Le 16 mai 1966 la célèbre circulaire, qui sera publiée seulement un an plus tard, est adressée aux dirigeants du parti : « Les représentants bourgeois, qui se sont faufilés dans le parti, le gouvernement, l’armée et tous les secteurs du domaine culturel constituent une bande de révisionnistes contre-révo-
lutionnaires. À la première occasion, ils prendront le pouvoir et substitue-ront la dictature de la bourgeoisie à la dictature du prolétariat. Certains ont déjà été démasqués par nous, d’autres pas encore, et il en est qui jouissent encore de notre confiance et sont en train d’être formés pour prendre notre relève. Il y a notamment des individus du genre Khrouchtchev qui dorment à nos côtés : les comités du parti à tous les échelons doivent y prêter la plus grande attention. »
Le 1er juin, Mao Zedong approuve
le premier « dazibao » (t’a-tseu-pao)
[journal mural à grands caractères], écrit par une jeune femme professeur à l’université de Pékin contre le recteur de cette université. Pour le président du P. C. C., le premier coup de canon de la Grande Révolution culturelle prolé-
tarienne est tiré.
L’élément moteur de bouleverse-
ment développé à l’initiative de Mao Zedong est l’attaque menée contre le parti lui-même et certains de ses dirigeants. Cette tactique provient en partie de la volonté de Mao de briser les oppositions qui se sont fait jour dans les instances les plus hautes de l’appareil et qui menacent son pouvoir. Mais ce souci dépasse largement les règlements de compte et correspond à une ligne définie depuis longtemps. Il a toujours voulu combattre la bureaucratisation du parti aussi bien de l’inté-
rieur, par les campagnes de rectification, que de l’extérieur, en confrontant constamment celui-ci aux masses. Et, à cette occasion, il reprend une phrase formulée trente ans plus tôt : « Se ré-
volter est justifié. »
Ce stade apparemment libertaire de la Révolution culturelle — marquée par l’entrée en action des gardes rouges
— caractérise seulement un passage au-delà duquel est envisagée la mise en place d’une nouvelle organisation entièrement dévouée à son chef, incarnation du prolétariat.
Les dernières péripéties de la Révolution culturelle — l’armée remise à sa place, son chef suprême, Lin Biao (Lin Piao), dauphin de Mao, éliminé pour complot, la chute des éléments les plus
durs — laissent apparaître clairement le dessein profond du vieux révolutionnaire. S’il refuse en effet une gestion purement technocratique et bureaucratique et juge bon que soit remise en cause la toute-puissance des dirigeants, il est trop conscient de l’importance de l’organisation pour accepter que le pays soit géré sur la base d’une démocratie de masse totalement spontanée.
Le parti est donc remis aux commandes (IXe Congrès du P. C. C., 1er-24 avr.
1969), mais il doit, semble-t-il, les partager désormais avec les masses, qui participeront plus qu’auparavant à l’élaboration de leur destin.
Cette « clarification » au sommet
renforce encore le charisme de Mao Zedong. Seul parmi les anciens, Zhou Enlai (Tcheou Ngen-lai) sort indemne de l’épreuve. Et l’entrée spectaculaire de la Chine dans le concert des nations, les visites à Pékin des représentants des plus puissantes nations mettent en relief le destin hors pair de ce fils de paysan du Hunan (Hou-nan).
Cette célébrité tient à une pratique et à une théorie profondément originales : le maoïsme n’est pas un vain mot. Sa pensée, sur de nombreux points, va au-delà des conceptions léninistes, où elle a puisé ; il en est ainsi du nationalisme, du volontarisme et du rôle de la paysannerie dans la révolution. Elle peut aussi s’en éloigner nettement (par exemple à propos du rôle du parti).
Tiraillé entre son sens de l’organisation et le désir de voir surgir l’énergie des masses, Mao apparaît aux yeux de certains comme le parfait représentant d’une bureaucratie de plus en plus menacée, pour d’autres comme le symbole d’un renouvellement profond du processus révolutionnaire.
Façonné par les luttes de classes
pendant un quart de siècle, il a dû, depuis plus de deux décennies, s’atteler à la construction d’un État fondé sur une économie industrielle moderne.
Il a choisi de respecter ce passé déjà mythique, c’est-à-dire de lutter contre les maléfices des sociétés développées où l’« économisme », le « capitalisme » sont rois. D’où les allusions nécessaires au Jiangxi (Kiang-si), à
« une Longue Marche de 10 000 li », à Yan’an (Yen-ngan). Cette volonté de nier le caractère inexorable de l’« embourgeoisement » d’une révolution et de lutter contre le « danger de changer de couleur » est caractéristique de la Révolution chinoise.
Le grand mérite de Mao Zedong et
de ses compagnons est certainement d’avoir réussi à vaincre un passif jugé insurmontable en 1949. La Chine du chaos, de la misère, de la guerre civile a disparu. Personne ne peut plus désormais ignorer la voix de cette grande nation.
Au-delà de cette réussite incon-
testable, et au travers de la Révolution culturelle, Mao Zedong a posé le problème des sociétés industrielles avancées, dont la Chine fera partie un jour. Pour lui, le développement de la puissance de production ne doit pas apparaître comme une implacable machine technocratique ayant totalement échappé au contrôle du simple citoyen.
C. H.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12
6860
losophie et politique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1976).
Mapou (Abraham)
Écrivain judéo-russe de langue hé-
braïque (Viliampol, faubourg de
Kovno, 1808 - Königsberg 1867).
Il naquit chez un professeur de Talmud. L’enfant aimait la nature et la musique ; il aimait aussi l’étude et très vite il surpassa ses camarades. Envoyé chez un rabbin de Kovno pour y approfondir le Talmud, il en revient à quinze ans, et son père l’initie alors à la Cabale, qui l’impressionne au point qu’il croit voir des miracles et espère en accomplir lui-même. Enfant de Lituanie, centre des vrais orthodoxes, les mitnagdim, il est attiré par le hassidisme*, ce mouvement de piété populaire qui délivre les forces spirituelles et donne foi, espoir et joie de vivre.