ou de l’Empire. Cet aspect, qui aurait pu être catastrophique, fut escamoté par la décadence profonde du pouvoir moghol après la mort d’Awrangzīb,
et, sous la conduite des peśvā, les Marathes allaient dominer tout le XVIIIe s.
indien.
À l’origine, le peśvā n’était qu’une sorte de Premier ministre, mais peu à peu la fonction tendit à devenir héréditaire, le peśvā jouant le rôle d’une sorte de « maire du palais », surtout à partir de Bālājī Visvanāth (1714-1720) et de son fils Bāji Rāo Ier (1720-1740).
Dans cette première moitié du
XVIIIe s., l’expansion territoriale des Marathes fut spectaculaire (jusqu’en Orissa [ou Urīsā] et au Bengale), mais l’ampleur même de cet accroissement amena des changements sinon dans
la théorie des institutions, du moins dans la pratique du pouvoir. À côté du peśvā, gouvernant de Poona (ou
Puna) le Mahārāshtra proprement dit, on trouve des sortes de satrapies plus ou moins dépendantes de Poona aux
mains de généraux marathes : Gaekwar gouvernait le Gujerat, Bhonla l’Inde centrale, tandis qu’Holkar et Sindhia contrôlaient Indore et Gwālior. L’ensemble formait le Samrājya (Empire marathe), sur lequel le peśvā avait une suzeraineté plus ou moins réelle.
À partir de 1756-57, la situation
se compliqua pour les Marathes.
Jusqu’alors, le grand ennemi était l’Empire moghol. En pleine décadence, celui-ci semblait une proie facile pour ses adversaires, qui rêvaient de restaurer à Delhi un véritable pouvoir impérial en même temps que de libérer les lieux saints de l’hindouisme.
Mais en 1756 un nouvel adversaire autrement plus redoutable se manifesta : les Afghans.
Le duel n’opposait plus Marathes et Moghols, mais Afghans et Marathes.
Ces derniers péchèrent par excès d’optimisme et en janvier 1761, à Pānīpat, se joua une nouvelle fois le destin de l’Inde. Écrasés par Aḥmad chāh (1747-1773), les Marathes se voyaient blo-qués dans leur « longue marche » vers le nord. Certes, à la fin du siècle, un de leurs chefs, Madhu Rāo Sindhia, réussit à contrôler Delhi, mais sa mort
en 1794 coupa court à cette nouvelle tentative. Toutefois, bien qu’affaiblis depuis Pānīpat, les Marathes n’en
constituaient pas moins, face aux
rapides progrès britanniques, la dernière grande puissance indépendante de l’Inde. Pas pour longtemps. Un instant mis en difficulté de 1775 à 1780, les Britanniques se ressaisirent, et lord Wellesley (1798-1805) vint à bout
des Marathes. Les traités de Bassein (1802) et de Surji Arjangāon (1803) réduisirent la confédération marathe à quelques petites principautés ne pouvant en aucun cas constituer un danger et sur lesquelles le peśvā exerçait encore une suzeraineté théorique. Cent vingt ans après la mort de Śivājī, les Marathes étaient donc contraints de s’incliner devant un nouveau maître, britannique cette fois.
Le nationalisme marathe ne sut pas surmonter ses succès et tendit nettement à l’impérialisme ; il lui manqua aussi l’occasion d’identifier pleinement sa cause à celle de l’Inde tout entière.
L’enthousiasme que souleva l’action de Śivājī ne résista pas au chauth et à la sardeshmukhi. Néanmoins, si au XIXe s.
il ne restait matériellement presque rien de ce qui fut la puissante confé-
dération marathe, sa tentative malheureuse devait inspirer le futur combat national. Les XIXe et XXe s. en montrent de nombreux exemples. Ainsi, lors de la grande mutinerie de 1857-58, l’un des leaders, Nānā Sāhib, fils de l’ancien peśvā déchu, quels que soient les motifs de sa participation à l’insurrection, incarna un moment l’espoir d’une résurrection marathe.
En outre, il serait difficile de ne voir que la main du hasard dans le fait que les deux grands chefs nationalistes Gopāl Kriṣṇa Gokhale (1866-1915)
et Bāl Gangādhar Tilak (1856-1920) étaient tous deux des brahmanes
chitpāvan du Mahārāshtra.
Même l’indépendance en 1947 ne put supprimer ce nationalisme quasi viscéral. Il se posa, en effet, le problème du découpage régional de l’Union indienne. Jusqu’en 1956, le pays marathe se trouva écartelé entre trois États : Bombay, Hyderābād et Madhya Pradesh. À cette date, dans le cadre de la
réorganisation régionale de l’Inde fut créé un nouvel État, celui de Bombay, rassemblant les régions de langue marāṭhī et gujarātī. C’était encore trop pour les Marathes, qui obtinrent finalement en 1960 la création d’un nouvel État, le Mahārāshtra* avec Bombay
pour capitale. Actuellement encore, une minorité ultra-nationaliste, pour ne pas dire raciste, voudrait réserver le Mahārāshtra aux seuls Marathes. Le
« śiv sena » (ou armée de Śivājī) illustre downloadModeText.vue.download 566 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 12
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bien cette tendance. L’importance de ce mouvement, véritable perversion du nationalisme, ne doit pas être exagérée.
Des causes économiques, notamment
la concurrence sur le marché du travail, y entrent pour beaucoup. Il n’en illustre pas moins à la limite l’importance du nationalisme marathe. Si l’on admet avec P. Spear que l’empire moghol a préparé l’empire britannique, pourquoi ne pas considérer que l’épopée marathe préparait la grande aventure du combat national indien.
J. K.
F Inde / Mahārāshtra.
H. G. Rawlinson, Śivājī the Marātha (Oxford, 1915). / Surendra-Nātha Sena, The Administrative System of the Marātha (Calcutta, 1923). / G. S. Sardesai, New History of the Marātha (Bombay, 1956 ; 3 vol.).
Marc Aurèle
En lat. MARCUS ANNIUS VERUS, puis MARCUS AURELIUS ANTONINUS (Rome 121 -
Vindobona 180), empereur romain de 161 à 180.
Marcus Annius Verus était le des-
cendant d’une famille originaire
d’Espagne qui s’était anciennement illustrée dans les magistratures les plus hautes. Avant d’avoir dix ans, il perdit son père et fut élevé par son grand-père paternel ; mais il avait déjà été remarqué par Hadrien*, qui l’avait fait péné-
trer dans le collège des Saliens. Son éducation fut complète ; il prit l’habi-
tude d’une vie frugale, dans laquelle les exercices physiques les plus divers ne furent pas absents. Mais la formation intellectuelle de cet esprit simple et direct fut particulièrement soignée ; très tôt, il montra une grande attirance pour les spéculations de l’esprit, et les meilleurs maîtres développèrent cette tendance : Fronton pour la rhétorique, Diognète pour l’art.
À Rome même, il reçut les leçons des meilleurs philosophes, représentants de toutes les écoles alors en vogue ; son adhésion au stoïcisme, et surtout à l’éthique du Portique, fut immédiate et irréversible. Ce goût de la culture et le sérieux que ce jeune homme apportait à toutes choses plurent à Hadrien ; à dix-sept ans, à la demande de l’empereur, Antonin*, son successeur dési-gné, adopta celui qui était son neveu par alliance en même temps que Lucius Verus. Dès le début du règne d’Antonin, il reçut la préture et le titre de césar ; il fut deux fois consul et associé à l’empire avec la puissance tribunicienne et l’imperium proconsulaire (147). Pendant vingt-trois ans, il vécut dans l’ombre d’Antonin, avec qui des liens plus étroits furent scellés quand il épousa la fille de l’empereur, sa propre cousine germaine, Annia Galeria Faus-tina (Faustine la Jeune). À la mort d’Antonin, en 161, Marc Aurèle devint auguste et fit de Verus, qui prit alors le nom de Lucius Aurelius Verus, un associé à l’empire avec des pouvoirs égaux aux siens (sauf le grand pontificat, considéré comme indivisible).
Ce pouvoir conjoint répondait au désir d’Hadrien au moment de l’adoption
et devait permettre une meilleure dé-
fense du monde romain, cette défense qui, de plus en plus, allait hanter les empereurs.
Un philosophe était sur le trône. À
travers sa correspondance avec son maître Fronton et surtout dans ses Pensées pour moi-même, qu’il écrivit probablement, en grec, entre 170 et 178, véritable manuel de conduite, nous découvrons un parfait adepte du stoï-