.

est donc officiellement reconnue. Il n’empêche que la direction du parti appartient toujours aux militants restés dans les villes. Li Lisan a été remplacé par un groupe de jeunes marxistes

« retour de Moscou » surnommés les

« vingt-huit bolcheviks ». Or, la répression s’accentuant, particulièrement à Shanghai, l’état-major du P. C. C. rejoint les territoires rouges. Et presque immédiatement, les contradictions

entre les deux tendances sont mises au grand jour. Les nouveaux venus font porter leur critique sur l’essentiel. Premièrement, la réforme agraire effec-tuée à l’intérieur du soviet est jugée trop modérée. Mao Zedong, dont les positions avant l’expérience du Jiangxi (Kiang-si) étaient radicales, avait selon sa méthode habituelle mis en harmo-

nie la théorie avec la pratique. Il avait dû en particulier modifier ses positions vis-à-vis des « classes intermédiaires »

qui ne devaient pas selon lui pâtir de la réforme, et ce, pour garder le soutien de la majorité des paysans. Ce point de downloadModeText.vue.download 559 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12

6856

vue est jugé opportuniste par les dirigeants du Comité central.

La deuxième attaque des « vingt-

huit bolcheviks » porte sur la ligne militaire : celle-ci est « surannée ».

Les Rouges ne doivent plus mener une guerre de « partisans », une guérilla, mais attaquer de front et hors des territoires soviétiques, lutter « d’État à État ». Mao est finalement en minorité et éloigné des centres de décision.

En Chine nationaliste, après un

temps de pose, Jiang Jieshi décide de ne pas s’opposer aux Japonais, jugés trop puissants, et de détruire d’abord l’« ennemi de l’intérieur ». Une quatrième campagne contre le soviet du Jiangxi (Kiang-si) commence en avril 1933. À l’offensive des Blancs, les Rouges répondent par les « nouveaux principes ». Beaucoup plus nombreux que lors des premiers combats, plus expérimentés, les communistes réussissent une fois encore à bouter l’ennemi hors de leur territoire. Apparemment, la preuve est donc faite que la tactique maoïste a fait son temps. Et la nouvelle méthode a en outre le mérite de préserver les forces civiles vivant dans le périmètre du soviet.